Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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- Critiques 2014 -


LE BOUT'CHANDELLE


[ par Louna Sanphi ]

Aujourd'hui, notre balade gourmande nous emmène à Saint-Paul où nous visitons le restaurant "le bout' chandelle". Situé dans la rue Marius et Ary Leblond il bénéficie d'un grand parking à proximité. 

L'accueil 
Dès qu'on entre dans le restaurant on se sent privilégié. Franck, le patron, assure lui-même l'accueil avec une dextérité rare qui mérite d'être soulignée. Il nous place à une table au fond de la salle, tout prêt d'un parterre de plantes luxuriantes et nous apporte la carte avec une belle assiette d'amuses-bouches composée de feuilletés de fromage et d'espuma (crème) de tapenade. Aussi délicieuses que belles,  ces petites choses nous ont ouvert l'appétit. Très bon point. Sur la carte : du foie gras, du porc, de la daurade à l'honneur, mais pas de plats créoles. Nous optons pour menu à 35€ qui comprend un carpaccio de daurade, un filet mignon sauce au thym et un moelleux au chocolat. Nous commandons aussi un foie gras et ses toasts et un pavé de daurade accompagné de purée de patate douce. 

La salle 
Elle est bien éclairée et très accueillante. Les tables sont superbement nappées, les chaises qui les entourent, noires et hautes, offrent ainsi une confortable assise. On est bien installés,  que les hostilités commencent !


Le carpaccio de daurade 
On pourrait appeler aussi ce plat « plaisir des yeux et des papilles ». Le poisson est frais, la sauce vinaigrette à l'orange qui l'accompagne est douce avec un léger côté acidulé. C'est dire si le chef l'a bien maîtrisée. Les quelques zestes d'oranges confits ajoutent un petit côté piquant. L'assiette est parsemée de brindilles d'aneth. Vraiment excellent. 

Pavé de daurade purée de patate douce 
L'assiette copieuse est composée d'un beau pavé de daurade cuit sur peau et posé sur un lit de chutney de papaye. Elle est accompagnée d'un gratin de chouchou, d'une demi-tomate provençale et d'une purée de patate douce.


Mignon de porc, mousseline de citrouille, pommes de terre sauce au thym et quelques 
asperges. 
L'assiette est copieuse aussi. Les pommes de terres sont quant à elles fondantes. La viande moelleuse est ravivée par la sauce au thym ô combien onctueuse. Le seul point négatif : les asperges pas de toute fraîcheur qui étaient par conséquent de trop sur cette assiette. 


Le dessert moelleux au chocolat 
« Waouuuhhh » on a envie de dire ! C'est tout simplement divin. La tiédeur du moelleux, son cœur coulant et la glace vanille qui l'accompagne, finissent en beauté ce moment gastronomique purement divin. Rien à dire, sauf que c'était très bon.

Aujourd'hui nous avons passé un moment de pure gastronomie. Le professionnalisme et le sourire de Gilda (la patronne), le service et l'amabilité de Franck, la gentillesse de leur personnel, plus des plats aussi excellents les uns que les autres :  il n'en faut pas plus pour que nous  décernions au « Bout' Chandelle » la fourchette d'or. 

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Qualité des plats :  excellents
IMPRESSION GLOBALE : EXCELLENTE TABLE

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LE RELAIS DES PLAINES

Aujourd'hui nous grimpons chercher la fraîcheur à la Plaine des Palmistes. Nous avons choisi de tester le Relais des Plaines, restaurant ayant pignon sur platanes depuis deux ans au pays des goyaviers et logé dans une jolie maison créole avec son avancée polygonale et ses fenêtres à petit carreaux. La salle d'une quarantaine de couverts est vaste. Un espace qui vous permet de vous installer à l'aise sans profiter des conversations des voisins.

On nous accueille avec grand sourire et nous découvrons une carte variées, très orientée créole, surtout pour les entrées où samoussas, bouchons et piments farcis ont la part belle. Le rougail saucisses y tutoie les cuisses de grenouilles, et le magret de canard côtoie le cari de crevettes. C'est justement sur ces crustacés que nous jetons notre dévolu. Le cari et le sauté de crevettes aux gros piments vont passer un sale quart d'heure !
Nous goûterons également, en passant, de l'espadon frais au menu du jour. Les prix s'étalent entre 12,50€ et 16,50€. Nous notons que trois plats végétariens sont également proposés : un sauté de légumes, une omelette et un gratiné de légumes à la crème. Louable initiative.
Nous snobons les fritures péi pour attaquer les plats direct, afin de d'avoir les papilles toutes vierges pour apprécier les crustacés, qui le valent bien.

Le service est assez rapide. Nous avons à peine patienté avec des petites olives au cumin.Le sauté de crevettes aux gros piments nous interpelle tout de suite : une légion de carottes a envahi les pauvres gros-piments ! C'est une erreur sur l'intitulé ou bien le chef a décidé d'écouler le stock de carottes. Passé la surprise, va pour les carottes. Elles sont au moins assez croquantes, comme les bouts de brèdes chou de Chine bien fraîches, et accompagnent les crevettes sans leur faire de l'ombre. Celles-ci sont divines dans leur enrobage de sauce fleurant bon un siave poivré. 
Les crevettes sont souples et cèdent sous la dent avec une résistance de pure forme, libérant leur saveur unique, qui eût été toutefois plus intense si les crustacés n'avaient été livrés en tenue d'Eve. En effet, même si la présence des carapaces vous transforme les assiettes en chantier, et le repas en cérémonial de décorticage patient, chacun sait que la substantifique essence du divin goût de la crevette fuse au broyage et suçage de sa dure robe orangée.

Le cari est dans la même veine, avec des crevettes aux humeurs de gingembre qui donnent donc plus de voix. La sauce, modérée en quantité mais parfaite en goût, vient nous colorer le riz, et les grains excellents, en crème, au thym lumineux, apportent tout leur velouté dans cette affaire pour notre plaisir non dissimulé. Le piment vert « crasé » sublime parfaitement le plat. Du coup, le riz à presque un air de "pas assez". Notre voisin nous invite à déguster un peu de son espadon. Nous mesurons alors l'expertise du chef dans la cuisson du pélagique, mesuré au centième de seconde. La chair cède en un moelleux parfait et nous diffuse dans les gencives son délicat fumet, doucement, amplement.  Tous les plats sont parfaitement dosés en sel. Du ni trop ni trop peu qui sied très bien au poisson en l’occurrence.

Les plats repartent à peu près vides, sauf quelques frites de-ci de-là, et nous demandons une crêpe au goyavier pour le dessert.
La crêpe est tiède et très bonne. La gelée de goyavier est parfaite. La glace à la vanille qui les accompagne est délicieuse. Belle triplette donc, qui nous enjoue la glotte si tant est qu'elle en eut encore besoin.
Addition  : 32 € pour deux caris et un dessert, sans compter les apéritifs. Un rapport qualité prix qui tient la route.



Cela fait donc deux ans que le Relais des Plaines régale ses clients. Alice et Arnaud Bailly (lequel a été formé au Centhor) ont bien mis en valeur l'endroit, et ont semble-t-il trouvé leur rythme de croisière. En ce qui nous concerne ce fut une sortie heureuse. De la bonne cuisine créole bien faite, avec de bons produits ; une carte qui sait contenter tout le monde, et tous les porte-monnaies. 
Accueil correct, belle salle confortable, et le service semble efficace par temps calme. Pour bien faire, il faudrait juger en plein "coup de feu", dans une salle pleine. Nous déplorons tout de même la pauvreté de la carte en produits du terroir, comme le goyavier ou le fromage des plaines, sous toutes ses déclinaisons. Rien ne dit que le magret, par exemple, est accompagné d'une sauce au goyavier. Si les baies ne sont plus de saison, leurs produits transformés sont présents toute l'année. En attendant,  nous décernons au Relais des Plaines une très belle fourchette en argent avec recommandation de l'équipe.





Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
IMPRESSION GLOBALE : TRES BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT


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LE PAILLE-EN-QUEUE
[ par Louna Sanphi ]

Aujourd'hui notre balade gourmande nous emmène dans l'Ouest, au restaurant du casino de Saint-Gilles "le Paille-en-queue". 

L'accueil 
Nous sommes accueillis chaleureusement et placés. On nous emmène le menu sur ardoise. 
Nous avons droit à une explication sur le fonctionnement de la formule déjeuner "affaire", composé d'un plat plus entrée ou dessert, d'une boisson soft, et d'un café pour 18 €. Le menu complet vous en coûtera quant à lui 21,50€. Nous optons donc pour ce dernier qui comporte une aumônière de jambon au fromage, du saumon sauce beurre blanc-purée-et petite ratatouille pour finir par un ParisBrest.
Puis, à l'ardoise, nous choisissons le tournedos de bœuf sauce au foie gras-croquettes de pomme de terre, à 19€ 

La salle
Elle est sombre mais bien décorée. Les chaises noires offrent une confortable assise. Sur l'estrade, un piano blanc fait un joli décor, puisque pour le moment, il ne joue pas. 

Aumônière de jambon fromage 
Une feuille de brick en forme d’aumônière garnie de fromage fondu et jambon fumé très croustillant et goûtu. Cette entrée originale par sa présentation est très appétissante.




Saumon au beurre blanc-purée et petite ratatouille 
La chair du poisson est extrêmement moelleuse, le dessous bien cuit, le milieu rosé, et le haut presque cru. Cette cuisson en dégradé, associée à la sauce onctueuse, permet de multiplier les saveurs en une seule bouchée. La purée maison ainsi que l'excellente petite ratatouille présentée en quenelles sont un festival gustatif. La sauce au beurre blanc est émulsionnée, chaude, instable, préparée avec des échalotes, du vinaigre et du vin blanc, réduite et montée au beurre froid. Il ne faut surtout pas la  faire bouillir, et la préparer au moment de servir. 

Tournedos de bœuf croquettes de pomme de terre sauce au foie gras. 
Rien d'extraordinaire pour ce plat (à 19€ tout de même !). La viande cuite saignante est certes bonne mais la sauce au foie gras n'est pas assez présente pour qu'on l'apprécie à sa juste valeur. Les croquettes de pomme de terre maison sont très bonnes, croustillantes à souhait et très légères. Elles accompagnent copieusement ce mets de choix mais la présentation laisse à désirer. La salade n'est même pas assaisonnée. Vraiment dommage !

Paris Brest 
Celui-ci est servi avec une crème fouettée légèrement sucrée et un coulis de fruits rouges. La crème pralinée qui le garnit est très légère. Les amandes grillées recouvrent généreusement la pâte à choux faite maison. Autant de bonnes raisons pour l'engloutir avec délicatesse, afin de faire durer le plaisir. Vraiment un bon dessert. 


Tarte aux framboises (dessert à l'ardoise 6€) 
Voilà une tarte comme on les aime : une pâte facile à couper et qui fond littéralement dans la bouche sans parler de sa crème légère qui, mélangée aux framboises, n'est que pure merveille. Coulis passion et crème fouettée agrémentent délicieusement le tout.

