Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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- Critiques 2011 -


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Le Grand Baie
[visite en décembre 2011]

Saint-Paul, un samedi. C'est les vacances. Joyeuse cohue au marché forain du bord de mer, entre les clients habituels ou de passage et les touristes "cramés", les yeux émerveillés, qui découvrent nos produits locaux. “C'est quoi ça ?” “La pâte piment cabri madame, sa lé bien bon.” “Ah oui ? j'en prendrai un bocal”… Ouh ! Coup de chaud en perspective ! Et c'est vrai qu'il fait chaud, mais raisonnablement, grâce à une brise légère qui nous ramène l'odeur de l'océan, mélangée à celle des épices nombreuses et variées en ce samedi de marché. Pas besoin de plus pour nous ouvrir l'appétit. Quelques encablures plus loin, près du cimetière marin, c'est beaucoup plus calme. Et c'est là qu'est installé "Le Grand Baie" dont la varangue, immense, est ouverte sur la plage. On nous y accueille poliment et nous nous installons au plus près de l'extérieur afin de continuer à profiter au maximum de la brise et du superbe paysage.
Le "Grand Baie" s'affiche comme restaurant à grillades avec spécialités créoles et métropolitaines. La carte des apéritifs est très fournie. Outre les boissons classiques, on y trouve des préparations locales comme le "ti'punch" (rhum citron) et le planteur. La carte est au panneau. Au menu aujourd'hui : civet de canard, poulet rôti, magret de canard poêlé, Échine de porc grillée, pavé d'espadon, entrecôte, brochettes de langouste… Bien, bien.
A part le civet, pas grand-chose d'autre comme plat créole. Nous interrogeons le personnel. “En fait, la spécialité créole c'est le civet aujourd'hui, ça change tous les jours”. Il y a aussi un zembrocal, mais c'est un peu mince… Qu'à cela ne tienne, pour une fois nous goûterons à la cuisine métro, sauce locale. Nous prendrons donc une darne de dorade coryphène poêlée avec le zembrocal en accompagnement et des crudités. Suivra un magret de canard, saignant.
L'assiette du poisson arrive. Jolie. Et cela sent bon. Coup de fourchette : quelle agréable surprise de voir la chair de la dorade encore souple. En bouche, elle est moelleuse, parfumée et se mélange superbement avec la sauce au beurre. Voilà ce qui s'appelle faire cuire du poisson ! C’est cela le respect du produit. Et le poisson est un produit délicat. Les crudités sont rafraîchissantes, et nous les finirons sans vinaigrette, celle mise à notre disposition dans une bouteille en plastique ne nous emballe pas. Le zembrocal est correct, mais nous nous attendions à mieux. La saveur du riz safrané est un peu en berne. Le magret remplace l'assiette vide du souvenir de la dorade. Nous l'avions demandé saignant, il l'est !  (un magret de canard saignant, ce devrait être un pléonasme). Il est beau, il est dodu, il est doré, le magret, avec sa peau "en graton" sur le dos. Et la sauce !  Coup de couteau. C'est une belle viande tendre et rouge qui se révèle. Du canard mes enfants, fin, joyeux, soumis sous la molaire du fond, enveloppé de sa sauce sucrée-salée au miel, avec un parfum de poivre et la touche subtile des sucs déglacés. Du magret simple, honnête, sans chichis, à savourer tout seul ou accompagné de son verre de vin rouge et sa modération de rigueur. Après une viande comme celle-là, il faudra un peu de temps pour que vos papilles se calment.
Pas de dessert ni de café. Il faut qu'on rentre. Tout cela nous a coûté 35 euros. Si on parle de rapport qualité-prix, certains devraient en prendre de la graine.
Vacances. Soleil. Farniente. Détente. Plaisir. Evasion. Voilà des mots qui conviennent au "Grand Baie". On y mange bien, on y est à l'aise, que demander de plus ? Davantage de cuisine créole, par exemple, pour justifier sa publicité, et peut-être un peu plus d'enthousiasme aussi dans l'accueil et le service. Celui-ci est correct et poli mais rappelle un peu trop ce qu'on trouve dans les bistrots des villes. Seuls les habitués ont droit à quelques égards. Rien de grave. Le “Grand Baie” est une destination agréable si vos vacances vous mènent du côté de Saint-Paul, après une virée au marché, et un coucou au père La Buse, le voisin d'à côté. C'est la dernière fourchette de l'année, et elle est en argent. Joyeux Noël à tous, amis gourmets, et bonne et succulente année 2012.

Pour résumer

Accueil : moyen
 • Cadre : moyen • 
Plats : très bons • 
Rapport qualité/prix : correct 
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent
 

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Note août 2013 : Un restaurant pas vraiment créole recommandé par un client fidèle.

Commentaire reçu de Philippe Perusol (2014) : 
Le Grand Baie, commune de Saint-Paul.Situé entre le cimetière marin et la baie de Saint-Paul, le restaurant Le Grand Baie est une structure ouverte, équipée d'un éclairage coloré. L'ambiance se veut « cosy » - lumière tamisée et musique jazzy.
L'accueil est sommaire. La bonne humeur du personnel de salle n'arrive pas à faire oublier l'inconfort du mobilier en plastique. Le service et la structure manquent de professionnalisme.
Le tableau présente des plats entre 15 et 22 euros. Ni créole, ni métro, la cuisine est standardisée : salades, viandes et poissons grillés. L'accompagnement des plats (riz zambrocal, frites ou crudités) ne fait pas oublier la pauvreté gustative de l'assiette, à l'instar d'un Tartare de Thon à l'Ananas, où l'on recherche désespérément le goût du poisson. Les plats, rapidement servis, ont été vraisemblablement préparés bien avant, ils en ont perdu saveur et texture.
Enfin, le commerce est trompeur. Le serveur peut vous proposer un menu enfant à 6 euros, en vous détaillant le choix des boissons et des desserts. Au final, la direction vous facture distinctement boisson, plat et dessert, en vous expliquant qu'il ne s'agit pas d'un « menu enfant », mais d'un « plat enfant ». Vous goutterez la nuance, puisque ce produit n'existe pas sur la carte.
En conclusion, cette adresse parfois fréquentée en fin de semaine, rencontre un succès immérité. L'accueil est sans considération, la cuisine sans caractère ni talent. Seuls les prix - entre 22 et 30 euros le repas hors boisson - ont de la prétention.
Ouch !
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Le Cap Méchant
[visite en décembre 2011]

Aujourd'hui, nous nous rendons au Cap méchant, mettre les pieds sous la table du restaurant éponyme de ce lieu magique prisé des touristes tout frais, des groupes en tout genre et des familles créoles. Le Cap Méchant est à Saint-Philippe ce que le Reflet des îles est à Saint-Denis, un poids lourd de la gastronomie créole traditionnelle. Il partage le site avec deux concurrents : l'Etoile de mer et le Pimpin, que nous visiterons l'année prochaine. Pas de souci pour se garer : le parking est vaste (et poussiéreux). De l'extérieur, l'établissement ne paie pas de mine. Et de l'intérieur non plus, d'ailleurs. La décoration est inexistante, pas le moindre bouquet de fleurs sur les tables. L'endroit est divisé en zones tout autour d'un grand espace vide que nous supposons être la piste pour les soirées dansantes. Le lieu est calibré pour recevoir beaucoup de monde (plus de 300 personnes). L'accueil est cependant convivial. Nous nous installons à la terrasse, pour profiter de l'air marin ouvreur d'appétit.
A la carte : plats chinois et créoles essentiellement. Tandis que nous la compulsons, on nous emmène l'apéritif, un punch maison au fruit de la passion et un jus de mangue frais très goûteux, qui déclenchent un sourire de plaisir. Nous prendrons un cari bichiques (de saison) et un civet de canard.
Et pour nous éveiller les papilles, nous choisissons un gratin de palmistes. Ce dernier nous arrive brûlant, et c'est par petites touches que nous entamons la dégustation. Nous soulevons la fine croûte de fromage et la gardons pour la fin, pour pouvoir apprécier pleinement le palmiste. De bonne texture, coupé en morceau suffisamment gros pour ne pas disparaitre totalement dans la béchamel, le palmiste est divin. Juste assez de poivre pour relever le tout, une dose de sel idéale, un vague parfum de muscade et une crème onctueuse précipitent la fin du gratin dans son apothéose : la croûte du fromage, en un plaisir gustatif presque violent. Le temps d'une pause, et les bichiques sont servis. Sans piment vert "crasé". Sacrilège. Ce n'est certes pas le rougail tomates qui convient ici, même si celui-ci est bon. Nous réclamons notre "piment Martin" qui nous est livré derechef, avec une explication : "On en mettait autrefois, mais la clientèle touristique a un peu de mal"…
Le cari bichique, lui, ne s'en porte que mieux. Juste un bout de cuiller de piment saupoudré dessus et c'est le soleil sur la forêt primitive après les grandes pluies. Tous les parfums remontent, et en bouche, c'est sublime. Le cari est "sec", comme il faut, les alevins ne sont pas abîmés, ce qui révèle une main experte dans le "tournage" en marmite avec un coup de poignet et la délicatesse requis. Le curcuma joue la partition à la perfection avec le gingembre, une humeur de thym amène de la fraîcheur, chaque épice vient porter la saveur exquise des bichiques, qui se savourent du coup autant avec la bouche qu'avec le nez. Le canard, quant à lui, est noir. Mais pour le coup c'est un heureux présage. La viande est ferme, rouge à l'intérieur, et les épices "croûtées" dans le vin en une sauce rare, épaisse, mais délicieuse, ont imprégné le canard au coeur. La viande se laisse mâcher en souplesse, libérant cette légère amertume caractéristique du vin cuit et le civet s'en va. Point de dessert. Nous sommes repus. Addition : un peu plus de 85 euros pour deux personnes. La faute aux bichiques, (22 euros la portion, deux portions minimum obligatoires) mais c'est sans regret.
Le Cap Méchant, ayant pignon sur falaise depuis des lustres, poursuit son petit bonhomme de chemin en proposant à ses convives une cuisine de qualité. Un défi pas facile tant il est aisé de tomber dans le tout venant culinaire face à la pression touristique. Pour autant, le service semble en pâtir un peu, même s'il demeure efficace et aimable. Mauvais point en revanche concernant le cadre, trop dépouillé. Il suffirait de peu de chose pour rendre le lieu plus attrayant et plus confortable. Aucun effort non plus n'est fait sur la présentation des plats. C'est un peu à la bonne franquette, c'est sans doute plus sûrement une question de manque de temps, ou au pis, de motivation. Ce côté "cantine" retire au restaurant la possibilité d'avoir une fourchette d'or, que sa cuisine mérite pourtant. Par conséquent, nous attribuons au Cap Méchant une très belle fourchette en argent. Si vous y allez le week-end, il est prudent de réserver.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très moyen • Plats : très bons • Rapport qualité/prix : correct

Notre impression globale : très bonne table
Fourchette en argent




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Le Vieux Bardeau
[visite en novembre 2011]

Ce dimanche, nous sommes allés prendre le frais au Tampon, 23e km, et nous nous sommes arrêtés au Vieux Bardeau, logé dans une charmante petite maison créole typique, avec jardin en terrasses, faux plafond d'époque et parquet en Tamarin. 
Nous sommes accueillis princièrement par un dénommé Jean-François, yab pur chouchou devant l'Eternel, alternativement serveur, guide touristique, agent d'accueil et boute-en-train en diable. Il nous présente le restaurant, nous fait l'article devant les buffets froid et chaud et nous pose à une table à proximité dudit buffet dont le humage nous fait déjà saliver. La carte ne nous propose pas de cari, ceux-ci étant au buffet, mais des grillades, entrées et desserts. Après moult tergiversations, nous nous décidons pour une quiche aux brèdes et une demi-douzaine d'escargots, pour changer. Nous irons ensuite à l'assaut des plats chauds. En attendant, un léger punch coco nous met en condition. Les entrées sont servies. La quiche est bonne, salée comme il faut, moelleuse, et glisse avec une étonnante facilité. Le fromage éteint un peu le goût des brèdes mais on lui en tiendra pas rigueur. De leur côté les escargots se défendent pas trop mal, mais manquent un peu de répondant : la persillade n'est pas franchement accrocheuse et le mollusque lui-même est microscopique.
Nous nous rabattons assez vite sur le buffet, et décidons de goûter un peu à tout, à savoir : cabri massalé, pied de porc, cari de poulet, rougail d'andouillettes et une originalité : un rougail de bouchons. En accompagnement, des pois du Cap en crème, parfumés au laurier, et un piment vert "crasé" transpire-zoreils. Tout cela sentait bon, mais nous avons un peu déchanté à la vue : le massalé cabri n'a ni forme, ni consistance, et les andouillettes ne paient pas de mine davantage. Seuls le poulet et les pattes-cochon présentent pas trop mal, même si ce dernier nage allègrement dans l'huile.
La dégustation n'amènera aucun réconfort notable à notre désappointement. Le massalé cabri est correct gustativement parlant, mais il serait plus juste de parler de bouillie de cabri tant les chairs s'effondrent sur la fourchette. Le poulet ne fait guère mieux, la cuisse "i largue lo corp", révélant ses origines de volaille de batterie surgelée. Et la sauce, fade, n'arrange pas son cas, hélas. Les andouillettes suivent le même chemin, et ont perdu totalement leur goût si caractéristique. Envolé le piquant du poivre, disparu le fumet de la viande, ratatiné le croquant des cartilages qui font le charme de toute andouillette créole orthodoxe. Le porc sauve un peu l'honneur, si on prend la peine d'apprécier la texture de la peau…mais c'est tout juste. Nous préférons nous abstenir de commentaires sur le rougail bouchons.
L'omelette norvégienne que nous avons choisie comme dessert ne nous consolera pas, même si elle nous procure quelques plaisirs sucrés, à grand renfort de chantilly.
Addition : 61 euros pour deux personnes. Correct si la qualité avait suivi.
Le Vieux Bardeau présente bien, et l'on fait tout pour que vous vous y sentiez comme chez vous. L'accueil est très chaleureux, et le cadre, authentique, est confortable, cosy. Le seul souci c'est que sous cette couche attrape-touriste, il n'y a pas grand-chose. Les plats dans leur ensemble nous ont clairement donné l'impression d'être trop cuits, et faits à la va-vite. Il serait mentir de dire que c'était immangeable. Mais le décor, l'accueil, et le prix, laissent présumer d'une qualité bien supérieure à cette cuisine de camion-bar pour travailleur pressé. C'est donc à regret que nous décernons au Vieux Bardeau une bien triste fourchette en inox.


Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : très moyens • Rapport qualité/prix : perfectible
Notre impression globale : moyen 
Fourchette en inox



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Note août 2013 : Suite à cet article nous n'avons pas eu de nouvelle du restaurant directement. Cependant, plusieurs mois plus tard, un journaliste du sud est allé leur rendre visite pour un reportage. Il a été fort mal reçu !
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Le Beau Vallon
[visite en octobre 2011]

Ce dimanche, nous sommes allés nous promener du côté des berges de la Rivière des Roches, à l’ombre des pimpins, tandis que quelques pêcheurs, au loin, cuisaient littéralement au soleil, assis sur les galets, gaulette en main. Nous nous sustenterons au restaurant du coin, le Beau Vallon, qui propose outre la cuisine créole et chinoise, quelques plats métros, et affiche à sa carte pas moins d’une dizaine de spécialités de la mer, pour tous les goûts et tous les portefeuilles.

Nous sommes accueillis avec entrain et placés sur une table pas loin de la baie vitrée du fond. La salle, immense, toute de bois décorée, abrite une soixantaine de couverts éparpillés. La carte est assez exhaustive, et affiche quelques plats très traditionnels comme le cari de porc au bois de songe, le bouillon coquilles-la-rivière et le poulet fumé au baba-figue. A quelques mètres, le personnel s’affaire à l’installation d’un buffet à dominante chinoise. 
Avec la rivière des Roches à côté, il serait presque un crime de lèse-majesté de ne pas faire honneur au cari bichiques, pour peu qu’on ait calculé l’affaire et qu’on n’ait pas d’oursins dans les poches : 27 euros tout de même...  Nous finirons par passer commande d’un porc au bois de songes et d’un cari bichiques, donc, et entamons le repas avec une entrée baptisée «assiette de Bourbon», comportant achards de légumes, farce créole, salade de palmiste, fricassée de brèdes chou-de-Chine et gratin de chouchou. Un mélange que ne renierait pas notre diététicienne.
La vue de l’entrée nous met déjà en appétit, joliment présentée dans une assiette carrée. Et nous ne sommes pas déçus, si on excepte le fait qu’à la place de la farce annoncée, on découvre un (petit) morceau de boudin. Ce dernier s’avère assez bon, léger et pimenté à bonne dose, du genre qu’on peut trouver chez les charcutiers de quartier qui mettent un soin composé à la préparation de ce mets. De la bonne vieille recette de boudin créole, avec une juste mesure de mie de pain. Le gratin de chouchou ne se défend pas mal, goûteux et crêmeux. 
L’achard suit le boudin dans la qualité. Le palmiste émincé sur la longueur est légèrement résistant sous la dent, ce qui n’est pas désagréable d’autant que les sensations gustatives sont plus franches qu’avec des salades taillées davantage au cœur. Mention spéciale pour les brèdes qui sentent bon le gingembre et l’oignon fondu, et qui, bien que cuites à point, restent croquantes. L’entrée est expédiée. Les caris arrivent, accompagnés de lentilles parfumées au coriandre et d’un rougail citron.
Les bichiques sont présentés dans une jolie petite marmite, en quantité anorexique. A tout prendre, il doit y en avoir 150 grammes. Et ce n’est certes pas le meilleur cari bichiques que nous ayons dégusté. Cela manque de «croûtage», et la dose de curcuma est un peu forte : on ressent encore l’amertume caractéristique de l’épice orange. Un peu trop salé aussi. Toutefois le plat est correctement relevé, les bichiques ont un bel aspect, et dans l’ensemble, tout cela tient assez la route pour avoir un goût de «pas assez». Le porc s’en sort presque mieux. La saveur de la viande est très agréablement complétée par celle du songe, très fondant, aux accents lointains de poivre et d’ail transpirés dans une sauce onctueuse. Seule la présentation pèche un peu. Le plat ne ressemble pas à grand chose et la petite déco réalisée n’y change rien. La vaisselle vide est enlevée et nous optons pour finir sur la note sucrée d’un gâteau maison. Ce sera mousse de fruits et nougatine, qui remplissent correctement leur office. Addition : 73 euros et des arêtes de bichiques, pour deux personnes. Pas trop exagéré par rapport à la qualité globale, mais nous avons encore un peu faim. Pourrait mieux faire.
Le Beau Vallon est une bonne idée de sortie en famille, si vous n’avez pas envie de vous casser la tête à cuisiner et si belle-mère est tatillonne des papilles. L’endroit est agréable et vous pourrez à loisir y reconstituer l’ambiance «repas créole» comme à la maison, tout en dégustant des plats bien composés et d’un niveau acceptable. Si vous avez des bons mangeurs comme invités, le genre qui disparaissent derrière leur butte de riz et qui n’ont pas peur d’un coq entier, ou si votre grand-mère est du style : «reprend encore un peu mon enfant, vous lé blème», optez plutôt pour le buffet du dimanche. Et demandez l’assiette Bourbon, c’est toute la tradition familiale créole qui s’y retrouve, il ne manque plus que la tranche de rôti de porc (avec la peau bien entendu).
Quoiqu’il en soit, si le Beau Vallon propose une dégustation un cran au dessus de son voisin bénédictin le Vieux domaine, testé ici, il n’est quand même pas encore à la hauteur d’une fourchette en argent, même s’il n’en est pas loin. Nous lui attribuons par conséquent une fourchette en inox à considérer comme un encouragement à travailler la qualité de sa cuisine et de son service. Et un peu plus de bichiques dans la marmite !



Pour résumer  
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : moyens/bons • Rapport qualité/prix : passable
Fourchette en inox

Notre impression globale : moyen


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Note août 2013 : C'est cette critique qui a déchaîné les foudres de l'ancien gérant du Vieux Domaine, distant de quelques kilomètres.


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L'Auberge du Val fleuri
[visite en octobre 2011]


L'été arrive, et nous décidons de fuir un moment les chaleurs du chef-lieu pour nous engager sur les hauteurs sinueuses du Brûlé, charmante localité Dionysienne fleurant bon les azalées, les bambous nains, le cryptoméria humide et le pâté créole d'Aline de Tourris.

C'est précisément chez elle, à "l'Auberge du Val Fleuri" que nous nous arrêtons. L'endroit est aussi un hôtel, flanqué de deux étoiles, niché au creux d'une végétation luxuriante plus ou moins domestiquée. Les bungalows et le restaurant ont cette allure de gîte de montagne accueillant. Un bel espace attenant, équipé de jeux de plein air, enchantera la marmaille qui pourra se défouler à loisir en "larguant l'ourlet" de leurs géniteurs plus enclins à lever le coude et jouer de la fourchette. Et c'est pour ça que nous sommes venus. 
Nous nous installons dans un coin la salle en bois, d'une trentaine de couverts, au milieu de laquelle un poteau est orné de photos de Mme de Tourris en compagnie de Jean-Pierre Coffe. C'est le Chef en personne qui nous accueille, et nous dépose une carte très riche. Quelques poissons, 9 plats métros, 7 plats chinois et autant de recettes créoles traditionnelles dont un cari de langouste, pour les amateurs, et un cari zandouille, à commander à l'avance. Nous ouvrirons le bal par un croustillant de chèvre chaud et un pâté créole, et poursuivrons avec un cari boucané bringelles et un massalé de cabri. 

C'est un très bon cocktail, baptisé "Mamzel" à base de vieux rhum, de jus de citron, et parfumé à la cannelle, qui nous met les papilles au garde-à-vous… avec modération… le rhum, pas les papilles… 
La carte des apéritifs propose 8 assemblages du même acabit, à tester. 
Nous avions longuement hésité entre une alléchante quiche aux brèdes chouchous et le croustillant. La première bouchée de ce dernier nous a fait oublié la quiche ! Amateurs de fromage de chèvre, levez-vous. La pâte délicatement craquante se mélange avec bonheur au fondant fromage qui exhale son arôme comme l'herbe des hauts aux premières lueurs du soleil… et tout en finesse… au point de réconcilier les réfractaires au lait de biquette avec ce fromage de caractère. Le pâté pour sa part n'a pas fait un pli. Déjà, l'odeur suffit. Cette odeur chaude de pâte jaune safran, de thym frais et de viande fumée. Tout cela est onctueux, moelleux, fondant, souple, libérant les saveurs au fur et à mesure. A des années lumière des pâtés créoles étouffe-chrétiens servis dans certains commerces se flattant pourtant d'une certaine réputation. La table est débarrassée d'une vaisselle méticuleusement nettoyée. La suite ne tarde pas.
Service à l'assiette. Les proportions ont l'air correctes. Le riz en suffisance contentera les appétits féroces sans leur permettre de se goinfrer.  Et là, bémol. Le boucané bringelles est moyen. Non par la cuisson, juste et équilibrée, ni par la préparation, de bonne tenue. La sauce est acceptable et les bringelles coupées finement y sont presque diluées. Non, ce qui est moyen, c'est le boucané lui-même, un peu trop maigre, un peu trop filandreux. De la viande industrielle standard numérotée. Le cabri est plus joyeux. Le massalé ne sort certes pas du dernier bocal préparé la veille mais nos narines initiées aux tamoulitudes gastronomiques nous promettent une dégustation engageante. Pure illusion olfactive. En bouche, si la viande se comporte bien, la sauce manque visiblement de "punch". Le rougail tomate sauve la mise. Tout cela aurait été sans doute meilleur avec une dose supplémentaire de piment "zoizo", quitte à y lâcher une larme. Bon, rien de bien méchant dans l'ensemble toutefois. Le riz est très bon et les pois du Cap bien parfumés. On reste dans la moyenne supérieure.
Nous terminons le repas sur une excellente crêpe aux fruits, toute chaude, sur un coulis de goyavier savoureux. Le tout est pétillant, d'une acidité parfumée et très gaie. Enfin, Si vous êtes inconditionnels de la crème brûlée, celle du "Val" est très bonne, et servie généreusement. Nous réglons une note de 74 euros pour deux personnes, le rapport qualité-prix est relativement correct. Non, si vous décidez de passer par le "Val Fleuri", vous n'allez pas vous farcir les nombreux tournants de la route pour rien. L'endroit vaut le détour. Le cadre est reposant, retiré. Vous êtes à quelques encablures de randonnées intéressantes (voir notre confrère Alain Dupuis, marcheur patenté) et dans un cadre qui autorise les repas en famille. Ne pouvant juger que ce que nous mangeons, nous sommes juste un peu réservés quand à la qualité "authentique" des ingrédients composant les plats principaux. Il n'aurait donc pas fallut grand-chose pour que l'établissement obtienne une fourchette d'or. D'autres plats justifieraient peut-être cette récompense, si nous nous référons uniquement à l'excellence des entrées et des desserts, et à la présence de volailles-la-cour (matière première de qualité) élevées en plein air à l'arrière du restaurant.

