Le mot du mois

LE MOT DU MOIS

"Manger, c'est incorporer un territoire".

Jean Brunhes, géographe français (1869-1930)

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"Au fond des provinces, il existe des Carême en jupon, génies ignorés, qui savent rendre un simple plat de haricots digne du hochement de tête par lequel Rossini accueille une chose parfaitement réussie".

de Balzac, La Rabouilleuse, 1842.

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"Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger"

Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).

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- Critiques 2012 -

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La Ferme du Pommeau
[Visite en décembre 2012]

Aujourd'hui nous décidons de prendre le frais à la Plaine-des-Palmistes, en allant déjeuner à la Ferme du Pommeau, hôtel restaurant connu et (les diplômes affichés à l'accueil l'attestent) reconnu dans le milieu gastronomique et hôtelier réunionnais. L'établissement se situe presque au bout de l'allée des Pois de senteurs, qui rejoint la nationale au niveau d'un autre restaurant que nous visiterons l'année prochaine : les Platanes. L'endroit, vaste (le domaine fait 13000m2), est pour le moins bucolique, et invite au repos. Vous pouvez y emmener la marmaille taquiner les oies, canards et autre pintades. 



La belle salle, qui peut contenir une centaine de convives, avec sa cheminée, ses bouquets de fleurs et sa décoration « chalet » est très confortable et donne envie de mettre les pieds sous la table. Nous sommes accueillis avec le sourire par la patronne, puis par le personnel qui nous invite à choisir notre table. La carte affiche quelques plats créoles et métropolitains parmi lesquels on trouvera foie de veau persillé, entrecôte grillée, côtes d'agneau et cuisse de canard farcie aux cèpes (pour la cuisine déor) ou rôti de porc  la patate douce, cari de coq et boucané baba figue, pour les plats péi, entre autres. C'est sur ces deux dernières propositions que nous jetons notre dévolu, et nous commencerons avec des toast de chèvre chaud et un flan de cœur de songe sauce à l'oseille. Et à vue de nez, étant donné les tarifs pratiqués, de l'oseille, cela va nous en coûter un peu ! Qu'importe, nous espérons en avoir pour notre argent. Vous pouvez composer votre menu suivant diverses formules s'étageant entre 25 et 38 euros, plus le menu enfant à 13 euros.
Après un apéritif composé de punch maison en libre service (dont un excellent baptisé « moun des hauts », bien charpenté), nous voyons arriver les entrées et les attaquons derechef. Les toasts chauds et croquants exhalent leur bonne odeur de fromage de chèvre fondu, sous lequel ils disparaissent, et nos sinus sont vite embaumés. Le fromage est goûteux mais pas très agressif, ce qui est plutôt bien. Cette première entrée s'évanouit, et laisse la place au flan. Celui-ci est particulièrement onctueux et souple, le songe s'y exprime avec délicatesse et nous vous conseillons fortement de le déguster avant le gratiné qui le couvre, ce dernier étant bien trop puissant. Un plat qui devrait se marier très bien avec un petit blanc de Cilaos capiteux (le vin hein... pas le yab !). Ce flan de songe est un rêve !

Nous patientons un peu avant que les plats de résistance soient servis. Et leur venue, à l'assiette, nous suscite un sourire de satisfaction. En effet, au humage, tout est conforme à ce que l'on est en droit d'attendre d'un boucané et d'un coq créoles : épicés, caractériels, un peu sauvages. A la vue, les couleurs sont belles et appétissantes. Nous sonnons la charge.
Pour faire court, le coq est bon, ferme à la fourchette, le poivre le portant comme il lui sied, nous regrettons simplement d'avoir hérité de parties blanches de la viande moins goûteuses, mais dont la qualité intrinsèque et la cuisson dénotent tout de même une expertise certaine de la part du chef : ce n'est pas sec. Le boucané baba figue se défend aussi. Le baba est cuit mais encore croquant, on dirait de la cuisson à la gueule de dragon comme dans les restaurants chinois. Il a en plus laissé son amertume au vestiaire et parfume magnifiquement un boucané équilibré en gras et dont le fumet est respectable. Bon. Ceci étant dit, nous poussons ici un grand coup de gueule contre le défaut commun aux deux plats : trop salés ! Beaucoup trop salés !