Prix pour deux : 46,50€, avec deux boissons et un café. Bon rapport qualité-prix.

Le Paille-en-queue, brasserie de luxe, nous a bluffés avec son menu affaire par le prix, par la présentation et par la qualité des plats. Il n'abuse pas de son emplacement, bien au contraire, car à la carte, on peut avoir une entrée un plat pour 34€. On a vu pire. C'est avec ces arguments que nous avons décidé de lui décerner une fourchette en argent avec les recommandations de l'équipe. À noter aussi que c'est dans cet établissement qu'officiait Kelly Gaétan Jean Baptiste qui a obtenu le titre de Maître Cuisinier de France. La chef est partie en Guadeloupe vers de nouvelles aventures où elle a pris les rênes des cuisines d'un hôtel-restaurant spa.




Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
IMPRESSION GLOBALE : TRES BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT


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CHEZ ALEX

Par ces nouvelles chaleurs de l'été approchant, nous allons prendre le frais à Bourg-Murat, où il y aura bientôt plus de restaurants que de boeufs. Pour rappel, Le QG et le Ti Resto Lontan ont déjà été notés les années précédentes, deux fourchettes d'or, d'autres établissements ont reçu notre visite incognito, et c'est "Chez Alex" que nous testons aujourd'hui.


L'établissement, situé en face du Palais du Fromage, à deux pis du QG, a fait pour ainsi dire peau neuve il y a un peu plus d'un mois en mettant à la disposition de sa clientèle une belle salle d'une quarantaine de couverts espacés, très agréable quand il pleut comme vache qui pisse, ou quand, comme on dit : "brouillard i marche quat' pat' ", avec les températures qu'on sait, surtout en hiver.
Le menu est au tableau noir. Quelques banalités métros (entrecôtes, frites, steak) ; des classiques créoles pour l'essentiel, comme du canard pays à la vanille, cabri massalé et cari de coq fermier, et des plats plus intéressants comme le magret de canard au cidre et miel ou du thon banane frais.
Aucune entrée proposée. Nous goûterons le cari de coq fermier et le rougail saucisses fumées.
Les plats sont servis sans chichis. Pour le coup (et pour le prix) nous aurions apprécié quelques chichis. Il devient lassant de voir arriver des caris sans aucune espèce de semblant de présentation (une feuille de laitue, une touffe de persil ...). Certes la tradition créole ignore peut-être ce genre de coquetterie, encore que. Mais la tradition créole est d'abord domestique, comme celle qu'on retrouve dans les tables d'hôtes, qui, pour beaucoup, font assez attention quand même à l'esthétique de leurs plats. 

Cette parenthèse refermée, nous ouvrons la bouche sur la cuisse du coq. C'est bien un coq fermier. Et pas un coq la cour. Néanmoins tonique, et goûteux, il présente sa viande ronde avec quelques tâches rouges cramoisies à l'intérieur. Dans sa sauce réduite jaunie du safran, il offre de correctes sensations gustatives, tout à fait dans les normes d'un bon cari qu'Ernestine ne renierait pas. Le sel est bien dosé, ce qui préserve la saveur de la chair.
Le rougail saucisse n'est pas au niveau. Moins à cause de la préparation, aussi réussie que celle du coq, qu'à cause des saucisses elles-mêmes. Ces dernières sont tout à fait mangeables et donnent au nez une agréable odeur de fumaison. En revanche en bouche, les saucisses fumées manquent de fumet. D'autre part, leur chair est moulue et non battue. Très moulue même. C'est gramoune qui va être content s'il a oublié ses dents à la case. Du coup, rien à mâcher. Et nous nous disons que le fumet disparu est peut-être parti dans l'eau bouillante.
Le riz grain long est sans intérêt. Les pois du Cap pour leur part affichent une jolie odeur  d'épices roussies et sont bien en crème. Les rougails tomates et bringelle, formatés pour les 
touristes délicats et les palais juvéniles, sont plutôt bons. La bringelle est un peu blème, sans défaut ni accroc comme un manequin photoshopé, mais son goût est bien amené par une trace vinaigrée. Les tomates sont mûres et intéressantes tant par l'odeur que par le goût.


Les plats totalement vides sont enlevés. On vient nous proposer un dessert. Nous prenons un moelleux au chocolat. Ce dernier nous emballe avec son petit coté cacao amer qui fait passer le sucre comme une lettre à la poste .
Addition : 50 euros pour deux personnes, apéritifs, plat et desserts, soit 25 euros par tête de yab. Un peu cher quand même quand on sait qu'il n'y a pas eu d'entrées.

Chez Alex présente bien. Si on en juge par le défilé au comptoir des plats à emporter, c'est une adresse connue et prisée, sachant qu'à deux pas se trouve l'aire de pique nique qui brosse le dos du tout nouveau musée du Volcan. L'accueil est pas mal, le service est attentionné, même si on n'a pas toujours su répondre à nos questions.  La cuisine y est très correcte, mais certains points mériteraient d'être améliorés : présentation et sélection des produits notamment. Espérons que le patron (ou la patronne) ne sera pas tenté d'augmenter ses marges au détriment de la qualité, pour rentabiliser ses investissements. 
En attendant, c'est repus et assez satisfaits que nous avons pris congé, non sans avoir décoché au restaurant "Chez Alex" une belle fourchette en argent.­

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Au diable le menu enfants
Au tableau des menus de Chez Alex, nous avons retrouvé le sempiternel "menu enfant" à 9 euros. Qu'il nous soit permis ici de lancer un cri à ce sujet. A l'heure où l'on parle de manger des légumes et des fruits, d'alimentation équilibrée et variée, et où tout ce qui a un rapport avec la cuisine est tendance, il serait bon que nos chers restaurateurs envisagent autre chose que le misérable "menu enfant" constitué de steak frites ou de poulet rôti.
C'est hélas une évidence : nos progénitures en culottes courtes raffolent de ce genre d'alimentation qui rappelle certains produits dont ils peuvent s'empiffrer notamment aux mangeoires de deux enseignes multinationales bien connues. Bien entendu, c'est pratique pour les restaurateurs de proposer (et de vendre) ce genre de menu, très rentable. Mais ne serait-ce pas là une façon de considérer les enfants comme de "sous-consommateurs" abrutis et dénués de tout sens gustatifs ? ­­Ne serait-ce pas plus intéressant, pour leur édification personnelle, de leur proposer simplement une déclinaison en plus petite quantité des plats à la carte tout en faisant en sorte que le patron du restaurant s'y retrouve financièrement parlant ? N'oublions pas que les enfants d'aujourd'hui deviendront clients demain.


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Pour résumer : 
Accueil : Bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT

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CHEZ BAZOU


C'est à la Petite France, à la frontière du Maïdo, que nous retournons aujourd'hui, afin de goûter aux plats de Chez Bazou. Jusqu'ici nous n'avons pas eu de chance dans le coin. Nos deux précédentes dégustations s'étaient soldées par d'insignifiantes fourchettes en inox gratifiant une cuisine créole approximative, jugée sans doute suffisante pour nos touristes et quelque créoles conciliants au ventre vide.

Beignets dont la pate est parfumée avec de l'essence de géranium
En entrant chez Bazou, déjà, l'ambiance est autre. Point de décor de bois ou de rondin pour faire "genre", ni de buffet dressé. La grande salle d'une soixantaine de couverts est doucement chauffée par une cheminée à côté de laquelle nous prenons place. Toile cirée sur les tables, des chaises confortables, un capillaire près du bar, le jardinet fleuri tout autour du parking : l'ambiance est familiale. 
La bonne dame qui nous reçoit est du genre guillerette avec du bagou. On cause de tout et de rien comme si elle nous connaissait depuis toujours. Elle nous renseigne aussi sur le menu du jour : rougail saucisses, boucané bringelles, cari poulet et civet lapin, en prenant la précaution de nous donner le pédigrée du volatile : du poulet fermier, pas du poulet péi. 
Les entrées, elles, sont du terroir : des beignets divers réalisés avec de la pâte parfumée au géranium. L'assortiment comprend : bringelles nature, chou fleur, brèdes chouchou au lardon. 
Nous les dégustons en finissant notre apéritif, et tout cela se révèle fort plaisant. En effet, les beignets ne sont pas très gras, la pâte est certes parfumée mais les effluves de géranium sont légers et ne viennent en aucune façon altérer les saveurs des produits. Du bon dosage maîtrisé certainement de longue date.
Cette entrée en matière disparaît trop vite. 

Les plats ne tardent guère. 
Un brin déçus de ne pas trouver céans des mets plus originaux que ces quatre-là, nous faisons l'impasse sur le boucané bringelles pour juger les trois autres.
Le rougail saucisses a belle allure dans sa sauce rouge. Premier morceau croqué et petite déception : la saucisse est passablement grasse. Fort heureusement le plat n'est pas trop salé. La sauce tomate est correcte, présente mais pas trop liquide et l'ensemble se mange. Le plat est standard. Assez bon pour une découverte de touristes, sans se payer la tête de ces derniers, mais le créole trouvera ça rasoir.


Le cari poulet est tout aussi bon, et tout aussi ennuyeux. La viande, aussi fermière soit-elle, n'a pas les qualités de la volaille nourrie aux galets de la cour, qui a passé ses journées à fuir ventre à terre le roquet soupe-au-lait ou les gamins taquins.
Cela n'enlève rien à la qualité du cari, non pas, lequel est assez parfumé au nez mais manque un peu de saveur au palais. 

Le civet de lapin
Le civet lapin fait un peu mieux. La viande bien cuite nous fond presque dans la bouche, mais en  diffusant un vague parfum de vin cuit tout à fait insuffisant à notre goût. Si la viande a macéré, elle n'a pas dû l'être longtemps. Le fumet du fond de sauce est néanmoins agréable, correctement salé, et parfume chaque cuillerée de riz assez efficacement pour entraîner la cuillerée suivante.
Le rougail tomate qui accompagne tout ça est soft, trop peut-être, tant au niveau du piquant que du goût. Les grains blancs sont absolument sans intérêt. Et toujours pas de brèdes pour accompagner ces classiques créoles, dans un endroit comme celui-là. Nous étant suffisamment sustentés, nous déclinons les desserts et réglons une addition de 52 euros et des poussières pour trois personnes, boissons comprises, soit un peu plus de 17 euros par personne : assez bon rapport qualité/prix dans l'ensemble.

