Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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mardi 22 septembre 2015

L'ESCALE DES CALUMETS

L'ESCALE TROP BANALE

Le Relais des Plaines, le Ti feuille songe, La ferme du Pommeau, Les Platanes... autant de restaurants que nous avons déjà visités à la Plaine-des-Palmistes, avec plus ou moins de bonheur. Globalement, les notes étaient plutôt bonnes. Aujourd'hui, en ce mois de septembre 2015, où le fond de l'air est encore frais, c'est L'Escale des Calumets, situé au Bras éponyme, que nous décidons de tester, en version barquettes. Il serait dommage de ne pas profiter du beau temps et du cadre magnifique dans lequel l'établissement est niché.

Le restaurant se situe sur la gauche dans le sens montant. Il propose de la cuisine chinoise ou créole, sur place, à emporter, et en mode buffet à volonté à 15 euros dans une grande salle passablement sombre et où le fond de l'air y semble encore plus frais qu'à l'extérieur. L'endroit est parfait pour un repas dansant, mais n'est pas très accueillant.
La petite salle attenante d'une quarantaine de couverts, où les plats à emporter sont servis, est beaucoup plus chaleureuse.
Vous avez le choix entre les barquettes à 5 ou 6 euros, en fonction de votre appétit. Déjeuner sur place vous coûtera 9 euros.
Au menu du jour : coq au vin fermier, cari poulet palmiste, cabri massalé, poulet sauce d'huître, riz cantonnais, porc sauce grand-mère et shop-suey poisson.
Nous préférons les créolités, et portons notre choix sur le poulet et le cabri, servis avec pois du Cap et rougail de courgettes.
L'accueil est poli, le service est un peu brouillon. Il est encore tôt, mais une petite queue s'est déjà formée, alors même que tous les plats ne sont pas encore disponibles.


Nous déjeunons donc dans l'herbe, sur le site réaménagé du calvaire tout proche. Il y a bien des kiosques, mais ceux qui les ont posés là n'ont semble-t-il pas jugé opportun de les équiper d'une table, comme n'importe où ailleurs. Drôle de choix.

Nous ouvrons les barquettes.
Le poulet, en plein soleil, se révèle d'une pâleur d'anorexique atteint de phtisie. Ce n'est pas bon signe. Au nez, ce n'est pas mieux, et au goût, c'est tout à fait éteint. Que la pauvre volaille ne soit pas fermière comme le coq au vin du menu, passe encore, mais qu'elle manque autant de roussi est vraiment navrant. Le fumet est conséquemment quasi inexistant. Le chef aura eu une panne d'oreiller et le temps lui a manqué, ou le feu aura été un peu asthmatique. Question épices, ce n'est pas mieux. Une panne d'ail aussi dirait-on. Ou de gingembre. Ou de curcuma. Quoi que ce soit, le résultat n'est pas vraiment mauvais mais franchement décevant. Seuls le palmiste frais donne un tant soi peu de dignité à toute cette affaire, nonobstant le fait qu'il aurait pu être un peu plus cuit (parce que ça croque franchement) et surtout mieux coupé : plusieurs morceaux affichent encore leurs filasses (voir photo). Ni très élégant, ni très digeste. Le rougail de courgette, pourtant assez goûteux, est impuissant à redonner quelques couleurs à ce plat préparé à la va-vite et par-dessus la jambe.

Côté massalé cabri, ce n'est guère mieux. Qualifier le plat de « massalé » relève en effet de l'exagération gustative. A l'image du plat précédent, celui-ci est trop timide, timidité mal cachée par l'attaque franche d'un sel bavard. La poudre n'est peut-être plus toute fraîche, elle a perdu de son panache. Ou alors c'est une autre panne : ils ont dû racler les fonds de bocaux. Le cabri lui-même est plutôt sage en goût, autrement il aurait été plus indiqué de l'assaisonner comme le coq : au vin. Il n'empêche que le tandem viande-massalé ne nous enchante guère le palais, malgré la bonne proportion de caloupilé. Bref, le plat est juste bon à contenter un ventre creux, mais pas un palais exigeant.

