Le Ptit Zinc : peut et doit mieux
faire.
C'est par un beau 15 août marital que
nous décidons d'aller visiter le restaurant « Le Ptit zinc »,
installé sur la traversante de Saint-Gilles. La vieille
bâtisse à étage qui abrite l'établissement ne manque pas d'un
certain charme. Quelques tables sont au rez-de-chaussée, mais
l'essentiel est au premier dans une jolie salle d'une cinquantaine de
couverts, d'où transpire l'ambiance agréable et nostalgique des
lieux patinés par le temps.
C'est le patron lui-même qui assure le
service en ce jour chômé du personnel. Il nous propose une table et
un apéritif. Nous ouvrons la carte.
Onze plats métros côtoient neuf plats
créoles assez classiques (du massalé cabri au cari de camarons),
accompagnés de rougails divers « selon saison ». Les entrées sont
majoritairement créoles. Une formule complète, entrée-plat-dessert
est proposée à 25 €. Ce qui paraît un tarif raisonnable pour la
station balnéaire.
Nous arrêtons notre choix sur la
salade de palmiste frais et sur le boudin créole aux achards de
légumes pour l'entrée, et poursuivrons la dégustation avec un cari
Ti-jacques boucané, un cabri massalé et un cari de poulet péi
« aux épices de kaloupilé ».
C'est parti.
Le service est rapide. Les entrées
sont bien présentées. La salade de palmiste est croquante à
souhait, et déploie sa saveur subtile et lactée soutenue par un
assaisonnement léger qui alterne acidité citronnée et douceur
d'ananas. Le palmiste est présenté tranché un peu au hasard ce qui
a l'avantage d'augmenter le plaisir de la mastication.
Le boudin créole pour sa part se
défend bien. À des lieues de ses congénères pâteux et
passablement secs, tels que l'on peut en trouver même dans des
charcuteries réputées, celui-ci est tout à fait onctueux, souple,
et respire l'oignon vert avec une attaque pimentée respectable. En
revanche, certains morceaux s’avèrent salés et d'autres pas du
tout, et un arrière-goût de vieux cochon revient de temps à autre.
Rien de méchant toutefois, d'autant que l'achard est délicieux,
curcumaté comme il faut et bien croquant.
Et puis ça se gâte.
Le cabri massalé est en dessous de
tout. D'entrée de jeu, un examen attentif de la marmite laisse
apparaître une viande au rabais, de troisième choix, où les
morceaux de chair sont rares comme des letchis au mois d'août. À la
place : du gras, du cartilage, baignant dans une sauce au massalé
éteint et de toute façon atomisé par une dose de sel
invraisemblable. Appeler cette chose « massalé cabri » relève de
l'injure.
Le cari de poulet est bien mieux
préparé. La sauce au kaloupilé dominant qui l'imbibe est assez
intéressante. Comme un clin d’œil gustatif et olfactif aux
origines du mot « cari » : le ragoût indien « Kari ». Tout
aurait été presque parfait s'il n'y avait erreur sur la
marchandise. En effet, le poulet « pei » annoncé sur la
carte est retroussé des cuisses, décharné de la viande, et
vulgaire comme un gros mot. La dégustation confirme indubitablement
ce que la vue annonce : c'est du poulet de batterie, même pas
fermier. Loin de nous l'idée de supposer une volonté délibérée
de prendre les clients pour des cloches, chose qui marcherait
(peut-être) avec le touriste béotien, mais en aucun cas avec des
Créoles « la cour ». Ils auront été en rupture de stock. Mais
dans ce cas, il aurait été plus indiqué de signaler l’absence du
plat.
Le cari de ti-Jacques sauve l'honneur. Malgré la présence d'un boucané standard sans intérêt
notoire, le fruit vert est bien cuit, fondant, avec un léger gras
glissant qui dégage un fumet appétissant. L'ensemble est honnête.
Les accompagnements sont à peu près
fréquentables. Bon riz, des pois du Cap écrasés en vitesse mais
corrects, un rougail tomate un peu fade peut-être et un rougail
Dakatine froid.
Seules les brèdes chouchou sont
risibles. Archi cuites, avec trois tonnes de sel et de
gingembre, elles sont posées sur l'assiette avec leurs serpentins et
leurs filasses. Incroyable. Ces brèdes ne sont pas triées !
Nous finissons sur un gâteau patate,
une crème brûlée et un fondant au chocolat. Si la crème brûlée
se défend bien, le reste est décevant. La pâtisserie au chocolat
est avachie et n'a de moelleux que le nom. Le gâteau de patate, s'il
est plutôt bon et parfumé, affiche une texture épaisse éloquemment
qualifiée par certains Réunionnais de « comblage ».
Addition : 90 € et des feuilles de kaloupilé pour trois Créoles, soit 30 € par tête tout compris. Un tarif en soi acceptable compte tenu de la Saint-gilloisité du restaurant et des quantités, mais le rapport qualité-prix, aujourd'hui, n'est pas bon.
DEMI-TEINTE
Après ce repas mi figue, mi raisin, le
patron nous pose la classique question, "ça s'est bien passé ?".
Non. Pas vraiment. Pour d'autres ce l'eut pu, mais nous sommes là
pour faire les difficiles et les exigeants, à plus forte raison dans
un lieu comme celui-là, en pleine zone balnéaire, en première
ligne du tourisme, et qui donc, conséquemment, prétend faire
découvrir la gastronomie créole à ceux qui ne la connaissent pas.
Et là-dessus, le tôlier, un ancien de la restauration, nous apprend
qu'il vient de reprendre l'affaire il y a quatre mois, et qu'il a
renouvelé tout le personnel. À l'énumération des griefs, l'homme
semble comme tomber des nues. Il nous remercie de nos remarques et
affirme qu'il les prendra en compte. Sur quoi nous promettons de
revenir dans quelques mois. Nous partons avec le furieux sentiment
que quelque chose ne colle pas en cuisine. Nous sentons comme un
vague relent de je-m'en-foutisme assorti d'une politique de
rentabilité au détriment de la qualité. Il n'est guère bon de
commencer une activité dans ces conditions, et compte tenu de ce
fait, nous accordons au Ptit Zinc le bénéfice du doute. Nous
espérons que notre alerte portera ses fruits, mais pour l'heure nous
ne pouvons attribuer à cet établissement qu'une fourchette en inox.
Pour résumer :
Accueil : Très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service : bien • Qualité des plats : très moyens • Rapport qualité-prix : mauvais.
Le rez-de-chaussée du restaurant est accessible aux personnes en mobilité réduite.
La présente critique a été réalisée
le 15 août 2015, à partir de midi, et ne prétend pas être une
vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif,
par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n'avoir aucun
rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant
et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une
mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d'un droit de
réponse.
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