Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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mardi 13 janvier 2015

LE TI CHOUCHOU




Aujourd'hui, par un temps plus qu'humide à ragaillardir une treille de chouchous, nous montons au bourg du gouverneur Hell, poser nos séants à la table du Ti chouchou, restaurant situé dans le carré touristique du village, où fleurissent les boutiques de souvenirs pour nos visiteurs d'outre-océan. L'établissement a ses quartiers depuis des lustres dans une case créole bien conservée et offre le confort honnête d'une salle décorée simplement, et d'une terrasse à l'arrière pour profiter du bon air, pour un total de plus de 70 couverts. Nous sommes accueillis poliment. Nous nous trouvons une table nous-même. Il est encore tôt.
A la carte, diverses formules s'articulent autour des plats du jour créoles, avec des entrées ou des assortiments de fritures diverses. Des "variantes" sont également au programme, comme des entrecôtes, un cari de grosses crevettes, et plusieurs accommodements de truites (meunière, au gingembre, à la crème de cresson).
Nous commandons le menu à 22 euros, assortiment créole inclus, avec un rougail boucané bringelles comme plat, plus un gratin de chouchou et  un cari de poulet, ainsi qu'un menu enfant.

Ce dernier arrive quasi immédiatement après les apéritifs (punch maison et cocktail de fruits frais, assez bons). Bonne surprise. En effet, le Ti chouchou peut vous arranger autre chose que le sempiternel steak haché - frites. Un "petit" rougail saucisse est ainsi servi, avec des saucisses pour le moins goûteuses, et nous attendons la suite avec impatience.
Nous aurions dû choisir les poissons. Toutes nos illusions seront détruites.

L'assortiment de créolités consiste en trois beignets, chouchou, capucine et cresson, avec un samoussa (pas deux, un !), un morceau de boudin et une salade de chouchou. Pas de surprise hélas concernant les beignets. à l'instar de bien d'autres dégustés ailleurs, les beignets ont beau porter des noms différents et comporter des ingrédients variés, ils ont tous le même goût de… pâte à beignets frite ! "C'est lequel le beignet au cresson ?", "Celui-là, il est vert". "Ah d'accord…" Sans intérêt donc.
L'unique samoussa pour sa part fait d'autant plus regretter sa solitude qu'il est plutôt bon, quoique gras. Le boudin est pâteux et trop salé. Du comblage à la mie de pain. Seule la salade apporte de la fraîcheur à toute cette affaire, en gardant un peu de croquant et sa douce saveur de chouchou frais sous la pluie.


Passons au gratin. Le bon terme pour le décrire est "navrant". De gros morceaux de chouchous qui ne datent pas de la dernière averse, vu la texture poisseuse et les poils, et qui se serrent dans le ramequin avec une misère de béchamel et trois tonnes de gruyère. Bref, les chouchous ont été livrés avec leurs vieux grains en robes, à la va-comme-je-te-pousse. On les finit quand même, comme on achève les chevaux.

Le cari de poulet, pour ce qui le concerne, est affligé d'anémie, en dépit de sa sauce curcumatée réglementaire. La vue seule l'annonçait, le coup de fourchette le confirme : la viande s’effiloche comme vieille feuille de brède par grand vent. Du bon vieux poulet de batterie congelé ! Compte tenu du handicap, en bouche, nous sommes à peine surpris par les saveurs en berne, même pas digne d'une barquette à 5€.

Le boucané bringelle est pire. Les morceaux de boucané coupés gros sont flasques et tellement cuits qu'on aurait de la peine à les différencier des pauvres bringelles qui les accompagnent, s'il ne livraient en bouche leur chair filandreuse. On pourrait presque manger le tout avec une paille, en faisant abstraction du goût éteint des bringelles mélangées au boucané bouilli. Ce cari est une honte.

Pour accompagner tout ça, quoi de mieux que des lentilles rares dans une sauce abondante, mais qui accomplit l'exploit d'être pas mauvaise, plus une version cubiste du rougail de tomates hachées au taille-haie, et du riz bas de gamme.

Nous terminons par une « bananette » flambée accompagnée d'une boule de glace à la mangue, pauvre satisfaction glycémique d'un repas sans relief. Addition : 60€ pour deux adultes et un enfant, tout compris. Très cher en regard de la qualité globale.


D'abord, nous nous sommes dit que nous étions mal disposés, en effet nos voisins ont eu l'air d'avoir apprécié leur repas. La clientèle nombreuse aussi d'ailleurs (à 90% métro). Mais les faits sont là. De notre point de vue, ce que nous avons mangé fut piteux. 
Comment peut-on proposer aux touristes des plats créoles de cette nature ? Où était notre bonne cuisine traditionnelle, réalisée avec des bons produits ? Les visiteurs de notre île qui auraient déjeuné ce jour des mêmes plats que nous seraient repartis avec une idée faussée de notre gastronomie. Sacrifier la qualité sur l'autel de la rentabilité n'est certes pas la meilleure façon de vendre notre belle île. 
L'établissement étant bien noté par ailleurs, nous espérons que c'est juste un "coup de mou". Pour notre part, aujourd'hui, nous attribuons au Ti chouchou une généreuse fourchette en inox.


Pour résumer : 
Accueil : passable • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : médiocre
IMPRESSION GLOBALE : MEDIOCRE et CHER

FOURCHETTE EN INOX

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