Pas grand chose à dire sur les pois du Cap, pas très crémeux, et sur le riz plutôt correct.

Nous avons fait l'impasse sur le dessert. Ce dernier consistera plus tard en une bonne tranche de fromage de la Plaine arrangée avec du miel de letchis, trouvés tous deux en descendant les rampes.

Addition : 15 euros pour trois barquettes. Ce n'est certes pas cher, mais s'il faut faire des kilomètres (que) pour manger ça, autant rester sur Saint-Denis.

L'Escale des calumets, aujourd'hui, s'est avéré décevant. Pour être tout à fait objectif il aurait fallu goûter au coq au vin ou aux chinoiseries, dont les couleurs étaient déjà plus présentables. Peut-être avons-nous fait les mauvais choix. La queue des clients augurait pourtant de la bonne cuisine créole authentique. Ce fut plus anémique qu'authentique. Un accident de parcours, espérons nous. Parfois, qui trop embrasse, mal étreint : cinq bons plats valent mieux que sept moyens, ou cinq bons et deux passables, surtout quand on est à la bourre. Même si la fourchette en argent n'est pas très loin, compte tenu de ce que nous avons dégusté aujourd'hui nous sommes au regret d'attribuer à l'Escale des calumets une pâle fourchette en inox.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : barquettes
Service : poli • Qualité des plats : très moyen
IMPRESSION GLOBALE : MOYEN

FOURCHETTE EN INOX

L'Escale des calumets
679, rue de la République, Bras-des-calumets
La Plaine-des-Palmistes
0262 51 44 21 - 0692 64 77 46

Si vous ne savez pas ce que sont des calumets, éclairez votre lanterne ici

La présente critique a été réalisée le 20 septembre 2015, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n'avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d'un droit de réponse.


jeudi 10 septembre 2015

VISITE SUR LA PLANETE VEGAN

Dans le milieu de la restauration en général et de la restauration à La Réunion en particulier, les menus végétariens, végétaliens ou végans se sont faits une petite place. 

Nombre d'établissements proposent des plats « végé » à leur carte, et certains ont même tenté de ne proposer que de la cuisine végétarienne, parfois sans lendemains. Difficile en effet de tenir dans ce créneau là. Pourtant, la clientèle existe. Outre les végétariens convaincus, élevés ainsi depuis l'enfance, et les convertis, (souvent suite à une prise de conscience de la nécessité de manger plus sain) La Réunion compte aussi les végétariens occasionnels, qui s'astreignent à des obligations d'ordre cultuelles.

Planète Vegan, dont nous avons testé les plats sur trois jours, n'est pas (encore) un restaurant « classique », mais une entreprise de fabrication et de livraison de repas végétariens. Une petite entreprise qui fait son bonhomme de chemin et que nous avons sollicité pour découvrir la variété et la richesse de la cuisine végan, au travers d'une critique sans concession.
Nous avons en effet souhaité mettre leurs plats sur le même pied d'égalité que tous les autres plats testés lors des critiques gastronomiques. Planète Vegan a cependant eu un avantage, et non des moindres : savoir que ses plats sont soumis à une critique. Ce qui n'est pas le cas lors de nos visites puisque celles-ci se font à l'improviste. On pondérera quand même cet avantage car les plats qui nous ont été livrés sont les mêmes que ceux figurant au menu du jour, et nous pouvons raisonnablement penser qu'ils ont été tous préparés de la même façon. Cette petite explication étant faite, passons donc aux choses vraiment sérieuses.


Mardi


- Taboulé fraîcheur 
- Brochettes de soja accompagnées de riz parfumé, haricots coco rosé, 
brèdes et rougail tomates 
- Cake à l'ananas frais.