Voici donc le troisième restaurant que nous testons aux portes du Maïdo, et à vrai dire la déception n'est pas loin. Elle n'est pas loin, mais elle n'est pas tout à fait là non plus. Chez Bazou, restaurant familial, on vous accueille comme des amis, des bons voisins, dans un cadre simple, propre, chaleureux et la cuisine créole que vous y dégustez est authentique et plutôt bonne. Cependant, en dehors des fameux beignets au géranium emblématiques du lieu, l'originalité est aux abonnés absents et, plus chagrinant, les saveurs sont plutôt dans la moyenne de n'importe quel cari standard. 
Une chose est sûre, si votre mère-grand ou votre vieux tonton est un de ces cordons bleus que recèlent bien des familles réunionnaises, inutile de les emmener là-haut sous prétexte que, pour une fois, c'est eux qui mettront les pieds sous la table. Parce que vous allez vous faire enguirlander. 
En revanche, en descendant du bord de rempart avec la belle famille zoreil fraîchement débarquée, Bazou est une adresse honnête pour lui faire découvrir la cuisine créole. Dommage quand même que les brèdes soient autant boudées (et cela, un peu partout sur l'île) et que, ventre saint gris, on ne propose pas davantage de fruits péi en dessert.
La fourchette en inox est en embuscade, mais pour ce repas qui fut tout de même bon, malgré tout, nous décernons au restaurant chez Bazou une petite fourchette en argent.


Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT


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L'ESCALE GOURMANDE
[Par Louna Sanphi ]

Aujourd'hui notre ballade nous emmène au Tampon à l'Escale gourmande plus précisément. Au premier abord le restaurant ne paie pas de mine. En cette fin de semaine la terrasse commence sérieusement à se remplir. Nous préférons pour notre part nous installer à l'intérieur. 
L'accueil est chaleureux et professionnel. Le serveur nous installe, apporte la carte aussitôt et répond à nos questions avec aisance. Il nous propose un apéritif alcoolisé que nous déclinons poliment et optons pour des cocktails softs.  Nous arrêtons notre choix sur le menu du jour à 10,50€ composé d'un carpaccio de thon - salade, d'une brochette de magret de canard - pommes au four et d'un crumble aux fruits. Puis nous prenons le menu à la carte (35€) : un médaillon de foie gras toast brioché, un pavé de poisson cuit sur peau au lait de coco parfumé à la citronnelle et un fondant au chocolat/Coulis d'orange pour terminer.

La salle.
Très éclairée, elle peut contenir une cinquantaine de personnes. Sur les murs s'affichent quelques photos du chef entouré de célébrités, ce qui donne une idée de son parcours. Les 
tables sont dressées de nappes vertes et jaunes, les chaises hautes et noires font une assise très confortable. 

Carpaccio de thon.
De fines tranches de thon coupées en carpaccio et un quartier de citron composent l'assiette qui est garnie aussi de salade, de rondelles de tomates et de concombres arrosés d'une bonne vinaigrette. Le thon parfumé à l'huile d'olive, est parsemé de fleur de sel et d'oignon rouge finement coupé en rondelles. Il est fondant à souhait. C'est une très bonne entrée. 

Brochette de magret pommes au four. 
La brochette, présentée sur une assiette arrosée de sauce et parsemée de brunoises de tomates et de persil haché est entourée de pommes de terre fondantes. On dirait même qu'elles ont été confites tant elles sont moelleuses. Verdict : très bon. 


Pavé de poisson cuit sur peau au lait de coco parfumé à la citronnelle. 
Le poisson du jour, comme nous l'a expliqué  le serveur, est le Seriole (ce poisson à chair blanche et ferme ressemblant à la dorade est très prisé des Japonais qui l'utilisent pour les suchis ou Teriyaki).
L'assiette est composée d'un très beau pavé de poisson servi sur un lit de purée de pomme de terre maison, le tout entouré de légumes. Il y a des lamelles de chouchous, des carottes coupées en petits tronçons, des pommes de terre et une mini courgette entière, le tout cuit au four pour un moelleux des plus succulents. Tout est douceur dans cette assiette. Une très bonne purée maison à l'émulsion coco-citronnelle légèrement safranée accompagne généreusement le Seriole, qui mérite d'être connu. Cela lui donne encore plus de caractère. C'est un plat très fin. On a plus qu'adoré. 

Médaillon de foie gras toast brioché. 
L'assiette, un beau médaillon de confit d'oignon avec une salade composée, est belle et bien présentée. Le foie gras légèrement rosé est parsemé de fleur de sel et de poivre. En bouche il est fondant. Associé au confit d'oignon, qui pour sa part est agréablement léger et doux, c'est  une pure merveille. Les toasts briochés bien croustillants nous font sentir qu'ils sont faits à la minute. 

Fondant au chocolat coulis d'orange. 
Sur le conseil du serveur nous avions commandé ce dessert en même temps que le menu car il est fait tout de suite. Il arrive donc  tiède. Le coulis d'orange est doux, mélangé au fondant c'est une explosion de saveur en bouche. Ce dessert à un autre nom :  "reviens-y"!

Ce chef est sans conteste un génie. Il transforme tous nos produits pei en de succulents mets qui nous épatent les yeux et les papilles. 
L'Escale gourmande est la preuve que manger dans un restaurant gastronomique à moindre coût est possible. Ajoutez à cela un service d'un professionnalisme rare et vous avez tous les atoûts d'une excellente table. Il n'en faut pas davantage pour que nous décernions à l'Escale Gourmande une très belle fourchette d'or. C'est la deuxième consécutive, après le Calbanon il y a quinze jours. Une première !

Le chef Gerrardo et son équipe vous attend les jeudi et vendredi soir pour faire une bouillaisse gourmande (Poisson/ Calamar/ Moules/ Gambas/ Crabe).  Vous pourrez également déguster des moules marinières ou à la crème avec leurs frites à 15€ les vendredi soir. 

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Qualité des plats :  excellents
IMPRESSION GLOBALE : EXCELLENTE TABLE

FOURCHETTE EN OR
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LE CALBANON


A deux pas des centres urbains du nord, dans la campagne Sainte-Marienne de champs de cannes vallonnés, le Village Bienvenue est devenu un pôle d'attraction de plus en plus fréquenté, surtout pour les plaisirs de la table. Deux restaurants et un snack-brasserie vous y reçoivent, en effet, dans des ambiances variées. De quoi satisfaire tous les palais et tous les portefeuilles.
Aujourd'hui nous débarquons sans tambours ni trompettes au Calbanon, toute de suite à gauche après le portail, un établissement d'une capacité de 65 couverts proposant de la cuisine créole traditionnelle, et constitué d'une grande terrasse de bois sous châpiteaux accolée aux cuisines, où les marmites s'exposent sur la braise.
Non attendus, nous y sommes accueillis néanmoins comme "chez d'moune", avec le sourire et la convivialité créole qui va bien, et sommes briefés sur les usages de la maison, qui prône le service par soi-même aux marmites sauf pour les desserts.
Les caris et rougails changent tous les jours. Aujourd'hui nous avons le choix entre un thon-massalé, un cari de coq au vin blanc, un rougail "trois ti cochons" (saucisses fumées, andouille et boucané) sans méchant loup, un porc pomme de terre et une "boîte boeuf" présentée comme le plat traditionnel du jour, une originalité que nous n'avons que rarement trouvée par ailleurs. Des pois du Cap bien en crème et des rougails zoignons et tomates bien "verts" accompagnent tout ça avec un riz longs grains.

Le service est à volonté, pour 20 euros par personne dessert compris ou 15 euros sans dessert. Nous y allons gaiement, le temps d'apprécier avec modération un héritage bien frais, sans notaire.

Les marmites alignées sur la braise ouvrent l'appétit, par la vue et par l'odeur !

Nous entamons notre "piton" par le cari de coq. Du bon coq bien ferme, au goût magnifique dans sa sauce de cari aux humeurs musquées de fond de marmite, avec le vin blanc qui vient délicatement parfumer tout ça. Nous le sentons au fond du nez en regrettant presque de ne pas l'avoir davantage en bouche. Les morceaux de peau épaisse écrasés sous les molaires jouissent de leur délectable sauce jusqu'ici impregnée, dégageant davantage les saveurs de thym et d'épices roussies dans les règles de l'art.

Nous poursuivons par le thon, qui nage dans sa sauce massalé relevée, aux accents précieux. Sa chair pas sèche pour deux sous se livre au couteau sans moufter. Le riz boit goulûment ces humidités malbar, avant d'être associé au rougail tomate des familles non recommandé aux fillettes, et envoie notre organe bucal aux cinquantièmes hurlants. Au thon en emporte le piment.

Le cari traditionnel "boîte boeuf" est également puissant, et aussi un peu salé, pour sa part. Une erreur de dosage parfaitement compensée par une quantité de riz adaptée. Le mou/liant du cari va d'autant plus embrasser le riz à pleine lèvres que ce dernier, sorti du milieu de marmite, est cuit en limite mou aussi, pas assez pour coller, loin de là et heureusement, mais suffisamment pour nous procurer une onctuosité en bouche, d'une complexité douce-acide pleine de caractère.

Nous terminons avec les trois ti cochons. Le cari est plutôt huileux à la marmite, ce qui ne nous étonne guère, et nous nous servons de cette sauce orange avec parcimonie, histoire de donner une autre couleur au riz. Les saucisses sont standards et un peu grasses, tout en demeurant correctes au goût. Les tranches d'andouilles se défendent un peu mieux. Moins subtiles que celles du Jardin des délices précédemment critiqué, elles affichent tout de même une juste proportion gras/maigre bien poivrée, et sont avantageusement servies par la sauce bien dosée en sel. Gustativement parlant le boucané disparaît presque entre les deux cochonailles précédentes. L'ensemble fait en tout cas meilleure figure que certains tristes ratas que nous avons avalés par le passé, cuisinés pour la zoreillie ignorante et balnéaire.
Avec tout ça, les pois du Cap ont assuré, bien en crème, nous distillant comme des vapeurs de quatre-épices dans les sinus. Ils ont agréablement accompagné le poisson et le coq. Nous regrettons (encore) quelques menues brèdes, pour que le repas soit complet.

Le dessert traditionnel est servi à l'assiette. Aujourd'hui : beignets de bananes. Un régal. Du bon beignet pas gras, avec des morceaux du fruit à l'intérieur qui envoient balader les dernières réminiscences de caris avec une douceur sans fard. Parfait pour apprécier un  petit café pas trop serré et découvrir l'addition : 50 euros et des grains de riz pour deux personnes, des boissons aux desserts, soit 25 euros par tête de touriste enchanté et repus.

Car repus nous prîmes congé, en refusant le petit rhum arrangé du digestif, mais en prenant à pleins poumons le bon air encore humide des pluies de ces derniers jours, chargé des odeurs de cannes coupées. Le Calbanon, ouvert par Kelly Dargaud l'année dernière au mois de juin, avec Frédo Picard (dit Kalou) aux fourneaux, est devenu sans conteste une escale créole traditionnelle incontournable du nord. De la bien bonne cuisine de chez nous, simple, savoureuse, et qui sait mettre en avant nos vieux plats "la case" comme la "boîte boeuf". Ce qui est rare. Nul doute qu'à l'occasion vous pourrez y trouver notre bonne vieille sauce sardine, ou un cari "d'zef", qui arracheront une larme de nostalgie à vos parents exilés dans le "péi la fré" quand ils reviendront en vacances. 
Le cadre riant du village bienvenue, l'hospitalité créole sans rond de jambe, la cuisine au feu de bois "depuis six heures du matin" (dixit le personnel), et un rapport qualité-quantité-prix très satisfaisant : bien des atouts qu'on retrouve ailleurs mais en ordre dispersé.
Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous ne voyons aucune raison pour refuser au Calbanon une belle fourchette en or bien méritée.



Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet
Service : très bien • Qualité des plats :  très bons
IMPRESSION GLOBALE : TRES BON



FOURCHETTE EN OR
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LE JARDIN DES DELICES


Aujourd'hui nous allons prendre un bon bol d'air marin dans le grand Sud, où le temps mi-figue mi-raisin nous chasse des varangues de restaurants trop exposées. Nous atterrissons finalement au Baril, au Jardin des délices, en face de l'hôtel. 
Le restaurant, en dur, est agencé comme une sorte de rondavelle ouverte sur l'arrière. La salle d'une capacité de 40 couverts est à demi-remplie. Nous sommes accueillis par un serveur affable qui nous dévoile le menu du jour : cary canard, rougail zandouille, sauté de porc sauce saté, sauté de poulet aux champignons, sauté de porc gros piment, sauté de bœuf aux brèdes, shop-suet bœuf. Aucune entrée n'est proposée. Nous optons pour un sauté de boeuf aux brèdes, changé pour un sauté de porc aux gros piments pour cause de disparition du boeuf, très demandé visiblement. Le rougail zandouille emportera notre suffrage contre le canard.
Pendant que nous sirotons les rafraîchissements, les odeurs de fond de karail et de viande saisie nous parviennent, aiguisant notre appétit d'autant plus qu'il y a une petite attente, fort compréhensible puisque les sautés sont fait à la minute. Un petit amuse gueule ne serait pas de trop avec l'apéro. L'attente ne dure pas et nous voyons arriver les plats, avec un fumet qui en dit déjà long concernant le porc.

Ne tournons pas autour du baril : le sauté est excellent. De la viande de porc tout à fait tendre, au piquant poivré, magnifique dans son enrobage de siave, et succulente accompagnée des morceaux de gros piments encore croquants. Un plat qui a du répondant, c'est le moins qu'on puisse dire, et dont les atours salés s'atténuent mélangé au riz.

Le rougail zandouille est surprenant. La charcuterie, coupée proprement en tranches, n'exhale pas cette odeur caractéristique de tripaille et de poivre à laquelle on peut s'attendre. A la place, nous avons une humeur légère avec un fond de fumé, fort satisfaisant au nez de toute façon. La sauce est quasi absente, ne recouvrant les tranches qu'à la manière d'une pellicule, avec quelques morceaux de tomates ici et là. Ce plumage sobre n'a rien à voir avec le ramage, très respectable. En effet, l'andouille est savoureuse malgré des saveurs de tripes sages. Son onctuosité et un bon équilibre entre les parties sèches et le gras font merveille, révélant avant celle du chef, l'expertise d'un bon charcutier. Et le chef a le mérite de respecter un produit, dont il est sûr de la valeur, en ne cherchant pas à le maquiller d'une manière ou d'une autre.


Les accompagnements sont corrects dans l'ensemble. Le riz avait un goût de pas assez, ce qui est fréquent quand les plats sont bons. Le rougail tomate était un peu quelconque. Nous avons demandé un piment vert "crasé", pour jouer avec l'andouille en mode fortissimo, parce qu'elle le valait bien. Quelques brèdes auraient fait osciller la note vers du 18 carats mais nous ne pouvons que constater la rareté des verdures sur les tables des restaurants créoles, au grand désespoir d'Ernestine.
Une crème brûlée aux amandes amères et des bananes flambées viennent clore le repas. Rien à dire de particuler à leur sujet.
La note s'élève à une quarantaine d'euros et des grains de piment, pour deux personnes, boissons, plats, desserts, plus un café. Correct. L'établissement ne prend pas les cartes bancaires.


Repas fort plaisant que fut celui-là. Dans un cadre sans chichis et ouvert sur un espace vert reflet d'une nature domestiquée typique du coin, le Jardin des délices vous propose une cuisine excellente, simple et efficace. Nous nous sommes quand même étonnés de ne pas avoir de produits du terroir au menu, tels que le vacoa. Mais peut-être que ce n'était tout simplement pas le jour. D'autre part, outre des entrées (deux suffiraient), des amuses-bouches et des rougails plus variés auraient été les bienvenus, comme un rougail bringelle par exemple. Si nous cherchons ainsi les poux et les lentes, c'est qu'en définitive il ne manque vraiment pas grand chose pour que la fourchette d'or tombe. Par conséquent nous décernons au Jardin des délices une belle fourchette en argent avec recommandation de l'équipe.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT





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L'ETE INDIEN
[ Par Louna sanphi ]

Aujourd'hui notre balade gourmande nous emmène sur la côte Sud-ouest de l'île, à l'Etang Salé, et plus précisément au restaurant l'Eté Indien. Situé dans la grande rue principale de la ville, le restaurant, une varangue aménagée, est abritée par d'immenses cocotiers. On peut aussi manger à l'intérieur. 

La salle 
12h30 nous sommes accueillis par une serveuse déjà affairée car la salle est presque pleine. Une grande table est dressée ce qui laisse penser qu'elle va être très vite prise d'assaut. Nous sommes placés à une table face à la rue, une table de bistrot petite. En ce jour de brume il fait très sombre et froid sous cette varangue. On nous apporte la carte et alors que nous n'avons même pas eu le temps de découvrir la cinquantaine de plats disponibles, on vient prendre la commande. Tous les plats sont proposés avec deux légumes au choix : chouchou, haricots verts, gratin dauphinois, frites, riz..
Dans ce restaurant on fait de tout : pizza, pâtes, plats chinois en passant par les pièces de viande et le poisson. Chacun trouvera son bonheur. 
Nous prenons le plat du jour à 10,50€ qui comprend un cari, un dessert ou un café (aujourd'hui c'est un coq massalé), plus des gambas flambées à l'anis (à la carte) accompagnées de chouchous et de riz, et aussi des frites.

Gambas flambées à l'anis 
L'assiette énorme est composée de 5 belles gambas, un gros bol de riz blanc, de gros cubes de chouchou et une coupelle de rougail tomate. Le chouchou est aussi fade que celui que ma grand-mère prenait comme rafraîchissant. Les gambas, cuits à point certes, manquent un peu de piquant dans tous les sens du terme. Décidément cette 
assiette ne nous parle pas du tout, elle manque de caractère. Le riz pour sa part est bien cuit, encore heureux ! Pour un plat à 26€ on s'attendait à beaucoup, beaucoup mieux. 

Le plat du jour coq massalé   
Que dire de ce plat sinon que l'appeler "massalé" c'est aller un peu fort. Comme tout le reste il n'a ni goût ni sentiment. Excepté la couleur rien n'y est. Mais où se cache la petite feuille de caloupilé qui fait vibrer nos palais ? Le coq est pour sa part bien cuit et…bien filandreux. Un mot sur les frites : congelées, bien sûr.  

La tarte au citron meringuée   
La crème citron est un peu trop sucrée, la pâte dure est très difficile à couper. Impossible de la finir. Elle est accompagnée de chantilly et d'une coupe de chocolat chaud aux rebords dégoulinants pas très présentables. 
13h10 le deuxième service commence. Depuis 5 minutes c'est un ballet de touristes qui se présente guides en mains (les mêmes qui placardent la porte d'entrée). L'addition pour deux personnes : 57€ avec une boisson. C'est cher quand on voit la présentation et la qualité des plats. 


Avec les années, l'Eté Indien est devenu une institution à l'Etang-salé. A l'heure où l'on parle du « fait maison » on se demande comment on peut mettre à la carte autant de plats. S'ils sont faits à la demande, ce n'est plus une brigade qui occupe la cuisine, mais une armée. D'autre part nous avons remarqué que les serveurs parlent très peu par manque de temps. Pour une soirée intime, à part la salle sombre, mieux vaut ne pas tenter l'expérience car c'est de plus très bruyant. 
Un établissement certainement rentable, mais avec un côté « usine », donc, qui nuit visiblement à la qualité. C'est un choix, mais en ce qui nous concerne la fourchette en inox est de rigueur.

Pour résumer : 
Accueil :  bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très moyen
Service : à la chaîne • Qualité des plats : moyens
IMPRESSION GLOBALE : MOYEN
FOURCHETTE EN INOX





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LA VARANGUE
[par Louna Sanphi]


Aujourd'hui notre balade gourmande nous emmène à Saint-Leu, au restaurant la Varangue. Une belle pancarte nous indique que c'est un Maître Restaurateur. C'est un restaurant « pieds dans l'eau ». Nous sommes accueillis et installés très chaleureusement et on nous apporte aussitôt la carte des apéritifs. Nous optons pour des bulles sans alcool qui nous sont servies avec une petite coupelle d'olives aillées très bonnes.

La salle
Les chaises sont en osier noirs en plastique, le plafond tressé donne à ce restaurant un style paillote de plage en plus chic. Les tables dressées de nappes et de sur-nappes jaunes et bleues rehaussent le côté vieillot du mobilier.

La carte
Le restaurant de poisson et de fruits de mer ne propose pas de menus mais une ardoise variée où on trouve un foie gras et son chutney d'ananas à 18€. Une « salade Laleu » : calamars, sarcive , crevettes marinées, rémoulade de betterave à 20€ ; ou encore la salade de camarons bardée de jambon de Serrano à 22€. Plusieurs suggestions du chef : le carré d'agneau grillé aux fines herbes ou moules au chorizo et à la crème. Nous optons pour le rôti de légine en croûte de tapenade, toast aux anchois et la choucroute de la mer. 

Roti de légine en croûte de tapenade et toast aux anchois. 
Très belle assiette bien qu'un peu encombrée par les chips de carottes et de songes c'est dommage ! On ne voit plus l'élément principal : la légine. 
Très savoureuse elle est goûteuse et fond littéralement. Le fond de l'assiette est légèrement nappé d'une sauce au vin rouge parfaitement maîtrisée et n'atténue en rien la croûte de tapenade. Le risotto aux petits légumes qui l'accompagne est moelleux à souhait. Le mélange est tout simplement divin et c'est une explosion en bouche. 
La coupelle de courgettes n'avait pas sa place sur cette assiette 1er choix. 


La choucroute de la mer (calamar, camarons, moules, joue de légine, capitaine)
L'assiette bien présentée est garnie de ...chips de carottes et de songe, une brochette de tempura de camarons est plantée en son milieu. En fond d'assiette la  discrète sauce beurre blanc adoucit ce plat qui non maîtrisé peut tourner au vinaigre. Tout est sublime : la pomme de terre cuite à point et qui fond en bouche ainsi que le chou dont la texture souvent insignifiante est mise en l'air dans ce plat. En revanche, en suggestion de composition du plat on nous parle de calamars et de moules. Nous n'en avons pas trouvés dans l'assiette. 