Au fil de nos pérégrinations dominicales nous constatons encore trop souvent une propension affirmée des cuistots à nous charger les plats en sel ! Qu'est-ce donc que cette manie de la main lourde sur la salière saperlipopette ? Toutes les vraies saveurs des plats sont écrasées, voire atomisées quand il s'agit d'arômes subtils et fins, qui donnent toute sa dimension et tout son intérêt à une préparation culinaire ! Rappelons aussi que les excès en sel sont mauvais pour la santé, favorisant les maladies cardiovasculaires, même si on laisse l’hypocondrie à l'entrée avec le parapluie ! Bref, le trop de sel a un peu gâché le repas, même en mangeant les caris avec beaucoup de riz. Nous mettrons pour finir un bon point pour le rougail dakatine, un peu seul, hélas, plus un avis mitigé concernant les grains, bons, mais pas assez en crème. Nous terminons avec des cafés, les desserts ne nous inspirant pas plus que cela. L'addition se monte à 75 euros et des poussières, pour trois personnes, hors boissons et sans dessert. Autant dire un peu cher.
La Ferme du Pommeau est une bonne table, dire le contraire serait mentir, mais, à l'image de l'ambiance, nous trouvons la qualité globale un peu endormie. L'affaire semble ronronner tout doucement et nous n'avons pas été vraiment enchantés, positivement s'entend. La seule (mauvaise) surprise est venue des plats trop salés. Nous osons espérer qu'il s'agit d'un malencontreux concours de circonstances ! Seules les entrées, au dessus du lot, tirent vraiment leur épingle du jeu et c'est heureux car cela nous permet d'augurer d'un potentiel créatif culinaire certain. Dans un endroit pareil, nous aurions également aimé trouver plus de rougails à table, et des brèdes aussi.  Nous décernons à la Ferme du Pommeau une fourchette en argent malgré tout méritée, tout en étant persuadé­­ que cela pourrait (et devrait) être mieux, beaucoup mieux.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien • Service : bien 
Qualité des plats : assez bons
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

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Le Poisson Rouge
[Visite de décembre 2012]

Samedi du côté de l'Est, sous un soleil de plomb. Nous roulons au hasard des restaurants et deux nous refusent pour cause de dîner dansant. Nous finissons par atterrir au Poisson Rouge, à Sainte-Rose, une institution s'il en est, connue de plusieurs générations de gastronomes du dimanche.