Le taboulé entame de belle façon notre repas. Même si nous préférons de loin la semoule dans un bon coucous, celle-ci est tout a fait présentable. Cuite comme il faut, les grains sont détachés tout en étant moelleux et ne font pas de grumeaux. La menthe aurait pu y être plus présente, mais elle n'est pas pour autant timide. Celle-ci côtoie des petits morceaux de concombre joyeux et des raisins secs qui délivrent leur humeur sucrée avec justesse. Tout ça est frais comme la rosée du matin.
Suit une barquette qui n'aurait pas dépareillé dans un snack créole bon teint. Riz, grain, et brèdes Chou-de-Chine accompagnent des brochettes de soja. A la vue comme au goût, on jurerait que c'est du poulet. Les brochettes ont vraissemblablement mariné dans une sauce aigre-douce, dont le doux est plutôt sage d'ailleurs. Leur texture est presque celle d'un blanc de poulet passé au mixeur. C'est assez bon. Les brèdes assurent. Leur fraîcheur nous monte au nez comme pour dire “on a été cueillies ce matin”, et leur saveur franche confirme le fait.
Les grains rosés sont corrects. Peut-être eussent-il été plus présentables s'ils avaient été plus en crème, mais étant bien cuits, il n'y a pas beaucoup de reproche à leur faire. 
Même genre de remarque concernant le rougail tomate. Son goût est correct, son piquant est au minimum syndical (la faute à notre palais créole en kevlar sans doute), mais il aurait pu être présenté plus hâché que ça, ou même écrasé dans un bon vieux pilon !
Un petit cake à l'ananas ferme la marche joliment. Nous n'avons quasiment gobé d'une seule bouchée, à la gourmande, pour apprécier son parfum et son moelleux.


Mercredi


- Tarte salée à la provençale accompagnée d'une salade composée.
- Salade asiatique : salade verte, concombre, pousse de soja, cacahuètes pilées, 
dés de brochettes de soja épicées, citron vert.
- Base compote de pomme à la cannelle , une couche de pommes caramélisées, 
une couche de yaourt de soja nature et une pluie de spéculos.

Voyage en Asie et en Provence ce jour là. La tarte salée est composée d'une pâte tendre qui soutient une compotée de tomates et d'oignons recouverte de tranches de courgettes. Un petit passage au micro-ondes est souhaitable mais pas obligatoire. En revanche, la tranche de tarte a quelque peu subi les virages. Elle est présentable mais il s'en est fallu de peu que non. La dégustation révèle une belle affaire : la compotée est magnifique, puissante et toute ensoleillée des parfums de thym(g) et de romarin(g), avec une acidité maîtrisée et une juste dose de sel. Là-dessus les courgettes semi-croquantes font ce qu'elles peuvent, mais le font bien.Nous retrouvons dans la salade le soja d'hier (si ce n'est lui, c'est son frère), qui s'accomode très bien des autres ingrédients d'ailleurs. Tout ça est croquant à souhait et les cacahuètes y apportent avec bonheur leur saveur addictive. On allait dire “heureusement”, sans quoi ça manquerait un peu de caractère à notre goût. Du rab de menthe aurait été bienvenu, surtout avec les rouleaux de printemps qui accompagnaient la salade. Des rouleaux frais et bons, mais vraiment trop timides gustativement.Rien de gravissime, d'autant que l'excellente vinaigrette moutardée et la sauce aigre-douce nous secoue tout ça comme il faut.
Le dessert est un bonheur. Nous avons joyeusement mixé pommes, yaourt et spéculos comme un gamin privé de douceurs depuis un mois. La cannelle en dénominateur commun nous fait un sitting nasal, et magnifie la variété de texture entre l'épaisseur du yaourt, le sablé des spéculos et le croquant-spongieux des morceaux de pommes.