La fourchette d'argent est par conséquent amplement méritée et c'est avec plaisir que nous l'attribuons au "Val Fleuri" avec nos salutations respectueuses à Madame de Tourris.


Pour résumer 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : bons • Rapport qualité/prix : correct
Fourchette en argent 
Notre impression globale : bonne table




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Note août 2013 : De passage dans le coin il y a quelques temps, nous sommes retournés déjeuner au Val Fleuri de manière informelle. Quelle ne fut pas notre déception d'apprendre que le Chef avait plié bagages quelques jours auparavant, laissant l'affaire sur les épaules d'un jeune, et que madame De Touris était partie en maison de retraite... Et on l'a senti dans l'assiette. Une baisse de qualité sensible. Là dessus une indiscrétion nous informe que la direction a des oursins dans les poches...

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La Cascade blanche
[visite en octobre 2011]


Cette semaine nous nous arrêtons au pont de l'escalier, sur la route de Salazie, où un nouveau restaurant a vu le jour en lieu et place de la bâtisse moisie qui trônait de l'autre côté du parking, à l'opposé de la célèbre chapelle aux volets rouges. 
« La cascade blanche », s'affiche aussi comme relais touristique et accueille dans ses murs un fleuriste. Le lieu est verdoyant et aménagé de kiosques et d'un espace gazonné tout à fait propice aux pique-niques. L'intérieur est décoré avec goût, et s'inspire largement de la luxuriance de la nature. L'établissement propose une petite trentaine de couverts. « Nous somme en train de terminer l'aménagement de la salle derrière, pour les réceptions », nous informe le patron. Du reste, avec un tel emplacement, nous avons le choix entre déjeuner à table, au restaurant, ou profiter du bon air pour pique-niquer dans l'herbe ou sous un kiosque, puisque « la cascade blanche » a la bonne idée de proposer aussi des plats à emporter.
Nous optons pour le kiosque, histoire de changer. A la bonne franquette, ou à la bonne barquette plutôt. Concernant l'accueil, c'est déjà très bien. Il est très détendu, quasi-familial. La bonne humeur et le sourire sont de rigueur. Nous faisons donc l'impasse sur l'entrée et les desserts, (gâteaux locaux et tout-venant sucrés) et qu'on nous annonce plus nombreux le dimanche, pour cause d'affluence.
Nous nous concentrons sur le civet de canard et le ti-Jacques boucané, choisis parmi les plats du jours, traditionnels (rougail saucisse, boucané brigelles, rougail morue et cari de poisson... et un confit de canard sauce poivre vert pour l'originalité). Du fond de la gorge étroite que franchit le pont de l'escalier, la chanson perpétuelle des eaux vives monte jusqu'à nous, accompagnant la délicieuse odeur du civet, libérée à l'ouverture de la barquette. La couleur confirme notre humage : ce civet-là a bien été cuit au feu de bois, comme on nous l'a annoncé un peu plus tôt. Et au palais, c'est bingo ! On a touché la timbale de saveurs du vrai civet de chez « momon », avec son parfum de vin rouge cuit, son fumet extraordinaire, un peu sauvage, qu'on va dénicher en suçant le moindre petit os baladeur non sans délectation. Manque juste le bouquet frais de persil hâché par-dessus, et peut-être un dose d'huile en moins (le riz du fond baigne un peu) pour que ce soit parfait. Pause.
Nous attaquons le Ti-Jacques, qui fait presque aussi bien. Le fruit vert est délicieux mais presque trop fondant : on aurait aimé un peu plus de résistance sous la dent. Mais le boucané est parfait, ni trop gras, ni trop maigre, avec une saveur authentique qui vaudrait à elle seule un certificat de traçabilité. «La cascade blanche» se prévaut non seulement d'une cuisson au feu de bois mais aussi de produits frais achetés avec les éleveurs et les agriculteurs du coin. Pour finir, le riz, du grain long parfumé, est sans reproche tant au niveau de la cuisson qu'à celui du goût, et les lentilles, servies généreusement, restent dans la moyenne. Un petit « rougail zognons » vient relever le tout sans agressivité, à noter qu'il accompagne mieux le civet.
Les barquettes vides vont au sac poubelle de pique-nique, les jambes s'étirent et on attend un peu pour terminer au café cet excellent repas, avant de monter du côté de Hell-Bourg, dire bonjour aux chouchous. Avec des tarifs compris entre 9,50 et 15 euros, on peut dire que le rapport qualité-prix est honnête. C'est le cuir du ventre en peau de tambour que nous reprenons la route, en laissant au passage une belle fourchette en argent qui vient ici récompenser la cuisine familiale de la « Cascade blanche ». Voilà une escale intéressante sur la route du cirque vert. A tout point de vue. « La cascade blanche » est de ces petits restaurants sans prétention qui vous préparent de la bonne cuisine traditionnelle avec l'ingrédient principal de tout bon cari : le plaisir. Venez en famille, vous avez le choix entre la belle table de l'intérieur, la terrasse ou la nature au dehors, et votre progéniture en bas âge pourra se dégourdir les jambes à loisir. Le dimanche, l'établissement met les petits plats dans les grandes feuilles de bananes, pour encore plus de couleur locale. Demandez un rince-doigt et allez-y alors franco, à la main ! Demandez le poisson. « Le dimanche, c'est poisson rouge » nous promet-on. Réservez, c'est plus prudent.



Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : bien • Plats : bons • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent



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Note août 2013
 : Cette critique est l'une de celles qui a déchaîné le plus de passion, notamment par commentaires interposés sur l'ancien blog. Evidemment nous ne pouvons pas savoir si les gens qui postent des commentaires sont de bonne foi ou non. Ils peuvent très bien être téléguidés par un concurrent, par des malfaisants en tout genre, ou par la famille ou des amis, et ce pour venir appuyer ou aller dans le sens contraire de la critique, selon les intérêts.

Comme souvent, nous sommes repassés voir les gérants de la Cascade Blanche un an après. Ils nous ont remerciés pour l'article, en nous informant que "certains" leur en voulaient pour avoir eu cet emplacement en or, et que depuis une personne en particulier leur mettait des bâtons dans les roues. Il s'agit d'une personne très connue sur la place et dont nous tairons ici le nom pour des raisons évidentes.
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L'Iloha
[visite en septembre 2011]

Ce dimanche, nous mettons les pieds sous la table d'un hôtel-restaurant Saint-Leusien, l'Iloha. L'établissement est niché dans un creux de verdure dans le quartier de la Pointe-des-Chateaux, sur la route des Colimaçons. Le lieu respire le calme, les vacances et les touristes en goguette. A peine arrivé, le personnel nous accueille avec bonne humeur et se montre aux petits soins. Nous sommes placés sur l'une des tables en bois décorée d'un anthurium et de jolies vaisselles. Les moineaux viennent nous dire bonjour, tandis que le personnel nous apporte la carte. Une carte riche et classe ou se côtoient différents mets gastronomiques métropolitains, teintés de couleur locale, avec quelques exotismes comme le filet de kangourou ou le pavé d'autruche. Les plats traditionnels créoles ne sont que 4. Nous nous y attendions un peu. Nous choisissons de tester le poulet palmiste et le civet zourite, et commençons les hostilités par des entrées faites d'amuses-bouches typiques (samoussas, bouchons frits, beignets de crevettes…), plus une salade de palmiste.
Deux cocktails du jour sont proposés ; avec et sans alcool. Ils sont frais et délicieux, quoiqu'un peu sucré pour celui sans alcool où nous avons crû déceler l'arrière goût d'un jus de fruit exotique industriel bien connu localement. La salade de palmiste arrive, joliment présentée, et déjà assaisonnée. Bonne surprise : l'assaisonnement, à base d'huile d'olive, vient relever avantageusement la saveur fragile du palmiste, lequel est légèrement croquant. On a de bonnes sensations en bouche. Peut-être un peu trop salé, mais c'est sans importance : c'est délicieux et l'assiette est vite terminée. Les amuses-gueule s'en tirent tout aussi bien. Du beignet de crevette au samoussas en passant par le achards maison : tout est bon et proche de la tradition.
C'est avec un astucieux repose-plats qu'on vient nous servir la suite, présentée dans des petites marmites individuelles. Très joli, mais ce n'est plus original. Le "Reflet des îles" testé il y a quinze jour, fait cela depuis longtemps, et beaucoup ont suivi. D'abord, le poulet. Un seul regard : la messe est dite. La petite marmite révèle…cinq pilons, cinq, au milieu de plusieurs morceaux de palmiste jaune-safran. La première bouchée confirme nos soupçons : il s'agit de viande surgelée bas de gamme, fade, sans consistance. Les morceaux de palmiste s'en sortent un peu mieux, mais la dose d'épices injectée dans le plat ne suffit pas à lui donner un tant soi peu de tenue. 
Le civet zourite est un ton au-dessus, mais à peine. Rien à voir avec l'excellent civet dégusté au Gadiamb, à Saint-Denis, il y a deux mois. Ici le zourite est bien plus récalcitrant sous la dent, et sa sauce pourtant de belle couleur, est sans caractère. Du réchauffé. Mauvais point aussi pour le riz, bas de gamme à n'en point douter, la présence de brisures et la texture farineuse en font foi. Les desserts remontent quelque peu notre moral. Une mousse aux fruits rouges, à la saveur de goyavier, rafraîchissante et délicate vient terminer ce médiocre repas, pour lequel nous nous demandera, accrochez-vous : 84, 50 centimes pour deux personnes ! (Cocktail, entrées, plats et desserts). Dire que le rapport qualité-prix est particulièrement mauvais relève du doux euphémisme. C'est sans doute le tarif pour manger au bord de la piscine. Cette critique bi-mensuelle a pour objet de tester les plats créoles. Nous vous laissons donc apprécier par vous-même la cuisine métropolitaine de l'Iloha, mais si vous voulez mangez créole, ce n'est certes pas une adresse que nous vous recommandons. Et c'est dommage. Dommage que dans un hôtel de ce standing, osant afficher des prix comme ceux-là, la cuisine créole soit la cinquième roue du carrosse, alors que ce genre d'établissement est en première ligne pour défendre et promouvoir le tourisme.  Servir de la nourriture bas de gamme, préparée par-dessus la jambe, aux touristes souvent ignorants de notre gastronomie, mais avides de découvertes, c'est d'abord leur manquer de respect, et aussi s'asseoir sur la cuisine locale. Seuls les entrées et le dessert, à la hauteur, parviennent à sauver l'Iloha de l'hallali, qui, aujourd'hui, arrache péniblement une misérable fourchette en inox.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : insignifiants • Service : très bien
Rapport qualité/prix : scandaleux
Notre impression globale : cuisine médiocre
Fourchette en inox


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Le Reflet des îles
[visite en septembre 2011]