L'endroit est au frais, sous l'épaisse verdure de son jardin. Sur la route, les plats à emporter défilent. En contrebas, une demi-douzaine de tables attendent les clients sous les arbres. Nous préférons nous installer à l'intérieur de la grande salle équipée pour les soirées dansantes, elle aussi, toute ventilée de ses nombreux nacos. Les lieux accusent le poids des ans, mais demeurent propres et bien tenus.
Nous sommes accueillis à la bonne franquette par un sympathique monsieur qui nous place sur une table et nous dépose la carte. Celle-ci propose divers plats chinois traditionnels plus des grillades de viande et de poisson. Nous penchons davantage pour les deux plats créoles au menu du jour : un cari de poisson et un rougail boucané. Nous décidons pour commencer de tester les nems, par portion de quatre, et la salade exotique. Un punch maison plus tard, les entrées arrivent et la salade siffle le début du match. Notre hôte débarque alors avec de la vinaigrette "pour le cas où ce ne serait pas assez assaisonné". A la vue du palmiste hâché menu de la composition, on a envie de lui crier "halte-là malheureux !". Et bien sûr le palmiste a déjà un goût de citron, et par-dessus le marché il est coupé vraiment trop fin pour pouvoir nous faire apprécier un quelconque arôme. Seul demeure son croquant, qui accompagne la salade verte et l'ananas. Ce dernier est mûr juste ce qu'il faut, avec un bon équilibre acide-sucré. Tout l'ensemble est très frais et agréable par ces chaleurs. Les nems pour leur part sont très réussies. Molles dedans, craquantes dehors, nous les badigeonnons du piment chinois servi avec et leur saveur nous envahit les sinus, en nous arrachant une larme.
La première mi-temps se poursuit avec le boucané, qui mettra, avec son remplaçant poisson, un peu de temps à arriver. Foin de circonlocutions désagréables, disons-le franchement, le boucané n'est pas bon. Comment le qualifier autrement quand celui-ci, un peu trop gras, mou du genou, baigne dans une sauce où l'oignon exerce une dictature sans faiblesse, et où le sel est un peu trop présent ? De la viande standard en plus, pas vilaine au nez, mais trop banale au palais.
Deuxième mi-temps. Le boucané part sur le banc de touche, remplacé par le poisson, qui nous fera un match plus offensif. "Nous sommes en panne de poisson rouge et de gueule rouge" nous dit l'aubergiste en substance qui nous emmène à la place un mérou un peu pâlot. Mais s'il manque de couleur, l'animal s'avère bien préparé et très goûtu. La sauce est bien dosée en sel et en piment, et l'on y perçoit de loin la saveur tonique du gingembre qui se cache derrière celle, plus franche, de l'ail chinois. La chair n'est pas aussi fine que celle du roi des poissons locaux, loin s'en faut, et légèrement trop cuite, vu son comportement sous la fourchette, mais ce n'est pas dramatique. Le tout tient la route et nous contente amplement, d'autant que les rougails tomate et citron étaient très corrects et que les haricots, bien parfumés en thym, ont assuré.
C'est le dessert qui marquera le but aux arrêts de jeu. Du gâteau ti son, joliment présenté avec du chocolat, de la chantilly et une pointe de confiture de papaye maison, qui en a dans le maillot ! D'ordinaire sec et étouffe-chrétien, le gâteau ti son est ici moelleux et tendre à souhait, avec un bon goût de beurre qui fait merveille marié au chocolat. L'homme nous donne le secret de ce moelleux, mais nous ne le dévoilerons pas ici, vous le lui demanderez vous-même, en réclamant les pâtisseries de "tatie Yvette", parmi lesquelles on compte aussi le gâteau de patate douce et le gâteau de bananes aux raisins.
Fin du match. Le score est à 58 euros hors boissons pour deux personnes. Un brin cher.


Le Poisson Rouge est un vieux de la vieille de la restauration créole. Si nous nous fions aux nombreux témoignages que nous avons reçu, il aurait baissé en qualité. Nous préférons nous fier à notre présent ressenti après ce repas : c'était globalement bon, mais il y aurait encore des progrès à faire. Les plats nous semblent exécutés à la va-vite, pour satisfaire la demande importante côté route. En revanche les produits ont l'air d'être frais, et pas trop mal travaillés. Le désastreux rougail boucané a bien failli faire basculer la note vers la fourchette en inox. Le poisson seul n'a pas suffit à faire pencher la balance, heureusement que le dessert était là pour le "but en or" ! Verdict : une fourchette en argent, sur le fil.