Jeudi


- Piments farcis
- Burger classique accompagné d'une petite salade fraîcheur 
et d'un écrasé de pomme de terre.
- Crème de coco à l'agar agar

De notoriété publique, hélas, trouver des bons piments farcis relève de l'exploit. Sauf si bien sûr vous avez un parent ou un ami qui vous cuisine ça comme il faut, ou en tout cas comme nous considérons qu'il faudrait : la pâte fine et croquante et le piment fort. Oui, sinon, quel intérêt franchement de farcir un piment ? Autant farcir des courgettes, des poivrons ou on ne sait quoi d'autre.

Les piments farcis de Planète Vegan ont une pâte assez fine, mais molle, qui entoure une farce épicée sagement dans un piment croquant et... musclé ! L'un dans l'autre (c'est le cas de le dire) se pose sans difficulté par rapport aux tas de graisse sans goût ni sentiment qu'on trouve un peu partout, surtout en stations service, mais tient aussi la dragée haute à des piments plus présentables comme ceux de Taïlou (Hello Victorine, on adore tes samoussas mais tu sais ce qu'on pense de tes piments, mh ?).
La roquette donne à la petite salade du jour la pêche que sa devancière n'avait pas. Et on retrouve la même dans le burger. Et là, errare humanum est si nous nous fourvoyons tant haute nous avons mis la barre, mais le burger fait "ploc".
C'est pas mauvais en soi, mais c'est un peu éteint. On ne s'attendait pas à du rock endiablé, mais le steak végé, qui tient la place de la viande d'un burger classique, nous joue de la musique de chambre au lieu d'une belle balade rythmée. La tapenade tartinée essaie quand même de mettre de l'ambiance, mais sans trop de succès. Et le pain n'arrange rien, au contraire. Ce n'est sans doute pas simple de trouver (et de garder) du bon pain à burger. Celui-là en tout cas s'effrite en petit morceaux et nous semble absorber, pour faire disparaître, le peu de saveur de la garniture; comme une vieille éponge. Oublions le burger.

Les pommes de terres écrasées arrivent comme la cavalerie. Quelle douceur, quel velouté, et quel fumet. Sont-ce juste les miettes d'oignons éparpillées qui éclatent sous les molaires qui donnent ce subtil parfum ou des filets de harengs auraient-ils également dormi sur ce matelas de patates ? Très très bon.

La crème de coco nous rejoue la même partition, version sucrée cette fois. Si vous ne connaissez-pas l'agar agar, cette composition vous séduira. Le coco s'y éclate ! Et tout ça est si frais, et descend si vite ! On en redemande.
Fin des hostilités. Chaque jour, il ne restait pas grand chose sur la table. 

Résultat global très positif donc pour les menus de Planète Vegan, avec des plats originaux, frais et savoureux. Nous ne nous attendions pas à moins. Les béotiens, blanc-bec et autres bleusailles de la cuisine vegan pourront découvrir que cette dernière est très variée, à des années lumières des clichés “manger lapins” encore trop vivaces. Et Planète Vegan l'aura d'autant plus prouvé qu'à aucun moment nous n'avons trouvé d'assaisonnement indien comme c'est souvent le cas à La Réunion dans ce type de restauration. Même s'ils l'ont eux aussi à leur carte. Et ça, franchement, c'est fort.
Nous souhaitons à toute l'équipe de Planète Vegan de pouvoir continuer à faire voyager ses clients, végés ou non, avec leur cuisine saine et estivale, dans le souci constant de toujours mieux faire. Qu'est-ce que ça vaut ? Comment “quelle fourchette ils ont eue” ? Une fourchette en argent bien sûr !



Les plats de Planète Vegan sont facturés entre 7,50 euros et 8,50 euros.
Les desserts vont de 1,50 euros à 4,50 euros.
Retrouvez les menus du jour sur leur page facebook.

Réservez le matin au 0692 560 675


La présente critique a été réalisée du 8 au 10 septembre 2015 et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n'avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d'un droit de réponse.