Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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lundi 9 mars 2015

LA TABLE CREOLE


La Table créole, février 2012. Nous étions sortis satisfaits et repus de ce restaurant de la Possession, en ayant dégusté un rougail chevaquines et un rougail morue, ce qui leur avait vallu une fourchette en argent. Trois ans après, nous avons voulu savoir si la qualité a progressé.

En lieu et place du soleil à assoiffer les chameaux qui nous avait accueilli la première fois, nous avons droit aujourd'hui à un ciel lourd, suivi d'un orage et de hallebardes.
Au menu du jour : pavé de thons, frites, salades ; paëlla maison ; Poulet fermier fumé au palmiste frais ; cari de filet de dorade ; rôti de porc aux champignons et massalés d'agneau.
La carte est toujours aussi complète. Tout le monde y trouvera son compte entre les shop-suey divers et les grillades. Le poulet et le poisson remportent nos faveurs.

Le temps de nous désaltérer, nous apprécions quelques menus progrès dans la décoration par rapport à notre précédente visite. Tout à l'air plus net, tout en demeurant convivial, et des ventilateurs-brumisateurs ont été installés pour plus de confort par grandes chaleurs, sous cette vaste terrasse de plus de 100 couverts.
Service rapide. Et l'odeur du cari de poulet précède la jeune femme qui nous l'emmène. Nous commencerons par là. Déjà, la viande atteste par sa texture ferme sa descendance fermière. La couleur orange foncée luisante est tout à fait seyante, ce qui complète parfaitement nos premières sensations olfactives. Presque pas de surprise donc à la dégustation : la viande souple et ronde, où les arômes de cari ont pénétré, affiche le caractère authentique des caris de grand-mère cuits au feu de bois, avec sa saveur de fumé qui monte au nez et sa finale subtilement sucrée de miel. Un délice à sucer les os avec les doigts, ce que nous ne nous sommes pas privés de faire !
Pendant ce temps, nos voisins de table disparaissent derrière leur paella.

Le cari de dorade est de même facture. La chair, du filet, et sans arêtes donc, est d'un fondant jouissif. Elle se délite toute seule en bouche avec sa sauce parfumée que relève avec panache un combava conquérant. Une sauce de cari exécutée de main de maître, où toutes les épices se sont fondues dans une union safranée tout simplement divine. Qu'eût donc été ce plat s'il se fût agi d'un de nos fameux poissons rouges ? Une extase sublime ! Une montée au septième ciel de la gastronomie créole ! Seul manquait à l'appel un piment vert "crasé" qui eût convenu à merveille à cette démonstration culinaire de grand chef créole.
À la place, deux rougails ont joué leur partition. Un concombre honnête, qui doit mieux chanter avec le massalé, et un rougail Dakatine au tonus impressionnant, tant au niveau du goût qu'à celui du piment. Une affaire dont la couleur trahit un roussi d'une expertise rare dont tous les autres plats ont, subodorons-nous, bénéficié. Les grains aussi.
Le riz est parfait. Ni trop sec, comme un basmati en manque d'eau, ni trop mou. Du bon riz bien goûteux pour accompagner des plats d'exception, et qui plus est servi en juste quantité.

Ce repas réussi nous a coûté 31 euros pour deux personnes, hors boissons. Nous en avons eu pour notre argent, c'est le moins que l'on puisse dire.

"Quand j'ai appris que j'avais eu la fourchette en argent, par des amis, j'étais très contente que ma cuisine soit appréciée" nous confie Keza, la patronne de la Table créole. Cette pimpante dame aux yeux pétillants, dont les parents étaient restaurateurs, est une autodidacte de la cuisine. Et depuis l'âge de 15 ans, elle n'arrête pas, cherchant à s'améliorer, toujours à l'affût de connaissances. La fourchette en argent ne la satisfait donc pas, elle veut faire encore mieux. 
Elle met tout son coeur dans sa cuisine, et la clientèle ne s'y trompe pas. Nous n'avions pas terminé notre repas que les caris de dorades continuaient à sortir. Il est rare de trouver ce genre de cuisine créole traditionnelle, avec des saveurs si vraies, si authentiques. Preuve que les hauts et le sud sauvage n'en ont pas l'exclusivité. Voilà pourquoi nous avons le plaisir de décerner à Keza et toute son équipe la note suprême : une belle et méritée fourchette d'or.


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Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats :  excellents
IMPRESSION GLOBALE : EXCELLENTE TABLE

FOURCHETTE EN OR

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