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : bien •Présentation des plats : bien
Service : correct • Qualité des plats : bons dans l'ensemble
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

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Le Rapido

[Visite en novembre 2012] Samedi midi. "Il y a le ciel, le soleil et la mer" comme chantait François Deguelt, un tube de l'été 1965. L'été austral 2012-2013 pointe son nez et c'est par un soleil qui pwak que nous atterrissons au rapido, à la Saline les bains, pas loin de la plage du Trou d'eau. 
La terrasse commune de la Bonne marmite et de l'ex-Rapido, avec le panneau, qui a été remplacé depuis
L'établissement est constitué d'une vaste terrasse en bois, où l'on a conservé les arbres, flanquée de deux longères en bois itou, celle de gauche est fermée, celle de droite abrite la caisse, le buffet, l'armoire à boissons fraîches et la vitrine des glaces. Au menu du jour, divers caris et les éternels riz cantonnais et sauté de mines, un généreux plateau de salades où on trouve du taboulé et des quiches aux légumes, plus des grillades. Tous les tarifs sont affichés au-dessus dans la moyenne des 14 ou 15 euros. 
Point d'accueil. Un homme, le nez dans sa caisse, discute avec un autre sans nous prêter la moindre attention. Nous avons tout de même droit au sourire de celui qui est au service derrière le buffet. Ce dernier nous explique qu'il y a deux équipes, l'une du midi, l'autre du soir. Après examen, nous choisissons de déguster le shop-suey porc, le poulet fumé et le cari de porc pomme de terre, agrémentés de pois du Cap et d'un rougail. Nous nous installons à une table avec des boissons fraîches et observons plus attentivement les lieux. 
Si le cadre est sympathique, très ambiance vacances, il manque visiblement d'un bon coup de balai. Les tables sont un peu poussiéreuses. Pas de décoration particulière mis à part un vieux chapeau la paille cloué au mur et une grosse marmite en bois. Un tour aux commodités nous rassure quelque peu : elles sont propres ! Nous attaquons.
Le porc pomme de terre est bien cuit mais sans saveur. Le peu qu'il en reste a été absorbé par les patates. Tout cela baigne allègrement dans l'huile, qui jaunit tout notre riz. C'est gras. Le cuistot a été à bonne école, l'école du cholestérol. Un cari d'une platitude navrante, digne d'une barquette de boui-boui réchauffée au micro-ondes. En prime les bois de thym sont offerts en guise de cure-dents.
Le shop-suey pour sa part est une insulte. Nous ne nous attendions certes pas à un shop-suey haut de gamme, digne des grands restaurants chinois, mais quand même ! Les légumes y sont tellement cuits qu'ils en sont confits. Les carottes dominent largement, d'où un arrière-goût sucré un peu écoeurant. La viande macérée exhale comme un relent de siave rance ; et elle est salée comme la mer d'à côté. Le poulet fumé s'en sort mieux. Intrinsèquement goûteux par lui-même, nul mérite pour la préparation. Les pois du Cap sont servis plus qu'en crème, pour le coup : c'est du mastic ! Une pâte compacte utilisable par les pêcheurs pour boucher les voies d'eau de leur "canote". Enfin, le rougail, sur lequel nous fondions quelqu'espoir de faire passer les navrants caris, fait un flop. Du concombre, des oignons et quelques margozes passés au mixeur, sans le moindre piment, sans doute pour préserver le palais de la clientèle métro fort présente en ces lieux. Que dire de plus : pas grand chose, hélas. Difficile de conférer plus avant sur le néant. Samedi midi, il y a le ciel, le soleil, et… l'amer ! Oui, amers nous sommes. Dans un endroit comme celui-là, nous pensions trouver un minimum d'accueil et de détente, autour de bons petits plats. il n'en fut rien. Que les plats soient préparés d'avance et tenus au chaud dans un buffet n'y fait rien à l'affaire : nous avons connu d'excellents buffets. La cuisine de ce midi, disons-le tout net, était médiocre. Les touristes qui débarquent là sans avoir goûté la vraie cuisine créole par ailleurs auront une piètre image culinaire de notre île ! Nous réglons l'addition de 42 euros, pour trois (boissons comprises), et allons voir ailleurs si nous y sommes. Après ce déjeuner pathétique, nul autre choix que de décerner au Rapido, une piteuse fourchette en plastique.