Aujourd’hui, nous rendons visite à l’un des mammouths de la gastronomie créole du chef-lieu, angle des rues Pasteur et Issop Ravate : le Reflet des Iles. Mammouth par son âge d’abord : l’établissement officie depuis pas moins de 38 ans. Mammouth par le nombre de couverts aussi : 150 au compteur, et mammouth encore par le nombre de plats à la carte puisque nous en avons dénombré en tout près de 37, oui madame, sans compter les grillades et les brochettes, 28 affichés, c’est comme on vous le dit, monsieur.  
Nous sommes reçus très aimablement par le personnel et nous nous installons dans l’espace ouvert sur un joli jardin intérieur qui nous fait oublier la ville et le boulevard tout proche. L’endroit a grandi au fur et à mesure et se pare d’une décoration traditionnelle créole en bois vert et blanc. Nous prenons le temps d’éplucher la carte avant que le serveur vienne prendre la commande. Le choix est impressionnant. Entre les plats du jour assez classiques, où on retrouve entre autre cari de porc, poulet palmiste et canard à la vanille, et la carte qui, mine de rien, fait la part belle aux produits de la mer et des eaux vives (camarons, bichique et coquilles la rivière), on ne sait plus où donner de la tête. Nous y trouvons même des plats dits de « tradition lontan », comme les brèdes songes à la morue, petit salé-brèdes manioc et du riz chauffé !
Nous faisons notre choix en plaisantant avec le serveur, qui ne manque pas de gouaille. Jus de fruits frais et punch coco viennent ouvrir le bal, de jolie façon puisque le jus est très désaltérant et ensoleillé, et le punch est satisfaisant quoiqu’un peu trop sucré à notre goût.
Nos entrées arrivent : un gratin de chouchou, « de Salazie » nous précise-t-on, et des boulettes de morue. Enfin, « de morue » : la première bouchée révèle qu’il s’agit plus de boulette de pommes de terre à la morue. Pas mauvaises, au demeurant, mais plutôt bourratives. Les estomacs d’oiseau se contenteront d’une ou deux sur les quatre qui remplissent l’assiette. Le gratin est plus satisfaisant : de jolis petits morceaux de chouchoux bien verts, qu’on dirait cueillis à la treille le matin même, trempent dans une superbe sauce blanche poivrée. Le chouchou est ferme et parfumé. Un vrai délice pour zenfan d’mon’ne d’Hell-Bourg !
Les assiettes enlevées, nous terminons nos jus de fruits. La salle continue de se remplir, sous l’oeil alerte et vigilant du sieur Banon, patron des lieux. Voici qu’apparaissent le cari de légine et le rougail «zandouille» que nous avons sélectionnés, avec peine. Cassons le mythe : on nous a souvent rebattu les oreilles avec la légine, ce poisson des eaux froides n’a pourtant rien d’extraordinaire gustativement parlant. Et c’est encore pire si on parle des morceaux de second choix congelés (joues) qu’on trouve couramment. Tout ça pour dire que le cuisinier, c’est Harry Potter : il a réussi une vraie symphonie de saveurs avec la chair a priori filandreuse de la joue de légine. Un concert magique d’une sauce ou le gingembre répondait à la tomate, ou le parfum d’iode chantait avec le piment. Notre magicien a tout de même eu la baguette un peu lourde sur le sel, sans quoi le plat aurait été parfait.
Le rougail « zandouille » joue dans le même registre, c’est même mieux, si on juge la dose de sel. La viande, coupée en petits morceaux et couverte de persil émincé, baigne dans une magnifique sauce rouge cramoisie. La chair fondante glisse littéralement en bouche sans qu’une seule fois on se dise : « c’est gras ». Son odeur naturellement assez forte a été très domestiquée par des tomates bien mûres et une cuisson lente. De la cuisson à la presque-braise où l’on rajoute régulièrement des doses d’eau homéopathiques en exerçant sur la sauce un contrôle rigoureux. Cela se sent en bouche mais aussi au nez. Et l’andouille fut. Nous testons la tarte tatin au dessert. Elle est bonne. La pâte est plus goûteuse que les pommes. Le tout passe très bien avec la boule de vanille qui termine ce repas comme il avait commencé : dans la fraîcheur. Addition : 77 euros pour deux personnes, (apéritifs, entrées, plats et dessert). Ouf.
A ceux qui ne connaissent pas (encore) le Reflet des Iles, allez-y les yeux fermés et le porte-monnaie grand ouvert, pour peu que vous fassiez comme les hordes de clients qui ont emmené là leurs amis touristes pour goûter aux joies de la gastronomie locale ! Le restaurant, après 38 ans, vaut encore le déplacement. C’est un bel exploit, que d’autres, testés ici, n’ont pas réalisé. La cuisine est très bonne, même si c’est devenu quelque peu cantine. Il n’y a plus ce charme d’avant. Le progrès est passé par là, et l’âme créole, celle qui donne cet indéfinissable « plus » au fond des marmites, a quelque peu pâli. Pourtant, elle n’a pas disparu. Il appartient à ceux qui font vivre le restaurant de lui redonner sa vraie place. C’est avec cet encouragement et nos félicitations pour ce parcours que nous attribuons au Reflet des Iles une belle fourchette en argent.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : très bons • Service : très bien
Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : Très bonne table
Fourchette en argent

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Le Longani
[visite en août 2011]


Ce dimanche nous faisons une visite au "Longanis", restaurant situé en plein centre du charmant village de l'Entre-Deux, dans le bon air vivifiant des hauts. Autant dire que l'appétit est là. L'établissement est accueillant et coquet, avec une terrasse à l'arrière. Nous nous installons à l'intérieur, près du bar. Nous sommes reçus courtoisement et on nous dépose une jolie carte . 5 plats traditionnels créoles y sont affichés. C'est peu, mais après tout, si c'est bon… Et puis on nous annonce que des plats supplémentaires sont prévus, dont un rougail morue, que nous commandons derechef, plus un cabri massalé. 
En entrée on nous propose un gratin de choka, emblématique du village. Va pour le gratin, et nous patientons en dégustant un excellent punch coco, très velouté, probablement réalisé avec de la crème liquide. Le fameux gratin est servi, nous l'attaquons à bras raccourcis. Et palsembleu, c'est le choc. La fourchette soulève une portion et nous constatons d'abord que la béchamel est… inexistante ! Un gratin sans béchamel ? Cette surprise est suivie de grimaces : le plat est épouvantablement amer et salé. Amer comme mille fiels, salé à tuer net un hypertendu. Pourtant la présentation, dans des ramequins en forme de barque, promettait. La faute peut-être au safran, utilisé à la louche, vu la couleur de l'agave. "peut-être un peu trop de gingembre", s'excuse la dame qui nous dessert. C'est le front quelque peu soucieux que nous voyons arriver la suite. Pour le coup, sur le rougail comme sur le massalé, il semblerait que le sel ait disparu. Totalement. Le rougail morue c'est le désert de Gobi : plus que sec, et notre palais, comme la soeur Anne, ne voit rien venir. La saveur normalement très expressive d'un rougail morue qui se respecte est en berne. Créole i dit : "lé plate".
Le massalé cabri est un peu mieux, mais fait quand même pâle figure, nonobstant une cuisson correcte et une viande moelleuse. On dirait du succédané de préparation industrielle vendue en barquette sous vide pour les feignants de la casserole. Pour couronner le tout : le riz manque de cuisson. Quelques grains perdus broyés entre deux molaires du fond nous donnent des frissons jusque dans les doigts de pied. Les pois du Cap, pour finir, pourraient servir de munition dans les antiques tromblons des familles utilisés à l'endroit des voleurs de canards.
Les desserts, vite ! Nous choisissons des crèmes brûlées pour réconcilier nos papilles avec la vie, et terminons par des cafés. Addition : 24 euros et des brouettes par personne. Ce serait parfait si la qualité avait suivi. Bon. Sans tourner autour du pot, Le Longanis a frôlé de très près la fourchette en plastique. Que c'est-il donc passé ? Un mauvais jour ? Le cuistot était mal réveillé ? Où est-ce tout le temps comme ça ? Dans tout les cas, il est clair que les habitués et les quelques touristes que nous avons croisés ne soulevaient aucune protestations. Pour les premiers, par habitude, pour les second, par inexpérience de ce qu'est la cuisine créole de qualité. Si ce n'est le gratin, à oublier, les plats restent mangeables mais manquent sérieusement de caractère. Et pourtant un effort certain est fait sur la présentation, et l'accueil, comme le service, est très chaleureux. 

Le Longanis récolte donc fort logiquement une généreuse fourchette inoxydable galvanisée.


Pour résumer

Cadre : bien •

Plats : très très moyens • 

Service : très bien
Rapport qualité/prix : perfectible

Notre impression globale : insignifiant

Fourchette en inox


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Note août 2013 : Une fourchette en inox qui sentait le plastique à plein nez. Pour la petite histoire, nous ne devions pas du tout aller là, mais au restaurant "le Choka". Hélas, nous avons constaté que ce dernier était fermé, pour cause de maladie du propriétaire. Bien dommage, car on y mangeait excellemment bien.
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Le Vieux Domaine
[visite en août 2011]


Cette semaine, nous avons promené nos papilles gustatives du côté de Saint-Benoît, au restaurant «Le Vieux Domaine», situé à l’emplacement de feu l’hôtel Harmony, au bord de l’ancienne RN2. Si l’extérieur est verdoyant  quoiqu’un peu négligé, la grande salle est assez accueillante et propre. La décoration est sans ostentation. 
Des fleurs fraîchement cueillies ornent les tables où de la belle vaisselle est dressée. Nous sommes reçus avec le sourire et placés près de la baie vitrée. Déception : celle-ci donne sur le jardin en (presque) friche de l’hôtel reconverti en studios meublés, aux murs moisis. Rien de réjouissant sur la vue, espérons qu’il en sera autrement dans les assiettes.
La carte est riche et propose au choix gastronomie métropolitaine ou plats traditionnels créoles. Nous optons pour un menu dit «touristique» à 24 euros, avec au programme un cari d’espadon au caloupilé, et décidons de goûter aussi au cari la patte-cochon qui côtoie d’autres plats classiques tels que rougail saucisses-ti-jacques, cabri massalé, cari bichiques et cari de poisson rouge. Le temps de siroter le punch, un banal nectar de fruit mélangé à du rhum, et voici notre entrée qui arrive : une salade de chou de coco. Un effort est fait sur la présentation. La salade est rafraîchissante. Le chou de coco est légèrement croquant, et révèle sa saveur de lait assez spéciale après celle d’une vinaigrette légère et parfumée. L’assiette vide est enlevée, et nous attendons la suite avec impatience. Celle-ci arrive présentée dans des petites marmites, et précédée par des assiettes propres où une décoration sommaire à base de crudités a été réalisée (notre photo). Pas terrible pour le coup. La feuille de salade fatiguée et le zeste de citron font un peu pitié : totalement inutiles. De plus, une décoration prend tout son sens dans du service à l’assiette, mais là, quel intérêt, puisque les plats sont à part ?
 Ne cherchant plus à résoudre cette question existentielle, nous sautons sur l’espadon. Ce poisson se marie assez bien avec le caloupilé, qu’on a l’habitude de trouver dans les plats au massalé. L’épice prête à l’espadon son tonus et sa saveur un peu sauvage. Pour autant, si l’idée de jouer ainsi sur les parfums de la cuisine indienne est intéressante, il manque quelque chose pour la rendre vraiment séduisante. Pour ne rien arranger, le poisson est farineux, et la sauce, un peu trop safranée, finit par tuer le plat. De son côté, le cari la patte-cochon est assez moyen. Rien à relever sur la cuisson proprement dite, mais la viande manque de corps et la dégustation devient vite d’un ennui à se pendre, au diapason de la vue d’une tristesse à pleurer. Le tout est mangeable mais pas meilleur que ce qu’on peut trouver dans certains camions-bar.
Heureusement, les desserts viennent mettre un peu de soleil sur cette fin de repas. Les pâtisseries péi sont délicates et très goûteuses. Mention spéciale pour le gâteau ti-son. Le gâteau au chocolat avec sa boule de glace n’est pas mal non plus. Au bout du compte : 48 euros pour deux personnes. Pas franchement excessif au premier abord, mais on a trouvé de meilleurs rapports qualité-prix. Pas de quoi pavoiser.
Nous sommes sortis du Vieux Domaine passablement déçus. En fait la cuisine de ce restaurant est un peu à l’image du décor extérieur : négligée, bâclée. On ne peut pourtant pas dire que ce n’est pas bon mais on serait en droit de s’attendre à beaucoup mieux, au regard des tarifs affichés. C’est vraiment dommage. Si un effort certain est à faire pour rendre les lieux présentables (nous parlons bien sûr de l’emplacement du restaurant et non de la salle), il ne faudrait pas grand chose pour mettre la qualité des plats à un niveau honnête. Juste un peu plus d’envie, un peu plus de foi. En attendant, nous décernons au Vieux Domaine une petite fourchette en inox.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : très moyens • Service : très bien
Rapport qualité/prix : perfectible
Notre impression globale : cuisine décevante
Fourchette en inox

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Note août 2013 : Deuxième clash. Le propriétaire m'appellera plus tard après la parution d'une critique sur son concurrent et voisin, où je le cite de nouveau. En effet, l'autre obtiendra la même note que lui, mais j'avais cru bon de préciser que c'était quand même un niveau au dessus. Que n'avais-je pas dit là ! Il me demande si "je leur en veux" et me menace de procès en se montrant désagréable. Je l'envoie braire sur les grandes largeurs. Ce restaurant sera de nouveau visité l'année d'après (voir par ailleurs).
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L'Anse des Cascades
[visite en juillet 2011]


Aujourd’hui nous nous sommes arrêtés à l’anse des Cascade, afin d’y tester le restaurant éponyme, niché dans ce creux de verdure de la côte Est prisé des touristes et des pique-niqueurs patentés. L’établissement a été refait à neuf et n’a plus rien à voir avec l’épouvantable boui-boui qui vendait des bouchons suspects, il y a quelques années encore. La salle, spacieuse, lumineuse et confortable est recouverte par une structure de poutres en carrousel non dénué d’intérêt.