Nougat glacé maison et son coulis aux fruits rouges
La présentation est banale, on s'attendait à mieux. Le kiwi en décoration n'a pas la texture d'un fruit coupé à la minute, heureusement qu'en bouche il est meilleur. Fruits confits et raisins secs sont bien présents mais c'est un dessert sans prétention. Le prix 75€ pour 2 personnes.


Saint-Leu peut s'enorgueillir d'avoir plusieurs restaurants "pieds dans l'eau". Toutefois, avec cette qualité et offrant un tel service dans un cadre aussi chaleureux, il y en a très peu. Nous avons passé un très bon moment gustatif aussi nous décernons une belle fourchette en argent et nous reviendrons. Ce restaurant mérite bien son label de Maître Restaurateur.




Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT






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LO'RIZ


Aujourd'hui nous vous emmenons dans la bonne ville du Tampon où dès la ligne des 600 le bon air vivifiant de l'hiver qui pointe son nez nous creuse un tant soit peu l'estomac.
Nous allons musarder du côté du centre-ville ou peu s'en faut, à deux pas du théâtre, pour tester la cuisine de Lo' Riz, restaurant ouvert depuis octobre de l'année dernière nous apprend-on. Une terrasse d'une vingtaine de couverts, plus une vaste salle de quarante, aux tables espacées, et le sourire du personnel déjà affairé nous accueillent. L'endroit est propre et confortable. Aucun risque d'être importuné par les voisins.
Le restaurant propose de la cuisine créole mais pas seulement. Ainsi ce jour, outre le cari poulet, la pintade combava ou le traditionnel rougail saucisse, le menu se compose également de carpaccio de bœuf, confit de canard maison, tartare de thon, et entrecôte grillée plus quelques créolités chinoisantes. 
Après quelqu'hésitations, nous commandons un civet zourite et un poulet gros piment aux brèdes en déclinant la salade proposée en entrée.

Les assiettes composées nous sont servies le temps d'apprécier l'apéritif et nous notons tout de suite l'effort de présentation. C'est simple et efficace. Pas d'éléments inutiles de garniture. Les morceaux de chouchous font un peu de figuration, mais nous ne les regretterons pas trop. En effet, au goût il semblerait que les chouchous en question ne soient pas des plus tendres, ni de la dernière récolte. D'autre part ils sont juste bouillis et légèrement épicés. Une belle vraie daube aurait été bienvenue. Ils ont tout de même le mérite d'exister.

Le civet zourite est de très bonne facture. Les morceaux du céphalopode fondent dans la bouche. Nul doute qu'il a dû passer toute la matinée à mijoter au fond de la marmite, ti lamp, ti lamp, arrosé à la cuillère de sa sauce magnifique où nous ne sentons plus du tout l'humeur musquée du vin, mais plutôt une délicate onctuosité parfumée que le breuvage à magnifié, où l'on perçoit d'abord une petite acidité vite remplacée par une douceur de tomate mûre en finale. Le poivre est sage, le sel aussi pour bien faire. La qualité du riz nous précipite tout le mélange derrière la cravate avec un plaisir à peine contenu.



Le poulet aux brèdes prend le même chemin. Nonobstant quelques morceaux un peu secs sur les entournures, l'ensemble est parfaitement goûteux. Les brèdes chou-de-chine ne font pas de la figuration, elles, et mettent une ambiance légèrement piquante de ve-tsin–siave où les gros piments encore croquants exhalent leur bonne odeur mélangée à celle des oignons sautés. Tout cela est équilibré. Du beau travail de karail. 
Mention spéciale pour le rougail tomate, avec ce  parfum authentique de la bonne petite tomate des champs de chez nous, comme celui qui fait s'écarter les narines d'Ernestine quand mémé joue du pilon avec les piments verts zoizo. Nous aimerions en voir plus souvent du rougail de cet acabit.
En revanche les grains blancs ne naviguent pas de conserve. Ils sont en conserve. Fadasses et farineux. Du grain « pas le temps » visiblement.

Les assiettes sont nettoyées quand on vient débarrasser et nous proposer les desserts. Nous penchons pour une crêpe. Encore oui. Demandez à ceux qui suivent ils vous diront. La crêpe est servie chaude (alleluia!) et sent bon le beurre et la cannelle. La garniture de pommes effilées passées au four et la bonne glace à la vanille font merveille. Joli point final à un repas pour le moins plaisant. Tout ça pour un peu plus de trente euros, tout compris pour deux personnes.



Au  Tampon, ce n'est certes pas les restaurants qui manquent. Si on veut tous les faire, il faudrait réserver la rubrique jusqu'à la fin de l'année. Le hasard nous a conduit chez Lo'Riz et aujourd'hui il a bien fait les choses. Les menus sont variés, pour satisfaire tous les palais, la cuisine créole est bonne, et servie en quantité honnête. L'accueil et le service sont agréables. Tout cela est assez efficace pour que vous poursuiviez vos activités le sourire du contentement aux lèvres. Voici pourquoi nous attribuons au restaurant Lo'Riz une très belle fourchette en argent.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT




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L'ANSE DES COCOS


S'il est bien un lieu où l'on bucole dans le presque sud sauvage, prisé des campeurs et pique-niqueurs du week-end, c'est Grand-Anse. L'attrait de l'endroit y a fait pousser ces dernières années un hôtel de grand luxe et attiré les bungalows et autres chambre d'hôtes. L'Anse des cocos, installé au bord de la route descendant au site de Grand-Anse en fait partie. Et nous avons décidé de tester son restaurant.
Ce dernier est logé dans le bâtiment principal sous l'aspect d'une grande maison créole comportant une salle et une terrasse ombragée ouverte sur le jardin et les bungalows. La déco, créole chic mais sans chichis, et la disposition des lieux, vous invitent à la détente et aux vacances.

Côté menu, aujourd'hui, nous avons droit à une formule unique à 25 euros, composée d'une entrée, d'un plat de résistance au choix et d'un dessert. Six plats sont proposés : rougail zandouille, camarons persillés, civet de coq, sauté de poisson, civet de boucané et porc trois merveilles, plus crêpe à la banane et coupe de glace en dessert.
Après quelques apéritifs communs, l'entrée, unique, nous est servie. Il s'agit d'une salade "fraîcheur" sous un oeuf-mayonnaise. La salade porte bien son nom. Les légumes sont en effet frais, assaisonnés d'une vinaigrette légère. C'est sans prétention mais tout à fait efficace pour nous éveiller les papilles. L'entrée est expédiée sans formalités et nous attendons la suite avec impatience. Et dans ce cadre magnifique et accueillant, par un temps superbe, voici la grande descente de notre estime.


Cela commence pourtant pas mal avec des camarons qui présentent bien et "font le job". Leur saveur de crustacé toute concentrée par le passage à la poêle, aidée de la persillade, reste tout à fait dans les canons du plat. Encore heureux. Les camarons étant intrinsèquement un produit goûteux, pas besoin d'avoir été apprenti chez Robuchon pour savoir les cuisiner, surtout de cette façon-là.
Nous passons au rougail zandouille, qui, au nez, fleure bon l'oignon et les tomates... Et c'est à peu près tout. En bouche ce n'est guère mieux. La charcuterie a perdu de son sel, au sens propre comme au figuré, car il semblerait que toutes ses saveurs de poivre et de tripes soient parties avec le bouillon à la fosse, ce qui nous laisse, comme cette dernière, sceptiques.
Sus donc au porc trois merveilles. Une merveille d'insignifiance. La viande est sèche comme coco de pain rassis oublié au soleil, avec les champignons chinois et les pousses de bambous qui se battent en duel. Le plat présente un arrière-goût désagréable. C'est mangeable mais tout juste. 
Avec un espoir désespéré nous goûtons au sauté de poisson. Celui-ci est un peu mieux que le plat précédent, mais à peine. Forcément, c'est du poisson surgelé en cubes dont la nullité gustative n'est pas dissimulée par l'assaisonnement à la chinoise façon "Grand-mère", qui a davantage profité aux légumes trop cuits.
Et voilà le dessert : la crêpe à la banane. C'est le pompon ! La crêpe est froide. La banane aussi. Des rondelles de banane pas assez mûre sans aucun doute, au goût de Frigidaire, posées telles quelles dans la crêpe, avec deux noix de chantilly, pour dire. Pas de réchauffage, pas un semblant de je ne sais quoi pour habiller les bananes. Rien. Ce dessert est à la limite du « foutant ». 

La vraie insulte vient avec l'addition si on considère la médiocrité globale de ce repas : 152 euros pour cinq personnes, boissons et cafés compris, soit une trentaine d'euros par tête de touriste. 

Aller dans un restaurant qui présente des dehors agréables et mal manger cela peut arriver. Mais si par dessus le marché le repas ressemble à une vaste farce dont nous nous sentons les dindons, là ça devient compliqué. Nous osons espérer que nous sommes mal tombés et que ce samedi-là était un jour "sans". Quand même, nous étions les seuls clients, alors que d'autres établissements du coin semblaient avoir du monde. Il est clair que ce n'est pas avec ce genre de cuisine qu'on appâte le créole. Seuls les touristes ignorants peuvent se laisser prendre. Rien de plus à dire. Aujourd'hui, pour l'Anse des coco à Grand-Anse, la fourchette en plastique est de rigueur.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
Service : bien • Qualité des plats : très médiocre
IMPRESSION GLOBALE : PAS BON ET CHER


FOURCHETTE EN PLASTIQUE
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AU BORD DE L'EAU


Saint-Gilles, par un beau vendredi d'avril, sous le soleil de midi. Ses touristes-aspirine, ses pêcheurs, ses plaisanciers. Tous les restaurants métros, créoles, ainsi que les snacks se remplissent des "ingénieurs du BTP" qui ont fait le pont du 1er mai. Tous ? non. Quelques-uns attendent le client comme le restaurant "Au bord de l'eau", juste à côté de la grande passerelle qui mène à l'aquarium.

L'établissement propose de la cuisine chinoise essentiellement, plus deux plats créoles, aujourd'hui du civet de canard et du cabri massalé. Des plats qui changent toutes les semaines au gré des disponibilités des produits ­et des envies du chef. La carte chinoise est assez complète (trop ?), mais se démarque tout de même des classiques du genre où on retrouve vingt plats par page correspondant aux différentes viandes accommodées à toutes les sauces. 
La seule formule qui ressemble assez s'appelle "Woks" où boeuf, poulet, porc, poisson et crevettes sont déclinées à la sauce satay, grand-mère ou aigre-douce, et "nature", ce que nous choisirons. Quatre plats aux fruits de mer sont aussi à la carte, de la légine à la noix de Saint-Jacques en passant par le tartare de thon. Les carnassiers trouveront leur bonheur avec les brochettes, le poulet au citron croustillant ou le canard laqué.