Accueil : ZÉRO
Cadre : très bien • Présentation des plats : buffet • Service : self • Qualité des plats : médiocres
Notre impression globale : exécrable
Fourchette en plastique


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Note août 2013 : Quelle histoire ! L'article était paru avec pour cible La Bonne Marmite. Qui se trouve être dans les mêmes locaux. En fait quand nous sommes arrivé ce midi-là, nous avons vu un grand panneau mentionnant "La Bonne Marmite". Nous avons bien vu deux "ailes" de la construction, l'une fermée, l'autre ouverte. A notre passage au self, le personnel nous informe qu'en face, c'est "l'équipe du soir". Il y a donc deux équipes, pensons-nous. Jamais il ne nous serait venu à l'esprit qu'il y ait deux restaurants différents. L'article paraît et voilà que les mail insultants arrivent. Jusqu'ici, rien que de très normal. Quelque jours plus tard, notre direction nous informe que le gérant de "La Bonne Marmite" va porter plainte car nous nous serions trompés  de restaurant. Il apparaît clairement que la disposition des lieux a pu nous induire en erreur. Et deux restos dans les mêmes locaux, c'est rare. Nous publions un erratum, envoyant la fourchette en plastique cette fois au Rapido, celui que nous avions testé. Erratum qui ne satisfait pas le gérant de la Bonne marmite car soi-disant pas assez grand sur la page (et il occupait un bon quart ce qui est beaucoup pour un erratum !). Bref. Quelque temps plus tard nous décidons de retourner à la Bonne marmite, la vraie cette fois, le soir, et avec un ancien restaurateur professionnel, histoire de nous amender mais tout en restant objectif. Quelle ne fut pas notre surprise de constater que le grand panneau avait disparu, remplacé par deux panneaux distincts, indiquant "la Bonne Marmite " et le "Blue Lagon". Et disparu le Rapido ! Par dessus le marché le buffet était vraiment très moyen. Une fourchette en inox allait tomber, mais l'article n'est jamais paru. 
Involontairement, nous avions mis les pieds dans le plat. Notre restaurateur référent nous fait remarquer : "vous connaissez beaucoup de restaurants qui partagent les mêmes tables, les mêmes chaises, l'électricité, et qui en plus va éclairer la façade de son concurrent ? Je vous parie ce que vous voulez qu'ils partagent bien plus que cela, y compris les cuisiniers, et même les plats !"
Une chose est certaine : ce restaurant porte presque le même nom qu'un autre déjà connu et réputé, situé à quelques kilomètres seulement, en proposant le même concept... incroyable non ?