Lumineux aussi les sourires qui nous accueillent. Nous nous installons à côté de la baie vitrée afin de profiter un maximum du panorama. La carte qu’on vient de nous déposer fait la part belle aux produits de la mer : langoustes, camarons, crevettes et poissons. On y trouve également quelques shop-suey. Au menu ce jour : un cari de vivaneau qui fera bien l’affaire, précédé d’un gratin de papaye au saumon. Nous commandons aussi un cari Ti-jacques boucané et une salade de palmistes frais.
Pour éveiller nos sens, nous demandons le punch maison. Le breuvage, un planteur amélioré, est délicieux, léger, et servi frais comme il convient. Le temps que les plats arrivent, nous goûtons à la quiétude de cet endroit magique. Et voici les entrées. La salade de palmiste est copieuse, les minces lamelles reposent sur un lit de laitue et sont accompagnées, à part, d’une sympathique sauce blanche au citron. Vous avez le choix du dosage. Le palmiste ne s’en porte que mieux, tant au niveau de sa texture, qu’à celui de son parfum, si délicat. Le gratin de papaye est structuré en épisodes : le fromage, d’abord, qui en impose. Le saumon, ensuite, qui communique sa saveur à la sauce onctueuse. La papaye enfin, qui, bien que coupée un peu trop finement, tire quand même son épingle du jeu en affirmant sa personnalité typique que l’on retrouve dans les confitures, tout en laissant une très légère amertume en finale. Plats nettoyés. Place à la suite.
C’est service à l’assiette. Très bon point pour la déco, mais les quantités semblent un peu justes. Pure illusion d’optique : en fait les proportions sont correctes. Nous mélangeons un peu de riz à de la sauce du cari de vivaneau, portons le tout en bouche et un ange passe… vous entendez ? Vous sentez ces effluves d’iode et cet air du large qui vient caresser la grande cocoteraie qui murmure, là, au-dehors ? Clignant des yeux, nous rajoutons au mélange un peu de chair du poisson et le rougail de courgettes. Mais pourquoi trouve-lui-t-on un arrière goût de margoze ? Peu importe… cela magnifie encore la symphonie gustative. Par-dessus le marché, à notre agréable surprise, on nous a demandé si on voulait du piment dans le cari, et à quelle dose. Quelle délicatesse ! C’est rare. Et comment qu’on en veut du piment ! Et il affirme bien sa présence, le bougre, mais tout en relevant sans méchanceté les sensations que nous procure le cari, comme le vent soulève la houle qui chante au-dehors. Et ce n’était « que » du vivaneau, on vous laisse deviner ce que doit donner le poisson rouge !
A côté, le boucané Ti-Jacques n’est pas en reste. Le fruit vert, très finement haché, accompagne une viande pas grasse du tout et nous emmène dans ces vieilles cuisines au feu de bois « lontan », au fond de la cour, qui sentaient le canard fumé aux feuilles de mangue, la cendre chaude, et le bois fraîchement coupé. Le tout est tendre sous la dent, même le boucané maigre, qui en fin de compte capitule très vite. Nous sommes repus quand les desserts débarquent. Une banane flambée et une crème brûlée, très bonnes, viennent clore la rêverie. Addition : 51 euros et des molécules, pour deux personnes (apéritifs, entrées, plats et desserts). Autant dire très très correct en regard de la qualité des mets.
L’anse des cascades est indéniablement un établissement à fréquenter. Non seulement l’endroit est magique et reposant, mais en plus on nous y gratifie d’une cuisine très fine et goûteuse comme il sied à tout ce qui touche à l’art culinaire des produits de la mer. A l’instar de la Marmite, il y a quelques semaines, il n’est pas difficile de deviner que c’est la passion du métier qui anime ceux qui s’activent derrière, aux fourneaux. Le registre n’est pas le même, la manière non plus, mais alors les enfants, qu’est-ce qu’on y mange bien ! Preuve en est que la diversité des recettes et des « coups de main » est une grande richesse de notre gastronomie. Conséquemment, nous adressons à l’Anse de cascade une très méritée fourchette en or.


Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : excellents • Service : bien
Rapport qualité/prix : sympa
Notre impression globale : excellente table
Fourchette en or

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Note août 2013 : Deuxième fourchette d'or, peu de temps après la première. Un établissement qui nous a été recommandé par Nicole Dambreville. Nos "antennes" ont fait état d'un buffet de moindre qualité, ce qui est presque un pléonasme.
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P'TIT FLEUR FANÉ
[visite en juin 2011]


Restaurant fermé depuis et réouvert sous un autre concept.
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La Marmite
[visite en juin 2011]


Aujourd'hui, nous franchissons le seuil de « la Marmite », côté plage, à l'Ermitage, l'oeil dubitatif, la narine circonspecte et les papilles en alerte. Nous nous trouvons au beau milieu d'un pôle d'attraction touristique majeur. Tous les ingrédients sont là : la plage, colonisée par les adeptes du bronzage, le soleil, et les odeurs furtives de petits plats au feu. Et au feu de bois. C'est pour ainsi dire les marmites, cul à la braise, qui nous accueillent. L'endroit est coquet, confortable, sans ostentation, et respire l'air marin, la convivialité et les vacances. L'équipe nous reçoit avec le sourire et nous installe face au lagon. Le temps de lire la carte, waterproof et tressée à la main, et voilà qu'on vient nous expliquer le fonctionnement de l'établissement. Plusieurs formules au choix, en buffet, de la plus abordable (18 euros le midi) à la plus complète. Nous prenons nos aises en sirotant les excellents jus de fruits pressés. L'un d'eux est particulièrement bon : un velouté de mangue José, avec son parfum si délicat, qui active notre appétit. On vient alors nous inviter à passer aux choses sérieuses. Les marmites sont découvertes, et nos à-priori s'envolent.
Non, nous ne sommes visiblement pas tombés dans un troquet piège-à-touriste tel qu'il en pullule dans la zone balnéaire. La couleur et l'odeur des plats, mijotant sous nos yeux sur le feu de bois, en disent long. La dizaine de marmites, et tout autant de rougails et accompagnements, nous font de l'œil et on ne sait plus où donner de la cuillère. Ce sera finalement un civet de canard bien noir et un carri Ti-Jacques boucané qui atterrissent dans nos assiettes par dessus un zembrocal et des gros poids « en creume », avec le soutien d'un rougail mangue d'un joli vert !  Nous attaquons bille en tête. Le ramage est semble-t-il conforme au plumage : le canard est savoureux. La viande est ferme, avec une belle couleur marron tirant sur le rouge, et pas grasse pour deux sous. La peau épaisse témoigne d'une cuisson qui a légèrement attaché, suivie d'un déglaçage au vin rouge, lequel avant de mourir a imprégné les chairs du volatile pour en sublimer le goût sauvage. 
Le Ti-Jacques boucané est un bonheur. Finement préparé, les morceaux de viande fumée se distinguent à peine du Ti-Jacques haché pour un mariage très réussi. Le tout fond dans la bouche en diffusant son fumet dans nos sinus. Résultat immédiat : hop ! Une autre bouchée.  Le zembrocal, bien jaune, est fait d'un riz cuit « en grain » avec beaucoup de soins. Les amateurs iront en chercher la sainte « croûte » au fond de la marmite pour encore plus de plaisir.
Que dire encore ? Que le rougail mangue est à se rouler par terre ? Que les brèdes Chou de Chine sont croquantes et parfumées (un zeste de gingembre), et que nous souhaiterions pouvoir disposer de plusieurs estomacs pour tout goûter...
On nous propose le dessert et un café, compris dans la formule, mais hélas : il n'y a plus de place... L'addition : 49,50 euros pour deux. Plus que correct compte-tenu de la qualité de ce que nous avons dégusté.
La Marmite, malgré son emplacement très touristique, semble être un lieu hors du temps, où la tradition du bon carri créole se perpétue, soutenue par une indéniable passion de la cuisine. Car un plat, aussi réussi soit-il, n'est qu'un concentré de saveurs sans charme auquel il manquera toujours quelque chose si l'on n'y met pas du cœur. C'est sans aucun doute là le secret qui est au fond de toutes ces marmites : l'amour du métier, le don de soi. C'est donc avec reconnaissance que nous décernons à cet établissement une magnifique fourchette d'or.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : excellents • Service : très bien
Rapport qualité/prix : correct.
Notre impression globale : Excellente table
Fourchette en or

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Note août 2013 : Première fourchette d'or de la rubrique. Et bien méritée. La propriétaire du restaurant avait fait le pari de proposer de la cuisine créole traditionnelle en bord de plage. On lui avait ri au nez. Les préjugés avaient réservé la station balnéaire à la restauration rapide et métro. Depuis, voyant son succès, d'autres se sont lancés dans le même concept, avec une qualité aléatoire.

Note décembre 2014 : J'apprend que Armelle et Angelo ont vendu leurs parts du restaurant et son partis. De passage là-bas, je constate que la qualité globale a baissé.
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Lé Gadiamb

[visite en mai 2011]



Cette semaine nous avons jeté notre dévolu sur un restaurant du chef-lieu, "Lé gadiamb", qui a pignon sur la rue Roland Garros, non loin du petit marché. Au fond d'une petite cour verdoyante aménagée en terrasse, une charmante maison créole authentique vous accueille. Nous nous installons sous la varangue, mais notre regard a été attiré par la décoration intérieure, faite de multiple objets "lontan", qui rappelleront des souvenirs aux nostalgiques du café coulé à la grègue. Ca et là, des outils, des vieux appareils photos, des ustensiles divers font de l'endroit un mini-musée. Le patron nous accueille presque comme si on était de la famille : le personnage est assez boute-en-train et fait preuve d'un humour qui nous met à l'aise. 
Il nous dépose la carte. Celle-ci fait la part belle aux plats traditionnels créoles, les communs (rougail morue, canard la vanille, cabri massalé…) et d'autres moins courants dans les restaurants, comme le bœuf aux brèdes songes ou le Civet de zourite au vin blanc, qui pique notre curiosité.  Le chef revient pour prendre la commande, en nous annonçant qu'en plus de la carte, le plat du jour consiste en une sauce sardine au gros piments. Pour être traditionnel, ça l'est. Ce qui nous fait dire que la cuisine "Lé Gadiamb" se démarque vraiment de ces menus "touristiques" proposés par ailleurs. Nous optons pour le civet zourite et un boucané baba-figue, histoire de le comparer à celui que nous avons dégusté chez Noël, à Saint-Pierre. Pas vraiment d'entrées proposées sur la carte, mais un assortiments d'amuse-bouches créoles, présentés dans un van, et par lesquelles nous ouvrons le bal.
Autant le dire tout de suite : nous expédions les amuses gueules, mais notre sentiment est mitigé. Les samoussas aux poissons ont un goût de chou, les nems au fromages sont bonnes mais sans plus, et les bouchons au combava gratinés ne satisferont que les amateurs à forte dose du petit agrume parfumé. Seules les boulettes de morue emportent notre suffrage : elles sont très délicates et fondantes, et elles auraient été parfaites si la proportion de pomme de terre était moindre. Passons à la suite, servie en deux temps trois mouvements.  Notre palais retrouve sa joie de vivre. Le boucané baba figues s'avère bien meilleur que dans l'établissement Saint-Pierrois. Le baba est fondant, avec cette petite amertume indispensable en fin de bouche.
Le boucané est savoureux, bien qu'un peu sec, et le plat dans son ensemble n'est pas gras. Il y a eu juste la dose d'huile qu'il faut, et on imagine que les ingrédients ont été remués dans la marmite avec soin et patience. Le civet zourite quant à lui, est une vraie découverte. Amateurs de civet au vin rouge, poivrés à l'excès, et des sensations fortes qui vont avec : passez votre chemin. Ici on donne dans la subtilité, dans le délicat, dans le goûteux dans sa plus noble expression. Et nous nous disons "bon sang mais c'est bien sûr, le vin blanc au lieu du vin rouge…". Mais il y a certainement d'autres secrets. En questionnant le chef nous apprenons que la bestiole à tentacule a cuit au feu de bois longtemps. "4 heures, c'est un minimum" nous glisse-t-il. On comprend mieux pourquoi l'aspect caoutchouteux du céphalopode a quasiment disparu. Quasiment, pas entièrement, juste de quoi vous donner le plaisir de la mastication pendant laquelle la sauce veloutée provoquera chez vos papilles gustatives une révolution avec ses parfums de laurier, de thym, de poivre et cette lointaine saveur iodée d'océan indien que nous essayons de retenir en regardant avec tristesse le plat de civet désormais vide.
Ajoutons au tableau la présence de brèdes chou-de-chine croquantes juste ce qu'il faut, cuites de la plus simple des façons et des pois du cap corrects dans l'ensemble, plus deux rougails très légèrement pimentés. Nous terminons avec deux cafés et demandons l'addition : 62 euros, pour deux personnes. Voilà qui soulage aussi notre porte-monnaie dans le sens positif du terme.
Lé Gadiamb est ce qu'on pourrait appeler un restaurant "engagé", qui a décidé de faire la promotion de la tradition et du terroir, avec une rigueur consommée dans le choix de ses produits. Cela se ressent dans l'assiette, nonobstant un bémol pour ce qui concerne les amuses-bouches, largement perfectibles. C'est assurément un établissement que nous vous conseillons vivement. Outre le fait qu'on y mange bien, on y est aussi très bien installés. Assis au frais sous la varangue, on se sent comme dans une oasis au milieu du béton environnant. Malheureusement, vous ne pourrez en profiter que la semaine, le patron ferme le dimanche et le lundi. Bon dimanche et à dans quinze jours pour de nouvelles aventures !