L'endroit étant désert, nous n'avons que l'embarras du choix pour nous installer. Ce sera à la terrasse bien sûr, celle-ci offrant une vue imprenable sur le port.
L'accueil est souriant et avenant. Le cadre, lui, est minimaliste. Si on fait abstraction de son emplacement en or, la déco est inexistante et décidément, depuis les Platanes il y a quinze jours, le vert nous poursuit. Bref on a quand même d'entrée une nette impression de "pas-là-avec-ça" dans l'aménagement du lieu, et les tables instables (car conçues avec une plaque de bois trop lourde sur des pieds en rotin) renforcent cette impression. Un conseil : ne vous appuyez pas sur les bords sous peine de voir votre apéro valser. Un excellent cocktail de fruit frais, à base de goyavier nous réveille les papilles.
Nous entamons le repas par quelques samoussas, maison, et des rouleaux de printemps. Nous les voulions froids, plus appropriés par cette chaleur. On nous apporte les chauds. Des gros nems. C'est de notre faute, nous aurions dû préciser. Pas besoin de préciser en revanche que le client souhaite forcément se déshydrater à un moment donné. Nous devons réclamer l'eau. Faute de service encore trop courante hélas. Les "rouleaux de printemps chauds" sont mangeables, mais passablement bourratifs à cause d'une farce aux légumes à la texture rappelant de la purée avec du fromage. La sauce aigre-douce aide un peu le passage, elle aurait mieux joué ce rôle si elle n'avait été trop salée. Les feuilles de salade qui servent de décoration sont abîmées, ça fait mauvais genre.
Les samoussas, aux légumes aussi, s'en sortent mieux, avec leur petite saveur de cannelle en filigrane. Pas de quoi fouetter un cheval quand même.
Nous attendons la suite avec espoir. 



Les plats de résistance arrivent servis à l'assiette. Riz moulé et cari sur le côté, accompagnés de rondelles de courgettes, semblant de décoration pathétique. Le cari de canard est plus qu'avachi. On ne reconnaît plus les morceaux qui clapotent dans le gras et qu'on pourrait manger avec une paille. La dégustation apporte une relative consolation puisque la cari n'est pas mauvais, même si le fumet au vin est spectral. Les grains sont déjà aux abonnés absents, alors des brèdes... c'est de la science-fiction !
Le plat chinois, un sauté de boeuf au wok, nature, avec des petits légumes, sauve le repas. Les émincés sont goûteux et tendres, les petits légumes (navets, carottes, choux, courgettes) sont cuits comme il faut, encore croquants mais pas trop, dans une sauce liante au sel bien dosé. Peut-être aurions nous dû choisir les sauces grand-mère ou satay pour relever le plat qui dans l'ensemble est un peu au diapason du décor gustativement parlant.
Le rougail citron amène sa joie dans cette affaire. Un peu plus de piment ne nous aurait pas fait fuir. Il semble que le personnel nous ait pris pour des "zoizos zoreils" comme disait Vabois.
"Perle de coco à la crème de lotus", coupe créole (ananas Victoria et glace vanille), et glaces diverses composent les desserts, avec un gâteau maison du jour que nous demandons.
Ce sera un gâteau de fruit-à-pain bien moelleux, avec un arrière-goût de trop mûr sur les bords, bien vanillé et pas trop sucré, ce qui est une bonne chose.
L'addition est sévère : 61,50 euros pour deux personnes (apéritifs, entrées, plats, un dessert et un café), soit plus de 30 euros par tête de touriste. Excessif en regard de la qualité globale. On est à Saint-Gilles, mais quand même !


Quand on a la chance d'exploiter un tel lieu, au bord de l'eau, avec vue sur le port de Saint-Gilles, station balnéaire et point d'attraction touristique, il faut faire mieux que ça. Déjà, Il faut arrêter de mettre à la carte des plats créoles "pour faire découvrir aux touristes la cuisine locale" s'ils doivent être préparés avec des sous-produits, et par-dessus la jambe, car ce n'est pas rendre service à l'image de notre gastronomie.
D'autre part, nous avons l'impression d'être tombé sur un snack chinois déguisé en restaurant, ou l'inverse : un peu plus de décoration ne serait pas du luxe avec un emplacement pareil, et le mobilier est à revoir, histoire de rendre l'endroit un peu plus accueillant. Concernant la cuisine, nous osons espérer que les autres plats à la carte ne sont pas du même acabit que ceux que nous avons ingurgité. Nous sommes preneurs de tous les témoignages en ce sens, car le repas de ce jour fut passablement moyen, barbant à cent sous de l'heure, et nous trouvons cela d'autant plus dommage que la note est salée. La carte étant assez éclectique, nous accordons au restaurant "Au bord de l'eau" le bénéfice du doute avec une fourchette en inox circonstanciée.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : négligée
Service : bien • Qualité des plats : très moyens
IMPRESSION GLOBALE : MOYEN ET CHER

FOURCHETTE EN INOX
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LES PLATANES


Aujourd'hui nous prenons la route des Plaines, en profitant du beau temps et du paysage, et décidons de nous arrêter au restaurant "Les Platanes", recommandé par quelques-uns de nos indics depuis des lustres. Le restaurant est visible, en vert et contre la route, à l'angle de la rue de Peindray d'Ambelle et de la Nationale.
L'intérieur est vert aussi. Une grande salle d'une centaine de couverts avec des tables dans tous les coins, propre, mais à la déco un peu vieillotte, avec serviettes dans les verres assortis.
Nous sommes reçus d'un bonjour aimable, qui nous propose une table et le menu du jour dans la foulée : cette semaine c'est cari de poulet aux champignons, rougail zandouilles, cari la patte, cari bœuf pays aux carottes et champignons, entre autres joyeusetés créoles, pour des prix allant de 14 à 17€. Nous arrêtons notre choix sur un rougail morue de vendredi Saint, plus un cari de crevettes à emporter. Nous inquiétant des entrées, le personnel nous informe de notre infortune : les entrées font partie des formules à 18 euros, et aujourd'hui ils sont en panne de légume. Nous nous en passerons donc.


Le rougail morue suit conséquemment l'apéritif, accompagné d'une généreuse portion de riz, de pois du Cap "en creume", comme dit Ernestine, et d'une sauce piment.
A peine posé, le plat exhale aussi sec son odeur caractéristique, qui nous émoustille l'hypothalamus. L'aspect est aussi conforme aux standards colorimétriques du plat, avec en revanche des morceaux un peu gros à notre goût. Le rougail morue, sujet de polémique par excellence, se conjugue au pluriel. Certains le préfèrent "croûté", d'autres plus moelleux, d'autres encore avec plus d'oignons, avec ou sans gros piment, etc. Nous avons une nette préférence pour le rougail morue en tout petit morceaux qui ont bien pris le goût de la sauce, et sans que l'oignon y joue les dictateurs.
C'est le cas ici si nous faisons abstraction des quelques morceaux épais qui se révèlent trop secs sous les molaires. En effet, la tomate mûre et les oignons amènent ce côté subtilement sucré au fond de la langue, d'autant plus que la dose de sel est absolument parfaite. L'ensemble du plat est enduit d'une sauce épaisse qui laisse un petit fond d'huile, et présente une texture moelleuse, idéale avec le riz. Porté par une sauce piment civilisée, le rougail se laisse donc déguster avec moult plaisir.
Les pois du Cap, à la sauce bien parfumée, assurent.

Le cari crevettes, à emporter, et dégusté plus tard, est logiquement un ton en dessous. Il n'est pas non plus au même tarif : 5€ au lieu de 16€ pour le rougail morue service compris. Crevettes décortiquées congelées standard, avec les mêmes pois du Cap. Gustativement correct, le cari remplit son office et notre estomac sans autre ambition et cela nous contente le fondement.
La carte des desserts est assez fournie, ce qui est assez rare au demeurant dans les restaurants créoles. Tarte aux pommes avec glace vanille, tarte coco et sauce chocolat chaud, "glaces-la-boutique" diverses (petits pots, Royal cône, etc.) et parmi les classiques, un miracle de Pâque : du fromage la Plaine avec pâte de goyavier ! Alleluia !
Enfin un restaurateur qui propose un dessert du terroir, trop discrètement soit dit en passant, composé de deux purs produits de la Plaine : le goyavier et le fromage. Tous les fins gourmets connaissent les nombreuses combinaisons possibles qu'offre le fromage de la Plaine : avec de la gelée ou de la pâte de goyavier, avec du miel, de la confiture etc. L'acidité originale de notre cerise péi, savamment maîtrisée avec le sucre de la préparation, fait merveille avec la saveur du fromage frais qui y prend de la longueur en bouche. Superbe. C'eût été sublissime si le fromage avait été plus sec mais nous n'allons pas trop en demander. En revanche, quelques goyavier frais cueillis en guise de décoration auraient pu donner au dessert une autre dimension, plus authentique encore, et nous gageons que la petite claque fraîche du fruit mûr doucement croqué aurait sublimé les sensations offertes par ce dessert. Nous profitons de cette occasion pour déplorer le fait que de trop nombreux restaurateurs ne mettent pas du tout en avant les produits du terroir et particulièrement les fruits. La Réunion a la chance de produire quasiment toute l'année toute sorte de fruits, dont certains sont tout à fait abordables en pleine saison, comme le letchi et le goyavier. Or, à par quelques ananas ici ou là, nous n'avons guère vu dans les restaurants de fruits de saison à table ! Quand le letchi est à 2,50€ le kilo, qu'est-ce que ça coûte de déposer une grappe à table ? Idem pour le goyavier…
Bon point donc pour les Platanes sur ce coup là. 
La note se monte à 33 euros et des feuilles  de platane, apéritif, plat et dessert, plus un plat à emporter. Quand même pas donné.


Les Platanes ne font certes pas de l'ombre à la gastronomie créole. Autant que nous pouvons en juger après cette dégustation, leur chef vous y propose une cuisine très correcte, conforme aux canons du genre, avec des quantités qui satisferont les bons mangeurs. Si, à notre humble avis, la décoration de la salle est à revoir, cela ne nous a pas empêché d'apprécier ce qu'il y avait dans notre assiette. Nous encourageons les initiatives comme celle du dessert au fromage de la Plaine, qui mériterait d'être étendue et déclinée en diverses variantes. D'autre part, nous n'aurions pas boudé des amuses-gueule avec notre apéritif, ni un deuxième rougail plus original que le sempiternel sauce oignon-piment, surtout avec la morue (un rougail goyavier, par exemple ! Voir ci-dessous). Un effort de présentation serait aussi à faire. Il faut laisser les habillages niveau zéro aux snack-bars. Le rougail morue, présenté avec deux feuilles de salade, un gros piment par dessus, ou une feuille de persil, aurait été plus sympa que dans son plus simple appareil. Si on cherche les poux et les lantes, c'est que nous sentons bien qu'il y a un potentiel pour du mieux au restaurant "Les Platanes" à qui nous décernons quand même une fourchette en argent méritée, avec recommandation de l'équipe.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT





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L'ENTREPOTES


Aujourd'hui nous allons lézarder du côté de la rue Bois-de-Nêfles, celle qui monte vers la clinique de Sainte-Clotilde, pour mettre les pieds sous la table au restaurant Entrepotes, situé dans l'immeuble où se trouve la station service du coin, au rond-point. Une petite porte donne sur la caisse et le comptoir aux plats à emporter, avec dans le prolongement, une salle d'une vingtaine de couverts, plus une terrasse en bois "suspendue" attenante, de même capacité.