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La Villa Angélique
[Visite en novembre 2012]
[à apprécier sur la Marche de Radetzky, Johan Strauss]
Saint-Denis, 20h00. Nous passons le portail de La Villa Angélique, petit hôtel-restaurant de charme de la rue de Paris, où une soirée «créole revisitée» est organisée. La belle case en bois est illuminée. Nous sommes accueillis par de charmantes hôtesses qui nous proposent un petit punch et des mignardises à grignoter : tubercules divers hachés menus et frits. Nous sommes ensuite dirigés vers la terrasse où plusieurs convives sont déjà attablés, le nez dans leur assiette ou écoutant d’une oreille distraite le chanteur-guitariste de service qui entonnera toute la soirée un best of du répertoire local, avec du Souchon, du Brassens et du Cabrel, de fameux compositeurs créoles comme chacun sait.
Oops. Nous médisons déjà, en oubliant qu’il s’agit d’une soirée créole revisitée ! Voilà pourquoi les jeunes messieurs de service sont déguisés en Antoine de carnaval ! 
[à apprécier sur Casse-noisette, Danse des Mirlitons, Piotr Illicht Tchaikovsky] 
Nonobstant le respect dû au travail nécessaire pour organiser la soirée, tout ce flonflon artificiel pour touristes habitués des hôtels étoilés un peu partout dans le monde nous laisse de marbre (excepté peut-être le sourire des hôtesses !). Nous nous installons dans un coin et attendons le pied ferme et les papilles sur les starting-block, de voir arriver les mets proposés pour cette soirée à savoir : un «ti cornet» de palmiste au Piton Maïdo (l’intitulé déjà nous fait froncer le sourcil), de la légine au gingembre mangue et ses «ravioles de Ti-Jack» et un «Mille-feuilles de magret et ananas Victoria en son gratin lontan». Pour clore le repas, ce sera une «mousse de patates douces sur biscuit des îles et glace vanille bourbon». Nous mettons en veilleuse nos ADN yab et malbar pour laisser s’exprimer davantage le charentais, histoire d’être convenablement disposés à déguster avec impartialité ces plats «zoréoles». Très vite, on nous apporte les cocktails avec la mise en bouche. Et là que faire ? Rire aux éclats ou pleurer ?
[à apprécier sur Adagio for Strings, Samuel Osborne Barber] 
La mise en bouche est constituée d’un samoussa accompagné d’une «sauce au curcuma péi». Un samoussa. Pas trois, pas deux : un, miséricorde ! L’affaire ressemble à ces tableaux d’art minimaliste qui se vendent à prix d’or chez les gens de la haute société. Minimaliste, le samoussa l’est aussi par le goût : il a un goût de friture. Point. Sa présentation suggère qu’il soit dégusté avec la sauce, et celle-ci est bonne, fort heureusement.  Quant aux cocktails, leur composition est simple : 90% de glace pilée ! Autant dire qu’ils ne nous ont apporté qu’un plaisir très limité, à part celui d’étancher notre soif.
L’entrée est très jolie à regarder mais ne nous consolera guère. Hélas. Quelle idée saugrenue de mélanger palmiste et notre très goûteux (et caractériel) Piton Maïdo ? Déjà que nous avions toussé, il y a quinze jours, sur la salade trop assaisonnée du Vieux Port. Mais là ! Ce n’est plus un mariage, c’est du viol. Foutez-lui la paix, au palmiste ! C’est un peu facile, voire grotesque, de toujours l’associer à tout et n’importe quoi pour faire «genre». Le seul détail intéressant : la capucine qui orne le plat. Deux tables plus loin, une touriste l’a mise dans ses cheveux, comme Ernestine qui, batifolant dans les champs, affichait ainsi la fleur afin de signifier à son bouillant fiancé de modérer ses ardeurs pour cause d’invasion anglaise imminente. Les assiettes sont enlevées et nous croyons sentir comme une vague odeur de fourchette en plastique… c’est de mauvaise augure. La soirée semble se réchauffer un peu. Le chanteur aborde des airs antillais. Le service a l’air de se dérouler comme du papier à musique. Les Antoines (et Antoinettes) sont efficaces.
[à apprécier sur la 5e symphonie en C mineur (pom pom pom pom !), Ludwig Van Beethoven]
Et voici le magret et la légine. Et voici la lumière.
Le mille-feuilles se présente comme succession de tranches de magret et d’ananas, posées sur le gratin «lontan» : de fines lamelles de patates douces. La belle viande de canard, saignante comme nous l’avions demandé, est tendre, poivrée, goûteuse, et se mélange superbement avec l’ananas, poussant parfois la courtoisie jusqu’à le laisser passer devant. Le moelleux gratin, avec la texture légèrement poudrée de la patate douce vient calmer ces élans gustatifs et cela se traduit au palais par un équilibre savant entre le sucré et le salé et un plaisir à la mastication qui en devient presque bestial. Le verre de Chinon rouge proposé est le bienvenu.