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : bons/très bons • Service : très bien
Rapport qualité/prix : correct.
Notre impression globale : très bonne table
Fourchette en argent

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Le Franciséa
[visite en avril 2011]

A la recherche d'un bon candidat à la fourchette d'or, nous nous sommes arrêtés au Franciséa, à Saint-André. Le restaurant qui se trouve dans la rue Payet, à l'arrière de l'église, a pour cadre une charmante maison créole flambant neuve et propose les cuisines créole, métro et chinoise. La salle, spacieuse, est aménagée avec goût.
Le parquet, la décoration, la présentation des tables, donnent un cachet assez "bon chic bon genre". Dommage que les fleurs qui ornent les tables soient artificielles. C'est pratique à l'usage, mais ça casse un peu le charme. Peut-être manque-t-il aussi la "patine" des années pour que l'ensemble paraisse plus convivial et authentique. Nous sommes accueillis courtoisement et placés dans une des ailes contigüe à la varangue. La carte est très riche. La page de garde prend la peine de rappeler ce qu'est un Franciséa. La liste des plats est appétissante. Cari d'anguilles et de poisson rouge, Coq au palmiste, cabri massalé, civet de jarret de porc, canard à la vanille... de quoi se régaler. Nous testons aujourd'hui le coq aux palmistes et un rougail d'andouillette. En entrée, nous choisissons des piments farcis (tiens, c'est original), et une salade de palmistes frais.
Dans l'attente du repas nous dégustons deux des cocktails proposés par la maison (il y en a 8, avec et sans alcool). Nous ne finirons pas nos verres tout de suite par égard pour notre taux de glycémie. Trop, trop sucrés les coktkails ! Les hostilités sont ouvertes. Les piments arrivent et mauvaise surprise : ils semblerait qu'ils aient été un peu oubliés dans la friteuse. C'est brûlé et gras. Très gras. Ont-ils été épongés pour les débarrasser de leur excès d'huile ? pas sûr. La salade de palmiste quant à elle est quelconque. Heureusement, elle a été servie avec la vinaigrette à part, laissant au client le choix du dosage. Heureusement aussi, car la dite vinaigrette, visiblement réalisée à base de sauce béarnaise se convient pas du tout au parfum délicat du palmiste. Trop forte, estragon dominant. Et les palmistes, effilés en lamelles, n'ont plus de saveur.
La suite arrive...trop vite. Le personnel se rend compte en emmenant les plats que les restes et assiettes des entrées ne sont pas débarrassés. Faute. On nous depose un plat que nous n'avions pas commandé. Re-faute. L'ordre étant fait, nous attaquons les andouillettes. Pas mal. Très poivrées et assez grasses, on n'en attend pas moins d'une andouillette créole bien née. Le plat disparaît avec un goût de pas assez. Le coq est un cran en dessous mais sa chair est bien cuite, rouge, moelleuse. Le palmiste cuit l'accompagne avantageusement, mais les morceaux ne sont pas assez gros à notre goût. Du coup, ils "fondent" très vite en bouche, ne laissant comme saveur qu'un souvenir fugace. Le grains blanc et le rougail tomates servis en accompagnement sont quelconques. Nous nous rendons compte que les deux verres de vins demandés au début du repas ne nous ont pas été servis, et nous les réclamons.  (l'établissement ne proposant le vin qu'au verre ou à la bouteille, et pas de pichet) Oubli. Faute, en partie rattrapée, les verres nous seront offerts.
Les desserts remplacent les plats de résistance. Ce sera café gourmand (un café accompagné de mignardises sucrées diverses) et une crême brûlée. Voilà qui termine sur une bonne note, puisque la crème brûlée s'avère être la meilleure que nous ayons mangé depuis que nous avons débuté le tour de l'île des restaurants. Elle est tiède, onctueuse, avec ce délicieux gout de lait parfumé à la vanille. Et la croûte de sucre caramélisé est fine et pas trop amère. Voici l'addition : 57 euros pour deux personnes. Très très correct.
Le Franciséa n'est pas une mauvaise table, loin s'en faut. On y mange correctement, et pour un tarif raisonnable. Il y a cependant des progrès à faire en matière de service, ainsi qu'en cuisine. Si les plats sont corrects, ils ne nous laisseront pas le souvenir impérissable qui nous fera revenir avec les amis ou la famille. Nous aurions souhaité des accompagnements plus goûteux, et plus nombreux, comme des brèdes par exemple. De plus nous déplorons le fait de ne pas avoir pu déguster le poisson ou l'anguille, absents ce jour là car disparus des stocks la veille pour cause d'affluence. Signalons au crédit de l'établissement l'aménagement réalisé pour faciliter l'accès aux personnes à mobilité réduite (y compris les toilettes). Une adresse à conserver si vous êtes de passage à Saint-André.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : moyens/bons • Service : aléatoire (un mauvais jour...sans doute) • Rapport qualité/prix : très correct.
Notre impression globale : Bonne cuisine
Fourchette en inox

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Chez Moustaches
[visite en avril 2011]

Nous voilà partis vers le grand sud, au village du Tremblet, afin de rendre une visite gastronomique chez Moustaches.
L'établissement est aisément repérable en bord de route et se présente sous la robe refaite à neuf d'une case créole traditionnelle avec ses bardeaux et sa toiture à quatre pans. En fait, on mange à l'arrière, sous une paillote où se trouve aussi la cuisine, totalement ouverte. Rien n'est caché, vous voyez tout. L'endroit semble agréable et convivial, mais étrangement un peu trop silencieux. Et pourtant, il y a du monde. Une musique d'ambiance ne serait pas de trop. Nous sommes accueillis poliment. La personne présente semble très affairée et c'est sans ambages que la carte nous est déposée. En fait nous constatons qu'il s'agit là de la carte des apéritifs et du vin. La carte des plats est écrite à la craie sur deux tableaux séparés : les caris d'un côté et les desserts de l'autre. Pas très lisible. Parmi 7 plats créoles, du rougail morue au Shop-suey en passant par le cari de poulet, nous portons notre choix sur un cari bichiques (congelé, forcément, la saison est passée) et un cari de poulet.
Ne voyant pas d'entrée, nous demandons à la personne de service ce qu'il en est. "Salade de palmistes" dit-elle. C'est bien, ce n'est signalé nulle part, heureusement qu'on demande. La moindre des choses aurait été de nous le proposer d'emblée. Bref, on se décide à ouvrir le bal par le palmiste. Ce dernier arrive hâché menu, et il faut dire passablement n'importe comment, dans une assiette en compagnie de morceaux de tomates uniquement là pour la touche de couleur, et déjà assaisonné. Grave erreur. Les goûts et les couleurs en matière d'assaisonnement divergent selon les personnes. Ici, l'acidité du citron "tue" totalement le goût subtil du palmiste.
Le cari de poulet, de la viande de moyenne gamme, s'avère sans saveur particulière. Le désert de Gobi des sensations gustatives. Et les bichiques sont du même acabit. Fades. Un arrière goût de flotte. Rien à voir avec le bon cari bichique "croûté", cuit sans eau, finement pimenté comme la tradition créole l'exige. Le caviar réunionnais s'avère être un vrai massacre. On se demande si on n'est pas tombé sur un dimanche "régime sans sel". Et le rougail tomate ne vaut guère mieux. Il n'y a pas grand chose à dire de plus. Les desserts, glacé ou givrés, ne nous tentent pas plus que ça. On teste quand même une mousse au chocolat "givrée". D'une banalité navrante. Le patron est absent. Nous n'avons donc pas eu l'honneur d'admirer les bacchantes qui valent à l'établissement son appellation, et n'avons pu déguster les plats préparés par le chef. Ceci explique peut-être cela. Ceci dit, quand on prétend proposer de la cuisine créole aux touristes, et par dessus le marché dans un endroit comme le sud sauvage, on s'arrange pour faire mieux que ça. C'est carrément un manque de respect pour les visiteurs.
Restaurant à essayer en présence du patron. Notre expérience est pour le moment négative. Et 74 euros pour un service comme celui-là et des plats aussi médiocres, c'est prendre les gens pour des imbéciles. Verdict : une fourchette en plastique moulé.

Pour résumer
Accueil : très moyen • Cadre : très bien • Plats : médiocres • Service : très, très moyen
Rapport qualité/prix : honteux.
Notre impression globale : cuisine insipide
Fourchette en plastique


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Note août 2013 : Cet article n'est pas paru dans le journal, pour des raisons purement techniques. La note étant très mauvaise, nous avons décidé de ne pas le publier quinze jours plus tard (puisque la rubrique paraît tous les quinze jours), ayant appris que du mouvement de personnel était probablement à l'origine de la baisse de qualité. Nous espérons que depuis les choses ont changé dans le bon sens.
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Chez Noé
[visite en avril 2011]

Ce dimanche nous avons réservé une table chez Noé, à Cilaos. Avant d’entrer dans l’établissement, situé pile en face du l’hôtel « le Tsilaosa » en centre ville, nous prenons un bon bol d’air frais du cirque, histoire de nous mettre les sens en éveil. 
On reconnait tout de suite l’architecture typique des maisons créoles d’antan sous une couche à base de bois vernis et une décoration à l’avenant, favorisant la convivialité. Tout est fait pour attirer les touristes.  Nous sommes d’ailleurs accueillis avec la bonne humeur et l’accent chantant du personnel et nous nous  installons à l’une des tables jouxtant les fenêtres de la façade. La carte nous est déposée rapidement, et le temps de la consulter en sirotant le punch « maison » et le cocktail de fruit frais, la commande est prise. On a quand même eu un peu de mal. Les plats ont l’air tout aussi savoureux les uns que les autres et plusieurs formules sont proposées, entre les plats du jours  « classiques » et les combinés apéro-entrée-plat-dessert-rhum arrangé, s’étalant entre 19 et 30 euros. Etant dans le pays des lentilles, ne pas y goûter serait un crime. Nous choisissons donc deux plats à base de lentilles : une côte de porc fraîche et des saucisses, plus un cabri massalé pour varier. Nous mettons nos papilles gustatives en alerte en commençant  par des gratins, l’un au chouchou, l’autre au bois de songes.
Le service s’avère efficace et rapide. Les gratins sont déjà sous notre nez, exhalant leur parfum de fromage fondu et de poivre. Le bois de songe, auquel on a ajouté des morceaux de lardons finement coupés se révèle être un vrai délice. Fondant, crémeux, et brûlant comme il se doit.
Le gratin de chouchou n’est pas mal non plus. Il aurait été parfait si les morceaux n’étaient pas si gros. Et le chouchou, au palais, ne semble pas être né de la dernière averse. Les grains ont été laissés, parfois avec leur gaine dure. On pourrait ne pas apprécier. Les ramequins sont quand même vides quand ils sont remplacés par les plats de résistance. Et on redemande du pain. Commençons par le cabri. Très bon. La viande est judicieusement accompagnée de ses os, bonne excuse pour les sucer afin d’en extirper le jus. C’est tendre. Le massalé n’est pas agressif, certains s’en plaindront, nous non. La sauce est très goûteuse et en un rien de temps, le plat est expédié.
Les saucisses aussi sont succulentes. Légèrement élastiques sous la dent, elles fleurent bon le thym et le poivre et sont bien sèches. Sèche La côte de porc ne l’est pas, et pourtant elle est frite comme il faut, et même légèrement cramée sur les bords, ce qui donne une note d’amertume pas inintéressante quand elle se mélange aux lentilles. Et les lentilles ! Un festival. Vous allez voir. L’expérience commence… Alors là, jouez-la créole à fond et demandez une cuiller à soupe. Dans l’assiette, posez un peu de riz sur le nappage de lentilles odorantes, amenez sur cette petite île un morceau de côte de porc bien frit, ajoutez à l’ensemble un bout de chouchou d’accompagnement et terminez par une touche de ce rougail tomate « bien vert » du piment « zoizo » hâché. Attention : la portion de lentille doit être dominante. Attrapez tout ça avec la cuillère et portez à la bouche. Fermez les yeux, mastiquez lentement. Les lentilles sont crémeuses à souhait, du vrai velour.
Leur saveur authentique, ensoleillée, colorée de cette terre basaltique aride, est sublimée par le morceau de côte de porc savoureux, dont le bon gras est subtilement contrebalancé par la fraîcheur du chouchou. Le tout, relevé avec le piment du rougail, explose en bouche en une symphonie de saveurs authentiques et vous avez alors une pensée émue pour ces agriculteurs passionnés de l’îlet à corde, qui cultivent la lentille en y mettant tout leur cœur, perpétuant les gestes hérités de génération en génération.
Le temps de reprendre nos esprits, les desserts sont commandés. Rien que de très classique, de prime abord, des glaces, la crème brûlée, etc. Nous vous recommandons donc la tarte maison : « une tuerie » comme disent les jeunes. Nous avons eu droit à une tarte à la banane. La pâte, magnifique, se laisse croquer en s’effritant doucement. Le beurre qu’elle contient mêle sa saveur avec la banane cuite et vous faites une minute de silence en pensant à vos artères. C’est avec la peau du ventre respectablement tendue et le sourire idiot du convive aux anges que nous accueillons l’addition. 80 euros, et des poussières de lentilles. Pas donné l’affaire. Tiens oui, c’est vrai, nous sommes dans un endroit touristique… On en a quand même pour son argent.
Chez Noé est une institution à Cilaos. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. La qualité n’a pas besoin de publicité. Le bouche à oreille suffit à remplir très vite un restaurant comme celui-ci. Par la suite, le succès doit se mériter chaque jour. Il se trouve que certains signes nous ont alertés même si nous nous sommes régalés. Quand on est dans un lieu aussi touristique que Cilaos, il est facile de tomber dans la recherche systématique de la productivité et du profit, qui se fait un jour, fatalement, au détriment de la qualité et de l’authenticité. Or c’est cela que nous devons à nos visiteurs étrangers.  Nous encourageons donc la sympathique équipe de chez Noé à demeurer vigilante et exigeante sur la qualité de son service et de ses plats, moyennant quoi nous la gratifions d’une jolie fourchette en argent.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : bien • Service : bien
Rapport qualité/prix : correct.
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