La salle climatisée est équipée d'écrans plats où défilent des clips vidéos. La terrasse est moins bruyante, nous nous y installons. L'accueil, féminin, est souriant et très serviable, autant que nous pouvons en juger à cette heure où la clientèle est encore peu nombreuse. 
On nous prie de choisir nos boissons dans l'armoire froide puis nous nous mettons dans la "file" pour choisir nos plats. Au menu du jour : cari de porc pomme-de-terre, poulet au chouchou (qui a "largué le corps" on dirait), sauté de poulet aux brèdes, cari de thon au combava, accompagnés au choix de riz blanc ou de riz-massalé, une originalité que nous nous faisons un devoir de goûter, avec des lentilles.
"Nous avons aussi des grillades" nous informe une jeune demoiselle, "avec un petit temps d'attente". Effectivement, sur un tableau nous lisons : "entrecôte de bœuf frais (mot souligné !) sauce poivre, magret de canard au miel, filet de poisson grillé (du Merlu), salade du jour, bol renversé", pour des tarifs allant de 9 à 18 euros.
Nous nous contenterons des créolités en optant pour le cari de porc et le sauté de poulet. Nous retournons nous asseoir avec des assiettes correctement garnies.


Le porc pomme-de-terre est assez bon. La viande est plûtot maigre que grasse, ce qui plaît à nos artères mais moins à notre palais. Les pommes de terre coupées en tranches d'un demi-centimètre ont une bonne tenue, même si la sauce un peu épaisse trahit une légère fonte. Peut-être eussent-elles été plus joyeuses avec un poelage adapté. La dose de sel est faible. Nous pensons d'abord que le féculent l'a un peu pompé. Fausse piste : le sauté de poulet nous révèlera que le chef a eut la main prudente sur l'exhausseur de goût. Nous qui vitupérons à qui mieux-mieux contre les icônoclastes sous toque qui nous chargent les plats en sel, nous n'allons pas nous plaindre.
Un œil sur la salle qui est déjà pleine de personnes
debout attendant leur tour. Le service suit le mouvement. Chez Entrepotes, ça dépote !


Le sauté, donc, affiche une macération délicate avec des brèdes un peu trop rares selon nous. Les morceaux coupés petits sont assez goûteux, même si dans l'ensemble tout cela manque un tantinet de pêche. Rien d'alarmant. Le riz-massalé soutient bien tout ça. La saveur du massalé est assez diffuse et aucunement agressive. Au final, elle nous reste un peu dans les sinus avant de tirer sa révérence, le temps de mastiquer la viande. Quand même, ça manque un peu de sel.
Rien à dire sur les lentilles. Les rougails, une sauce zoignons et un dakatine combavaté assez sage, apportent une précieuse contribution aux plats.
Nous terminons par un café gourmand, accompagné de petites pâtisseries dont certaines sont aux fruits confits, délicates, et pas trop sucrées.


L'addition s'élève à 28 euros et des bouts de brèdes, tout compris (la formule buffet-dessert-café est à 15 euros), soit 14 euros par personne. Très honnête en regard de la qualité globale.

Entrepotes est ouvert depuis 4 ans, au rond point de la rue Bois-de-Nêfles, et si on se base sur l'affluence, on peut en déduire qu'ils ont su se tailler une réputation respectable en proposant des plats de bonne qualité auxquels s'ajoutent des extras comme les grillades qui satisferont les clients désireux de sortir de l'ordinaire riz-cari. Si nous émettons un léger bémol concernant les plats que nous avons testés, gustativement parlant assez timides aujourd'hui, l'ensemble nous paraît plutôt dans la moyenne supérieure de ce que nous sommes en droit d'attendre dans ce genre d'établissement. La fourchette en argent s'impose donc logiquement.


Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT



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LE CORAIL


Aujourd'hui nous prenons la route en direction de Piton-Sainte-Rose où à 200 mètres de l'église de Notre-Dame-des-Laves, le restaurant Le Corail propose une cuisine "tradition kréol" avec "saveurs d'antan". Il n'en faut pas plus que que nous décidions d'y mettre le nez, et le reste.

L'établissement consiste en une terrasse agréable, abritée, d'une quarantaine de couverts, adossée à une boutique à touristes dans le genre de celles qu'on peut voir dans l'Ouest, proposant à la vente cartes postales, savates deux doigts, divers piments confits et autres babioles. Une jolie collection de rhums arrangés est également exposée et offerte à la dégustation. En revanche la route est très proche, et les véhicules bruyants qui y circulent deviennent vite insupportables.
La carte est essentiellement créole, avec quelques plats métros. Les rougails traditionnels sont là, les caris aussi, avec deux ou trois plats moins courants comme le canard à la vanille et les pieds de porc flambés au Cognac. En suggestion du chef, du porc caramel, mais nous décidons de nous en tenir au menu du jour, avec un cari zourite et un boucané bringelles.
Pas d'entrées. L'apéritif est suivi très vite des plats, servis à l'assiette, et fort joliment d'ailleurs. 
Nous attaquons sans tambours ni trompettes. 

Le boucané-bringelles présente plûtot bien. Le légume à la teinte verte est quasi en purée, avec quelques morceaux de peau par-ci par-là, entourant peu de boucané. C'est plûtot un bringelles-boucané on va dire. En bouche la bringelle est discrète. Cela conviendrait parfaitement à ceux qui fuient l'arôme particulièrement prononcé de certaines variétés de ce légume. Souci : le boucané suit le même chemin, tout en étant trop cuit. Les morceaux n'ont aucune espèce de consistance. Dans l'ensemble le plat est correct, mais manque singulièrement de fumet.
Le zourite est un cran en dessous. Le céphalopode, du surgelé bien entendu, est bien cuit. Pas de sensation caoutchouteuse sous la dent, mais ses saveurs sont aux abonnés absents. Seule la sauce bien poivrée donne un soupçon d'intérêt au plat qui de toute façon est beaucoup trop salé. Du sel pour cacher l'ennui sans doute. Seul le rougail zoignons sauve un peu l'affaire assisté par des grains blancs de conserve pas trop mauvais. La maigre salade posée là en guise de garniture est elle aussi trop assaisonnée et trop salée.
Bref, déjà qu'en regardant les tarifs affichés nous nous sentions pousser des plumes, vu la qualité globale des plats, nous commençons maintenant à roucouler. Ce n'est pas le dessert, un gâteau de 
patate douce, qui nous fera changer d'avis. Ce gâteau servi chaud est du "comblage" sans goût ni sentiment. La patate est passée au mixeur apparemment, avant le frigo, avec un coulis caramélisé aux humeurs de confiture de papaye, pathétique tentative pour sauver la face.
Nous partons en réglant l'addition : 41 euros tout compris, avec l'apéro, soit plus de 20 euros par tête de touriste. Franchement cher au regard de ce que nous avons dégusté.

Créer une boutique dans le genre balnéaire dans un endroit pareil, après tout pourquoi pas. Lui adjoindre un restaurant en communiquant sur des plats "kréol" de "tradition" est une bonne idée, encore faut-il que cela se vérifie dans les faits. Or c'est survendu, si nous nous fions à ce que nous avons mangé ce jour. De la tradition créole pour le visiteur étranger ignorant ça oui, qui va acheter des souvenirs et avoir l'impression de manger authentique. En ce qui nous concerne, nous avons plutôt l'impression d'être tombés dans un piège à touristes. 15 euros le cari zourite tout-venant, 17 euros le cabri massalé... des prix un peu exagérés pour une qualité globale moyenne bien loin des promesses affichées. Résultat logique : peut mieux faire.  Fourchette en inox.



Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service :bien • Qualité des plats : moyens
IMPRESSION GLOBALE : MOYEN ET CHER

FOURCHETTE EN INOX
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LE P'TIT BAMBOU


Aujourd'hui nous faisons escale au P'tit Bambou, restaurant plus chinois que créole, comme son nom le suggère, stratégiquement posté depuis vingt ans dans une petite case pile en face de l'église de Salazie et juste à côté de la mairie. La situation de l'établissement permet de surcroît d'avoir une plaisante vue sur le village. Vous pouvez déjeuner dedans, la salle d'une cinquantaine de couverts est décorée simplement mais avec goût, ou sur la terrasse. Une petite surface gazonnée permet aux enfants de jouer.

Au menu ce midi : assiette de boudin accompagnée de salade, sauté de poulet aux chouchous, rougail saucisses ou rougail de morue au chouchous, puis gâteau. La carte est typique des restaurants chinois : poulet, porc et boeuf sont proposés sous diverses déclinaisons, sautés ou en shop-suey, avec quelques originalités comme le "sauté de boeuf sur lit de cresson". Quelques plats créoles sont présents, comme l'irremplaçable rougail saucisses ou le cari de camarons. Nous choisissons le menu, avec la morue, plus un gratin de chouchou et un sauté de poulet aux gros piments. C'est parti !

Le gratin de chouchou est un modèle du genre. Toutes les saveurs s'y combinent sans se marcher dessus permettant d'apprécier la fraîcheur d'un chouchou superbement parfumé, visiblement trié sur le volet, et de se délecter du fromage fondu qui ne vous agresse pas les gencives. Le légume y figure en morceaux assez gros pour pouvoir libérer ses arômes subtils quand on y mord. Les épices, thym et poivre subliment tout ça avec un sel bien dosé, en s'aidant de la béchamel onctueuse pour glisser sous le palais. Le boudin quant à lui est du matin. Sa texture fondante et veloutée qui exhale son fumet de sang cuit ne laisse aucun doute. S'il a été réchauffé, c'est fort modérément car la peau n'a pas rétréci sur les bord. Et le bougre est sacrément pimenté, ce qui ne nous dérange guère. La petite salade verte croquante vient à propos pour apaiser ce coup de sang, avec une vinaigrette discrète. Un seul bémol : les portions sont quelque peu homéopathiques.

Le service, réalisé à deux, est un modèle d'efficacité. Le temps que l'odeur de boudin prenne la tangente et les plats de résistance font leur apparition. Le rougail morue aux chouchous nous paraît d'entrée un peu clair. Nous nous attendions à le voir plus coloré que ça. En bouche, le plat n'est pas désagréable intrinsèquement. L'équilibre gustatif entre la salaison et le chouchou est correct, laissant les deux parties s'exprimer, et le sel aussi. La morue a semble-t-il évité l'huile chaude, elle semble plutôt être passée au hamam, ce qui lui confère une texture plus tendre en raccord avec celle du chouchou, ce qui aboutit à une homogénéité du plat. Le mariage du chouchou avec la viande ou le poisson peut être délicat. Le légume étant gorgé d'eau, il est susceptible de noyer son partenaire. Ce n'est pas vraiment le cas ici mais nous déplorons tout de même un certain manque de punch gustatif. Le piment "crasé" aux oignons aide un peu quand même.


