Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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lundi 3 août 2015

LE CHOKA BLEU

[Découverte, non notée, par Louna Sanphi et Alexandre Bègue]

Le Choka Bleu a ouvert  ses portes depuis la mi-mars de cette année à l'initiative heureuse du sieur Christian Virassamy-Macé, et de ses deux associés, David Won Fah Hin et Olivier Gondard, ce dernier étant l'œnologue en responsabilité de vous conseiller sur une carte de 90 vins de tout horizons. L'établissement a pris la place de l'ancien restaurant du même nom, qui lui même avait succédé à l'Espadon, que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, aux portes du lagon du Trou d'eau sur lequel il jouit d'une vue imprenable. Avec une capacité de 170 couverts, en comptant la vaste terrasse, sous la varangue ou en salle, l'endroit se laisse apprivoiser des amoureux, des hommes d'affaires ou des familles. Vous aurez le choix entre la carte et le buffet créole à volonté (à 22 euros), composé des caris du jours, cuisinés avec les produits frais disponibles, et de saison. Bernard, en charge du far-far, vous raconte des histoires de cuisine créole, entre l'usage de la calebasse à sel et l'utilité des fumaisons, tout en hachant menu des oignons pour le cari qui rejoindra sous peu ses pairs, les fesses à la braise. 
La carte est d'inspiration métropolitaine certes, mais revendique par l'origine des produits qui composent ses plats une créolité moderne et de bon aloi. Exemple, en entrée : « crémeux de lentilles de Cilaos, capuccino de Takamaka, chutney d'oignon au Tamarin et macatia vanille », en lisant ça, vous n'avez pas l'impression d'être à la boutique « sinoi » ? « Salade de palmiste aux agrumes, sorbet rougail tomate fumée », vous ne trouvez pas qu'il ose ?
Autre exemple, en plat : «Pigeon des Avirons rôti, bricks à la papaye séchée, jus corsé», «vapeur de poissons de nos côtes et légumes peï», de la prose salivaire.
Lors de cette visite de courtoisie, nous avons opté pour une « légine basse température au caloupilé, riso de brèdes, chips de fromage rouge et capuccino de gingembre » et la « pièce de bœuf pei au foie poêlé, jus corsé au café, dauphinois de patate douce, le tout fumé. » Respectivement chiffrés à 24 et 28 euros, et précédés de la salade sus-mentionnée et d'un foie gras. 
Attaquons.



La salade de palmiste aux agrumes sorbet rougail tomate fumé. 
C'est une très belle et abondante assiette qui nous arrive. Les agrumes qui sont en l'occurrence des suprêmes de pomelos et d'orange, rafraîchissent le palmiste. Le sorbet rougail tomate fumé quant à lui donne la touche légèrement pimentée et fumée. Notre palmiste n'est que sublimé. 


Foie gras mi-cuit au vieux rhum Savanna chutney passion ananas craquette aux épices douces. 
Le foie gras est parfait autant en cuisson qu'en goût. Le chutney, quoiqu'un peu acide, l'accompagne tout à fait agréablement, avec la profondeur confite d'un ananas de caractère. Le tout, sur la très bonne craquette aux épices douces, nous procure des sensations exaltées. 

Le pavé de bœuf foie gras jus au café dauphinois de patate douce bokchoy. 
Très belle assiette. Le pavé façon Rossini est d'une tendreté magnifique. Le foie gras frais qui le chevauche est mi-cuit comme le veut sa cuisson. Celle, croquante, du bockchoy (bréde Chou-de-Chine) donne encore plus de noblesse à ce légume. Le gratin dauphinois de patate douce n'est que finesse et douceur mélangée au jus au café. Il est tout juste divin. 


Legine basse température au caloupilé risotto de bréde , chips de fromage , capuccino de gingembre. 
La Légine, dont la chair est naturellement savoureuse, se trouve particulièrement en joie dans ce plat. Accompagnée du  caloupilé qui coure le guilledou, mais juste ce qu'il faut, elle est toute émoustillée. A côté, notre bréde est mis à l'honneur grâce à la claque fromagère du délicieux risotto, avec une alternance de croquant léger et de velours. Tout cela emballe le poisson comme il faut.


Nous terminons par « Nout racine ».
Cet excellent dessert représente tout nos légumes lontan (ou presque). Une tuile au curcuma formée en cercle au fond duquel on y trouve des dés de manioc au sirop, surmontés d'une mousse cambarre et entourés de chips de songe, avec une quenelle de sorbet de 
patate douce et un coulis curcuma. Tout cela dessine une très belle assiette.Un très bon dessert souple, léger et superbement parfumé, qui nous rappelle avec nostalgie les bons vieux gâteaux de patate des mamies d'antan. 

Bernard, Christian Virassamy-Macé, David Won Fah Hin et Olivier Gondard

Le Choka Bleu vous propose donc de la bien bonne cuisine. « Proposer une table créole de qualité, avec un service de qualité de type brasserie et une cuisine traditionnelle à base de produits locaux essentiellement, mais assemblés autrement. » avait déclaré Christian Virassamy-Macé à nos confrères de CHR Journal, pour parler de son ambition. On peut dire que c'est réussi, même si en définitive sa cuisine est plus proche de celle d'un restaurant gastronomique que d'une brasserie classique, ne serait-ce que par sa créativité, sa qualité et la fraîcheur des produits. « On est livré tous les jours », précise le patron. Nous repartons donc enchantés par les excellents plats à la carte que nous avons dégustés.
Une adresse bucolique et gastronomique à garder, indubitablement. 


Le Choka Bleu
2 route de Saint Pierre
La Saline-Les Bains, Reunion
0262 35 16 14

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