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Le Saint-Bernard
[visite en avril 2011]

Michel Delpech chantait « chez Laurette », nous, nous sommes allés déjeuner chez Lauret, à savoir au restaurant le Saint-Bernard, à la Montagne, au frais.  Installé dans les locaux de l’ancienne léproserie, l’endroit est connu pour être l’exposition permanente d’une collection invraissemblable et pour autant très esthétique de rhums arrangés divers et variés. Nous sommes accueillis par le patron en personne, ci-devant le sieur Lauret, qui nous propose de déguster des punch présentés au milieu de la salle. Nous nous installons à l’intérieur, la varangue extérieure étant un peu limitée en choix de table. On nous emmène la carte, bien faite, avec une présentation sommaire des lieux. Le choix se fait entre 8 entrées variées, basées surtout sur des crudités, 5 plats « poissons » (y compris camarons et langouste) et 5 viandes. Nous décidons d’attaquer par une assiette créole qui propose un assortiment de samoussas, boulettes de morue et boudin, et des rillettes de canard. Nous poursuivrons par un rougail de saucisses et un cari d’anguille. Nous mettons à profit l’attente pour découvrir plus en détail les lieux.
La pièce est recouverte de plaques de calumets tressés. Les meubles en bois et les chaises à l’ancienne donnent un certain cachet, même si les chaises en question peuvent se montrer assez inconfortables pour les gabarits importants. Une odeur de vieux bois (les calumets ?) mélangée à celle des punch et des fruits exposés à l’accueil achèvent de donner une ambiance nostalgique. Tout est très propre. La décoration des tables est sans chichis.
Les entrées débarquent. Les premières victimes sont les boulettes de morues. Rien à dire : elle sont goûteuses, très délicates au palais, et pas une trace d’huile à signaler. Le boudin s’avère correct, bien relevé, mais légèrement « pâteux ». Les samoussas, au thon, sont un peu beaucoup assaisonné au curry, mais ce n’est pas méchant. Mauvais point en revanche pour les rillettes de canard, froides. Et froides depuis longtemps, il semble, car elles n’ont plus aucun goût. Ce n’est pas les carottes râpées et les feuilles de salade autour qui vont arranger les choses. Sentiment mitigé donc, et nous voyons arrivés les plats de résistance d’un œil circonspect.
Voici donc l’anguille et les saucisses, accompagnées de deux rougails (une sauce de citron, une sauce aux oignons) et de lentilles. Mais un mot d’abord sur le riz : c’est fade. Du riz bon marché, mais bien cuit. Les lentilles, quant à elles, font de la natation dans leur bol de jus clair. L’anguille (de rivière, soi-disant), obtient une appréciation fort moyenne. Plusieurs raisons : d’abord, tout cari zanguille qui se respecte devrait être proposé au client en version pimentée ou non. Ceux qui ont le palais délicat ont alors le choix d’opter pour la version sans piment, mais une anguille sans piment, c’est comme Juliette sans Roméo. Nous avons donc dû nous contenter de la version édulcorée, et de plus cuisinée à la « boite de tomate », ce qui donne un arrière-goût inévitablement doucâtre. L’anguille elle-même n’avait plus ce côté un peu gras qui compense le caractère sec de sa chair bien cuite. Pas de la première jeunesse, donc, la bestiole. Ni de la dernière pêche.
Nous goûtons enfin le rougail saucisse. Comment dire ? Ce n’est pas bon. Mais pas bon du tout. Pour apprécier un tel rougail saucisse, il faut avoir très très faim, en plus de posséder une charité chrétienne méritant la béatification. Saucisses bon marché, sans nul doute. Arrière goût rance. Texture désagréable des chairs moulues à la machine et une sauce à faire passer les tambouilles militaires des temps de guerre pour des préparations de grands chefs. Autant dire tout de suite que le résultat global n’est pas brillant. Surtout quand, après la mousse au chocolat bien compacte et le café à réveiller les morts, on nous présente une addition de 82 euros ! Pour deux personnes. Une addition salée, certainement à cause de l’anguille, mais eut égard à la qualité générale, on pourra légitimement trouver ça plus qu’exagéré. Cadre très joli, agréable. Température extérieure idéale par grosses chaleurs. Une collection de rhum à voir, pour les amateurs. Et à par ça : rien. Proposer une si médiocre qualité gustative aux clients, sachant en plus que la carte est limitée en choix, c’est inacceptable. Il y a un sacré boulot à faire pour redonner à ce restaurant ses lettres de noblesses, qui, semble-t-il, font partie de l’histoire, à l’image de la léproserie où il se trouve. Car il y a quelques années, c’était bon. Nous espérons, pour le bien de nos palais, et aussi pour celui du tourisme, que cela changera. En attendant, nous avons le regret d’attribuer au Saint-Bernard une malheureuse fourchette en plastique.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : médiocres • Service : bien
Rapport qualité/prix : scandaleux
Notre impression globale : Très médiocre
Fourchette en plastique


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Note août 2013 : Première fourchette en plastique et premier incident diplomatique. Le responsable descend au journal et fait le sitting dans la rédaction avec son fils. Le rédacteur en chef le reçoit et l'écoute patiemment. Pas content le monsieur, qui brandit une lettre officielle de la préfecture qui lui a décerné un prix. La lettre aurait aussi bien pu venir du Pape ou du Président de la République, cela n'aurait fait aucune différence. Quelle est l'expérience du Préfet de la cuisine créole ? Pas supérieure à la nôtre, nous avons la prétention de le croire.

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Chez Noël
[visite en mars 2011]

Ce samedi midi , on s’est arrêté chez Noël. L’établissement, situé dans le haut de la rue Suffren à Saint-Pierre, est niché dans un cadre très « ambiance la cour », avec sa petite case en bois sous-tôle, sa grande varangue et ses plantes traditionnelles qu’on retrouve dans les jardins créoles d’antan. Au fond le long de la varangue, nous avons trouvé le père Noël affairé à côté d’un four à pizzas. Car le restaurant est aussi une pizzeria, mais nous ne sommes pas là pour ça. 
Nous nous installons à l’intérieur. C’est coquet, mais il y fait chaud, magré toutes les portes et fenêtres ouvertes, et nous nous étonnons de ne pas voir  un seul brasseur d’air. La salle forme un L autour d’un bar intérieur où trônent dans l’ombre des rhums arrangés qui, à vue de nez, ne datent pas de la dernière distillation. Il y fait décidément très chaud et nous nous inquiétons de la chose auprès de la jeune dame qui nous a accueillis. « le brumisateur est en panne » explique-t-elle. Tant pis, on fera avec. La dame nous dépose la carte. Celle-ci propose une pléthore de plats créoles. Pas moins de 17, plus 12 au menu. Tout y est : de l’inébranlable rougail saucisse au cabri massalé, en passant par les caris de gallinacés divers. Nous commandons donc un cabri massalé, un civet de lièvre et un cari de boucané-baba figues. L’attente commence, nous essayons de nous ventiler comme nous pouvons.
D’autres clients arrivent doucement, et la varangue se remplit. Le fumet délicat d’un cari au feu de bois parvient à nos narines émoustillées. Encore quelques minutes, et notre commande est là, accompagnée de gros pois et de deux rougails, l’un à la mangue, l’autre au concombre, ce dernier se marie effectivement bien avec le cabri massalé. Et la touche de vert qui va bien : une fricassée de brèdes cresson. Les portions sont très, très, généreuses. C’est parti. Nous attaquons bille en tête le baba figues, n’ayant pas l’occasion d’en manger souvent. On peut dire que ca commence bien : le baba est cuit mais toujours légèrement croquant, et a totalement perdu de son amertume tout en conservant sa saveur si particulière, qui marié au goût fumé du boucané évoque à tous les créoles de vieux souvenirs de réunion de famille ou de pique-nique dans les hauts. Pour un peu, on entendrait les oies glousser au fond de la cour… pourtant, le boucané n’a pas l’air plus artisanal que cela. Il est cuit à point, luit d’une belle couleur légèrement orangée, et, point positif, n’est pas gras.
Vient le tour du massalé cabri et c’est la déception. D’abord, la viande est coupée en trop gros morceaux, qui s’avèrent un peu durs. La sauce est quelconque, comme s’il y avait encore trop d’eau dedans, et le goût du massalé lui-même est approximatif. Nous ne nous attardons pas et visons le civet de lièvre. L’aspect en est très satisfaisant. D’abord, l’odeur caractéristique de la viande préparée au vin rouge, et qui a légèrement attaché au fond. Ensuite cette couleur cuivrée presque noire, signe d’une cuisson poussée qu’on a surveillée de près. Enfin, cet arôme délicat du persil haché au dernier moment, et lâché en pluie pardessus. La viande est légèrement sèche et résistante, ce qui nous étonne, avant de nous souvenir que c’est du lièvre, et non du lapin. Nous apprécions, mais restons quand même sur notre faim. La saveur en bouche est trop sage. Nous aurions aimé trouver la petite claque du girofle, et un peu plus du parfum subtil du laurier.
Rien à dire sur les accompagnements, dans l’ensemble corrects, avec bémol peut-être pour les brèdes cresson un peu durs des bâtons. La table met un peu de temps à être desservie. La dame s’en excuse, et nous voyons bien qu’elle est seule, et pas mal de monde est arrivé depuis que nous avons attaqué le repas. Du coup, pas le temps de prendre de dessert, nous finissons par un café et nous enquerrons de l’addition. On nous propose spontanément un doggy-bag. 27 euro, un carri + un café (et une boisson rafraîchissante !). C’est relativement correct en regard des quantités servies. Mais la note risque de grimper très vite si on s’accorde la « totale » : entrée, plats, dessert et vin.
On est bien chez Noël. Le cadre est sympa, on peut choisir la grande varangue conviviale ou la petite case plus intimiste, dommage toutefois qu’aucun brasseur d’air ne vienne rendre plus agréable l’atmosphère en été. Même si le brumisateur fonctionne, ce ne serait pas du luxe. On mange bien chez Noël. Pour autant, le baba-figue excepté, ce que nous avons dégusté ne nous laisse pas un souvenir impérissable. Une table à recommander sans problème si on est de passage dans le sud et qu’on a affaire en ville. Il ne manquerait pas grand-chose pour que l’établissement décroche la fourchette d’argent : plus de confort, encore un peu plus d’authenticité dans les saveurs, moins de quantité au bénéfice de la qualité, et peut-être du personnel supplémentaire. Nous lui attribuons donc la fourchette en inox, avec nos encouragements.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : moyens • Service : bien
Rapport qualité/prix : passable.
Notre impression globale : bonne table mais peut mieux faire
Fourchette en inox


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Note août 2013 : Avec le recul, nous nous sommes demandés si nous n'avions pas été trop sévères avec ce restaurant. La rubrique débutait, et la notation, pour les mêmes raison que le QG, était encore à appréhender. Finalement à la relecture nous estimons que la note est méritée. La fourchette en argent ou en or sera peut-être au rendez-vous la prochaine fois.
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Le QG
[visite en janvier 2011]