Le sauté de poulet en comparaison est une explosion tonitruante, faisant passer nos papilles d'une atmosphère éthérée de moines zen en méditation à la folie débridée d'une avenue de Rio en plein carnaval. Macérés dans une sauce d'huître rappelant la sauce grand-mère avec des lointaines humeurs musquées, les émincés sont tendres et savoureux. Les morceaux de gros piments sont en nombre, avec quelques poivrons verts, mais ne sont pas là "pour faire le tas" comme dit le créole. Ils envoient sans ménagement leur puissance et leur saveur sitôt que les dents les ont croqués, au travers d'une humidité poivrée qui fait la révolution dans nos glandes salivaires. Le résultat est cousu de fil blanc : "encore, encore !" Un mot sur les pois du Cap : très bons, avec un respectable fumet, mais à la sauce un peu liquide.
Une bonne carafe d'eau là-dessus, et ces émois ne sont plus qu'un doux souvenir, ce qui laisse la place nette pour le gâteau : un "ti-son". Ce dessert créole traditionnel a été souvent l'objet de notre courroux. Et pour cause : secs comme un coco de pain rassis, étouffes-chrétien en plein carême, sans plus de goût qu'un vieux pop-corn lyophilisé.
Pas aujourd'hui. C'est la première fois depuis on ne sait plus quand que nous dégustons avec plaisir un bon gâteau ti-son des familles, moelleux, délicatement sucré, avec son arôme de vanille en finale et qui, ventre-saint-gris, a un goût de maïs ! Ce qui est quand même un minimum. Le petit coulis de fraise par dessus lui apporte une acidité sensuelle qui clôt le repas avec bonheur.


Addition : 37 euros pour deux personnes hors boissons. Assez correct compte tenu de la qualité globale.

Le P'tit Bambou a été, il y a bientôt quatre ans, notre restaurant test avant le lancement de cette rubrique. Vous pouvez d'ailleurs retrouver cette critique sur notre blog restoreunion.blogspot.com (faire défiler jusqu'en bas). Il avait à l'époque récolté d'une fourchette en inox, note qui se voulait moyenne.  De l'eau a coulé dans la Rivière du mât et on peut dire qu'aujourd'hui, la qualité de ce que nous avons dégusté est bien au dessus de la moyenne, malgré un mariage chouchou-morue qui ne nous semble pas heureux, de notre point de vue. 
Cadre agréable, accueil sympathique, service impeccable, quelques produits frais et un chef qui assure en cuisine, que demande le peuple ? L'établissement est une bonne escale avant de pousser plus loin voir les merveilles du cirque. Pour ce bon repas nous lui attribuons donc une fourchette en argent, avec recommandation de l'équipe.


Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT



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CHEZ JACKY



Pour cette deuxième critique de l’année, nous allons à la Possession, afin de tester la cuisine de « Chez Jacky », restaurant situé à la Rivière des galets plus exactement, et réputé dans le secteur.
Si le parking est un peu « casse-cassé » et poussiéreux, le restaurant consiste en une vaste salle ouverte sur un jardin luxuriant avec piscine. Dès l’entrée, des plants de Caloupilé vous disent bonjour. Hélas, il ne sera pas question de massalé au menu aujourd’hui. En effet, les caris sont programmés la semaine et changent tous les jours. Ce vendredi c’est le buffet paella-moules-frites qui est proposé aux clients, avec trois plats à la carte : une entrecôte, du poisson grillé et un magret de canard. Nous décidons de rester.
L’accueil est sympathique et souriant. Nous nous installons au fond, près de la pelouse, afin d’avoir une vue panoramique sur la salle, qui va se remplir assez vite.
Aussitôt rafraîchis par l’apéritif, nous entamons les hostilités par une simple salade verte avec des tranches de chorizo pour entrer tout de suite dans l’ibère. La salade est fraîche et a de la tenue. Point de morceaux blancs et durs de la feuille. La vinaigrette est totalement satisfaisante car ni trop salée ni trop acide. Rien à signaler concernant le chorizo.

La salade ayant disparue de nos assiettes nous fonçons vers les moules. Celles-ci sont excellentes. Les tatillons du sel, dont nous sommes, les trouveront peut-être un peu relevées, mais la sensation passe assez vite pour laisser la place à la légère amertume de la sauce au vin blanc, toute parfumée de laurier et de persil, quoique pas assez abondante. Il y en avait certainement tout au fond du présentoir mais avec le tas de moules, c’eut été un périlleux exercice d’aller la chercher. Les moules sont de bons gabarit, bien charnues et dodues en ventre gravide, et grandes ouvertes, comme nos mâchoires d’amateurs avides de mytiloïdes, et très parfumées.
Les frites en revanche feraient hurler à la mort les Ch’tis, et leurs voisins belges, plus d’une fois.
Elles sont flasques, farineuses, et pâles en goût comme en couleur. Des spectres de patates. Aucun intérêt. 


La paella pour sa part assure. Ce n’est certes pas la meilleure paella que nous ayons dégustée mais elle est loin d’être la pire non plus. Dans ce commentaire de normand, il faut comprendre que le riz grain court et bombé réglementaire était excellemment cuit. Aucun grain ferme ennemi des plombages à l’horizon, et une souplesse suffisante pour pouvoir en apprécier les épices imprégnées.  Aucun reproche à faire sur les fruits de mer, notamment sur leur texture, et qui ne faisaient pas que de la figuration quantitativement parlant. Le poulet était peut-être un peu sec, avec un électro-gustativogramme plat, dommage collatéral de ses origines industrielles et bon marché. L’ensemble est correctement salé, et, alléluia, pas gras pour un sou. 
Nous terminons le repas par une crème brûlée standard, qui a l’avantage de calmer le goût safrané persistant de la paella.
Addition : 38 euros pour deux personnes, boissons comprises. Soit 19 euros par tête pour un buffet à volonté. Un tarif courant dans la plupart des établissements proposant ce genre de formule.

Chez Jacky on vous accueille bien. Et dans un cadre pareil, au frais, on passe un moment agréable. Même si nous eussions aimé déguster la créolité préparée par le chef, nous sommes repartis relativement satisfaits de ce repas, nonobstant quelques détails. L’établissement peut recevoir jusqu’à 300 personnes. Et si on se fie à la qualité très correcte de la paëlla, on peut supposer que ce ne sont pas les groupes qui leur font peur. Nous reviendrons très certainement afin d’avoir un aperçu de leurs caris, et en attendant nous leur décernons une fourchette en argent, juste.





Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : buffet
Service : buffet • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT



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LE FOUQUET



Pour la reprise de notre rubrique, nous nous sommes rendus au Fouquet, dans le bas de la rue Jules Auber, à Saint-Denis, par ces chaleurs estivales à dessécher un chameau.
Nous y trouverons fort heureusement la fraîcheur et une grande salle où une centaine de convives peuvent prendre place à l’aise. L’ambiance et la disposition des tables sont celles d’une brasserie, à la déco un peu kitsch, il faut bien le dire, et passablement usée. On y est tout de même confortablement installé, et la grande ardoise toute remplie des plats au menu du jour nous laisse augurer d’un repas plaisant.

La carte est plus sobre. Nous y pêchons une salade de palmistes et choisissons un cari ti-jacque-crevettes parmi les autres plats créoles du jour à 
savoir : civet de canard, rougail morue, massalé cabri, cari de poisson frais, bouillon coquille (rare!) et sauté de poulet aux brèdes. La gastronomie métro est également au programme. Vous pourrez y trouver entre autre : grillades de poisson, escalope de veau, des brochettes et de la bonne côte de bœuf pour les amateurs (à 44 euros).


Après l’apéritif accompagné d’olives à l’ail, la salade de palmiste nous est servie dans un plat qui rappelle un peu les plateaux-repas de self service, en plus luxueux il va sans dire. Luxueuse aussi est la salade, non pas tant pour son prix, 15 euros, mais davantage pour la manière dont elle est présentée et les émotions qu’elle nous laisse au palais. De loin, c’est le meilleur assaisonnement que nous ayons vu depuis le début de cette rubrique. La fragrance du citron, qui marque sa présence d’entrée, s’efface avec grâce pour porter le goût du palmiste, délicat et lacté, en un mélange subtil que la texture souple et légèrement croquante du coeur végétal révèle dans toute sa splendeur. Nous vous invitons à ne pas considérer la tranche d’orange uniquement comme un élément de décoration. Coupez-en la pulpe et dégustez-la donc avec votre palmiste. Vous aurez alors une autre histoire, le citron se retirant sans protester pour offrir à l’orange l’opportunité de marier sa saveur ensoleillée au palmiste frais. La salade se termine les yeux fermés.


Le ti-jacque suit sans tarder. Or ça, qu’est-ce donc ? Le humage du plat nous laissait entrevoir une dégustation intéressante. Il n’en est rien. Le ramage n’est pas à la hauteur du plumage.
En effet, nous pensions que la bonne odeur de crevette, plus discrète que l’attaque franche du fumé d’un boucané charpenté, aurait donné au ti-jacque l'opportunité de jouer pleinement sa partition. Nous avons beau chercher, mais comme la soeur Anne, nous ne voyons pas grand chose venir, le fruit vert étant désespérément en deçà de son potentiel gustatif. La faute sans doute à une séparation prématurée avec le fond de la marmite. S’il avait attaché un peu plus, les sucs en eussent été davantage révélés. Pour faire simple : ça a un goût de flotte. Un peu. Rien de rédhibitoire pour autant, la preuve : nous avons fini le plat sans moufter.
Dans tout ça la dose de sel est juste. Le rougail de tomates, coupées au taille-haie, est passablement claque-zoreil : des morceaux de piments verts s’y promènent allègrement. Le riz est correct. Bon point pour les haricots blancs à la bonne odeur d’épices roussies. Et pas de brèdes. Nous terminons par une tarte tatin. Rien à signaler de particulier la concernant. Nous apprécions la glace qui l’accompagne et qui met un point final à notre repas.
Addition : 43 euros pour une entrée, un plat, un dessert et une eau plate. L’addition est au diapason de la météo, aujourd’hui.


Le Fouquet régale sa clientèle, sous la houlette de Michel Hubert, depuis huit ans. On vous accueille bien, on y est à l’aise, et le niveau de la cuisine est très respectable, même si on peut supposer que les plats créoles y sont expédiés comme dans une brasserie. C’est en tout cas un peu l’impression que nous avons eue aujourd’hui sur ce ti-jacque-crevettes décevant. Pour autant, Le Fouquet, avec le Reflet des îles et le Gadiamb, est sans conteste un des pieds de la marmite créole du Chef-lieu, avec un menu complet et varié.  Par conséquent nous lui attribuons une belle fourchette en argent et vous invitons à y aller pour vous faire votre propre opinion. 

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : vieillot • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
FOURCHETTE EN ARGENT




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