Direction la Plaine-des-cafres. Ce haut lieu touristique réunionnais (haut, dans tous les sens du terme), regorge de restaurants en tout genre proposant de la cuisine créole. On finira bien par les faire tous, un jour, mais sur les conseils avisés de ma chère soeur, nous avons commencé par le QG, sur la route du volcan, à deux pas de la maison du même nom, à Bourg-Murat. L'établissement, un bâtiment aux volets jaunes, détonne dans le paysage. Vous ne pouvez pas le rater, d'autant qu'il est pratiquement sur la route.
L'intérieur a été décoré avec les moyens du bord. Même les chaises sont faites "maison" avec des bouts de contreplaqué. Dans le prolongement de l'entrée, vous pourrez admirer une antique vitrine traditionnelle de "boutique chinois".
Une fois installés, vous remarquerez alors, comme nous, que dans la cheminée du fond diverses charcuteries sont en train de fumer...voilà pour le décor. Là-dessus, un grand sénégalais hilare répondant au patronyme d'Abdou, vient vous souhaiter la bienvenue et vous met tout de suite à l'aise. Je me demande d'abord où j'ai atterri, et comprend bien vite qu'ici, il faut vite se décoincer !
Après nous avoir apporté l'apéro,  un punch planteur bien vivifiant, Abdou se met en devoir de nous faire la liste de ce qu'il y a à manger. La carte : c'est lui ! Nous optons pour un carri-la-patte-cochon, un rougail zandouille et un carri de coq. "Out" les entrées, ici on attaque direct ! Nous patientons en grignotant les cacahuètes et les olives marinées, et observons les clients autour de nous. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils ont l'air de se régaler. C'est encourageant. Les plats arrivent. Bonne surprise : des brèdes Chou-de-Chine font partie des accompagnements, chose de plus en plus rare sur les tables de bien des restaurants créoles. Je goûte un morceau de patte en piochant dans l'assiette de ma voisine : la couleur dorée juste ce qu'il faut, et l'odeur de carri bien safrané ont excité ma curiosité. C'est un pur délice. La peau est ferme, la viande est bien cuite. de toute évidence cette patte-la n'a pas été cuite à la cocotte, mais a mittonné à petit feu pendant un bon moment dans une marmite bien de chez nous.
Le rougail zandouille est très fin. Un modèle d'équilibre : le goût de "tripes" est présent mais non dominant, et la dose de sel est parfaite. Les morceaux, délicatement émincés, descendent tout seuls ! Bon point supplémentaire pour le poivre qui joue son rôle en relevant parfaitement le plat sans exagération. (dans d'autres établissement, souvent, le poivre a tendance à vous emporter la g...). Enfin, je teste le carri de coq, et là, j'en tombe à la renverse.
Très sincèrement, je suis difficile sur la volaille : trop souvent des chefs peu scrupuleux nous servent du poulet en batterie, bien épicés pour masquer leur absence de goût. Pas la peine d'aller au resto si c'est pour manger comme ça, autant rester chez soi. Ici, il est évident que le coq en question a chanté en rase-campagne ! La chair est ferme et goûteuse et d'une belle couleur dorée caractéristique des carris de grand-mère. Les épices ont cuit dans les règles de l'art : elles ont totalement disparu dans la sauce qui imprègne la viande de sa saveur exquise. J'en aurais pleuré.
Avec des carris aussi succulents, inutile de préciser que les plats étaient vides et les assiettes nettoyées quand on est venu débarrasser ! Courage, il faut déguster les desserts, et je ne sais plus où mettre mon ventre. Je me décide pour une crème brûlée à la vanille de Bras-Panon. Elle est excellente, et le caramel vient mettre un point final à mes sensations gustatives. Que d'émotions !  la note est de 56 euros pour deux personnes (apéros + Plats + 1/2 de vin en carafe + dessert + café).

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : presque parfaits • Service : très bien
Rapport qualité/prix : très très bien.
Notre impression globale : TRES bonne table
Fourchette en argent


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Note août 2013 : Le QG aurait mérité la fourchette d'or. Mais c'était aussi notre première critique publiée. Comment lui donner la meilleure note sans élément de comparaison ? Il finiront par l'obtenir fin 2012. Mais nous nous rendons très vite compte qu'attribuer une fourchette n'est pas aussi facile, et que notre avis sera remis en cause par ceux qui auront eu une expérience différente. C'est le jeu.
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Le Joyau des Laves
[visite en novembre 2010]

Le Joyau des Laves est auberge de campagne des Gîtes de France, perché sur les pentes verdoyantes de Piton-Sainte-Rose, presqu'à l'aplomb du site de l'Anse des Cascades. Le lieu est une invitation au repos et à la découverte de cette magnifique région de l’île qu’est le « grand Est », aux portes du volcan. Nous arrivons de bonne heure et sommes accueillis avec le sourire. Nous avions réservé, et on nous propose le choix entre la grande salle ou la varangue. Vu la météo, et la vue magnifique, nous optons pour l’extérieur. 
Une dame sympathique vient nous porter la carte, et se met en devoir de nous expliquer que les produits proposés sont issus de l’exploitation (comme le prévoient les obligations édictées par les Gîtes de France). Cela explique certainement pourquoi nous n’avons droit qu’à deux menus, au choix limité. Qu’importe, ce qui est proposé est déjà appétissant : Porc au choux de Palmistes, Massalé d’agneau, civets, et l’incontournable gratin de palmiste sur lequel nous jetons notre dévolu. On continuera par un carri de baba-figue aux saucisses fumées, plat traditionnel qu’on retrouve assez rarement dans les restaurants « classiques ».Nous notons qu’un effort pourrait être fait sur la présentation de la carte, même si celle-ci est sans doute sujette à des changements saisonniers. Le temps que les plats arrivent, nous examinons les lieux. L’endroit est très accueillant et joliment décoré, ce qui tranche avantageusement avec l’extérieur très « béton » de la grande maison. La varangue a été habillée façon « paillote » et surplombe un jardin créole agréable tout en offrant une vue panoramique sur la côte. Tout est propre et les tables sont bien mises.
Voici qu’arrivent des mises-en-bouche : samoussas poisson, beignets, rondelles de bananes frites activent nos papilles. Le jus de fruit et le punch maison font merveille, même si on pourrait leur reprocher d’être un tantinet trop sucrés. Suivent le gratin et une salade de palmiste. Le gratin, servi très chaud, est un plaisir au palais ; et la quantité est très honnête. Les épices sont correctement dosées, particulièrement le poivre.
Le palmiste frais de la salade est découpé en lamelles et en rondelles, ce qui offre une variété de textures en bouche. Mention spéciale pour la vinaigrette qui accompagne le palmiste sans en écraser le goût délicat, comme on le voit trop souvent par ailleurs. Le porc aux choux de palmiste et le carri de baba-figues prennent le relais assez rapidement. Le premier plat est correct, mis à part peut-être la viande elle-même : les morceaux sont un peu secs. Les choux de palmistes, eux, fondent sous le palais. Le carri de baba-figue est réussi. On retrouvera la légère amertume caractéristique de la fleur de banane en finale, mélangée à celle du curcuma bien présent, et accompagné par la saveur fumée des saucisses, même si ces dernières pourraient être un peu plus à la hauteur gustativement parlant. Un plat pas facile à réaliser pour les amateurs, mais très bien maîtrisé par le chef. Nous vous le recommandons. Le tout est accompagné par des gros poids, onctueux, mais un poil trop salés, et un achard de choux de palmiste croquant et bien jaune.
C’est la peau du ventre notablement tendue que nous voyons arriver une autre dame pour nous proposer les desserts. Ce sera banane flambée et glaces. La banane arrive hélas déjà flambée. Il aurait été plus sympa de la flamber devant le client. Rien à signaler quant au goût. Et voici la note : 63 euros. Un menu à 28, un autre à 25 et le menu enfant à 10. Très honnête compte tenu de la qualité des plats et du fait que les quantités sont généreuses.
Nous conclurons donc sur une impression très positive. Nous avons passé un agréable moment, dans un cadre reposant et bucolique. La cuisine, perfectible, est néanmoins très correcte et les produits préparés sont de qualité. Allez-y en confiance et profitez de l’après-midi pour vous promener à l’anse des cascades toute proche histoire d’activer votre digestion, vous pourriez en avoir besoin !

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : très bien • Plats : bien • Service : bien
Rapport qualité/prix : très correct.
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent (de justesse)


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Note août 2013 : idem que l'article suivant. Concernant Le Joyau des laves, son statut est particulier. C'est une auberge de campagne qui fonctionne comme un restaurant. Après réflexion, nous avons décidé d'exclure de nos critiques notées les tables d'hôtes et auberges de campagne. Celles-ci pouvant faire l'objet d'articles de découverte (voir Les bonnes adresses d'Ernestine).

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Le petit Bambou
[visite en octobre 2010] 

Le petit Bambou se situe en plein village de Salazie, en face de l'église. Le restaurant est installé dans une maison de style créole, avec une large varangue attenante. Nous avons été accueillis chaleureusement par un personnel souriant et courtois, et avons été installés à la terrasse. L’endroit est sympathique et assez calme, malgré la proximité immédiate de la départementale.S’il fait beau, les enfants remuants peuvent à loisir se défouler sur un espace gazonné protégé d’un garde-corps.
La décoration, simple, gagnerait à être travaillée afin de rendre l’endroit plus convivial encore (un bouquet de fleur sur les tables, par exemple). Rien à dire sur la propreté dans l’ensemble, y compris concernant les toilettes. Le confort est bon. Si vous souhaitez être plus à votre aise préférez tout de même la terrasse, où les tables sont plus espacées qu’à l’intérieur. Un premier coup d’œil sur la carte révèle que l’établissement propose des plats créoles essentiellement au menu, avec un choix entre plusieurs entrées et plats de résistance. Pour le reste vous avez droit essentiellement à des recettes d’inspiration chinoise (Shop Suey, sautés…). La carte est relativement bien présentée, et a le mérite de contenir des informations touristiques sur le cirque, traduites également en anglais. Les choses sérieuses commencent. Nous commandons un gratin de chouchou (à Salazie, ça s’impose !), une salade fraîcheur composée de boudin, fromage de tête et cresson, puis un shop-suey de bœuf et un rougail « zandouille », et décidons de terminer avec un gâteau de chouchou. Premier bémol sur la salade : la présentation est minimale, la charcuterie est d’une banalité décevante. Le boudin est quelconque et le fromage de tête industriel. Heureusement, le gratin rattrape le coup : texture agréable en bouche, chouchou fondant, fromage bien dosé et juste doré comme il faut, et une béchamel réussie. Nous finissons nos assiettes et n’attendons pas très longtemps l’arrivée des plats de résistance. Là encore, la présentation est moyenne. Notre première impression, mitigée, est confirmée par l’absence de l’odeur caractéristique d’un rougail zandouille bien né. Au palais, ce n’est pas mieux. L’andouille, composée surtout de viande et peu de tripes, est trop sèche à notre goût et la sauce ne casse pas trois pattes à un canard. Nous testons le shop-Suey : c’est pire. Le plat est définitivement trop salé et la viande de bœuf a ce goût prononcé de vieux taureau à la retraite caractéristique des morceaux de seconde qualité. Le tout est relevé (un peu beaucoup) par un rougail tomate à déconseiller aux langues sensibles, et accompagné de gros poids du cap « en creume » en revanche très satisfaisants. Le dessert, enfin, est correct. Le gâteau de chouchou est assez léger, pas trop sucré et goûteux. Il est accompagné d’un coulis de goyavier avec lequel il réalise un beau mariage en bouche. Après le café, et le petit sablé en prime, le moins qu’on puisse dire est que nous restons un peu «sur notre faim» concernant la qualité générale. C’est bon, mais sans plus. Pas de soucis en revanche sur les quantités, sauf peut-être pour le riz qui contentera insuffisamment les gros mangeurs.  La note arrive : 47 euros (entrées, plats, desserts et cafés pour deux personnes). Verdict : un restaurant agréable, bien situé, où on est très bien accueilli et servi. Une étape possible et pas très chère sur la route de Hell-Bourg ou de Grand îlet, mais qui ne mérite pas (encore) qu’on fasse le déplacement de loin exprès.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : bien • Plats : moyen • Service : bien • Rapport qualité/prix : correct.
Notre appréciation globale : Moyen.
Fourchette en inox


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Note août 2013 : Le Petit Bambou a été notre restaurant cobaye au début de la rubrique. Cet article n'est jamais paru. Nous avons a plusieurs reprises essayé d'y retourner mais nous avons toujours trouvé le restaurant fermé. Il est toujours dans nos projets d'aller y remettre le nez et le palais.


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