[à apprécier sur la Suite pour orchestre BWV 1068 «Air on the G string», Johann Sébastian Bach] 
Pour sa part, la légine joue plutôt dans le registre du raffinement, de l’élégance et de la simplicité. Elle est ainsi présentée dans son plus simple appareil, nue comme Eve avant la pomme ; le gingembre-mangue se distinguant à peine, de loin en loin, pour préserver cette virginité de saveurs des mers glacées. On apprécie donc avec moult délectations la chair odorante du poisson blanc, qui se laisse glisser derrière les molaires en nous donnant des frissons (ça y est, nous sommes convertis à la légine!). Le ti-jacque est presque de trop. «Presque» parce qu’il est lui aussi sur son trente-et-un. Un brin croquant, très parfumé mais pas trop épicé, le ti-jacque rivalise avec celui de Chez Alice, à Hell-bourg, qui l’avait tantôt sauvée de la fourchette en inox. Nous louons ici le respect du produit, et eussions souhaité qu’il en fût de même à l’égard du palmiste servi en entrée comme valet de pied à un fromage trop fort pour lui. Les assiettes sont nettoyées au pain, et remplacées trois chansons plus tard par le dessert.
[à apprécier sur Les noces de Figaro, ouverture, Wolfgang Amadeus Mozart]
Encore une fois, la présentation est soignée. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que l’élément décoratif est…de la colle-pistache ! Après une prière pour notre taux de glycémie nous enfournons la nougatine, la croquons goulûment. C’est les années 70. Nous avons huit ans, et de la colle plein les dents ! La mousse de patates douce brille davantage par sa texture que par son arôme, trop subtil, surtout après la colle-pistache, mais fait merveille mélangée à la glace où la vanille se révèle dans toute sa splendeur. Le «biscuit des îles», au coco, nous semble presque de trop.  Le jeu des sensations est fort réussit et le dessert vient clore avec bonheur un repas pourtant bien mal entamé. Addition de la soirée : 103 euros pour deux personnes. Correct si on tient compte du repas, de l’ambiance et du standing, mais le rapport qualité-prix de cette soirée est «limite».
[à apprécier sur Casse-noisette, la valse des fleurs, Piotr Illicht Tchaikovsky]
La Villa Angélique mérite visite, ne serait-ce que pour ses atours. L’ambiance qui se dégage de cette maison créole entièrement refaite invite au repos et à la sérénité. Nous jugeons ici les plats qui nous ont été proposés au cours de cette soirée, qui ont le mérite de révéler le talent et la créativité de la jeune et dynamique Chef, ci-devant Kelly Jean-Baptiste. Comme quoi la valeur n’attend pas le nombre des années, et le talent non plus, du reste. Il est indubitable que si ce talent s’exprime ainsi tous les jours que Dieu fait (et à cette condition seulement, nous n’excluons pas, d’ores et déjà, une contre-visite l’année prochaine), La villa Angélique est l’une des meilleures table du chef-lieu. Mis à part quelques erreurs de concept au début du repas, le reste tient parfaitement la route, ce qui justifie amplement, pour l’heure, l’octroi à ce restaurant d’une très jolie fourchette en argent.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons dans l'ensemble • Rapport qualité-prix : perfectible
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

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Note août 2013 : Une des critiques qui a déclenché le plus de réactions. Si cette soirée créole s'est déroulée sans trop de souci pour nous, d'autres ont fait les frais  d'un service aléatoire pour ne pas dire médiocre. Les différentes remontées que nous avons eu au sujet de ce restaurant étaient pour la plupart négatives. Ce qui est sûr, c'est qu'en cuisine, il y a pas mal de mouvement de personnel.

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Le Vieux port
[Visite en octobre 2012]


C'est par un temps de curé que, les kilomètres derrière nous, Le vieux Port nous  ouvre ses portes, dans  la fraîcheur de son petit  jardin luxuriant du sud sauvage, pas très loin de la fameuse coulée de 2007, au bord de la RN2, côté mer. De la route, à vrai dire, on n'aperçoit presque pas le restaurant lui-même mais plutôt les tables dressées dehors sous de grands parasols. Un panneau marque l'endroit, en annonçant "We speak english", et ça c'est "a very good thing" gageons-le. Beaucoup d'autres devraient en prendre de la graine. 26 couverts attendent dehors pour l'heure. L'établissement en totalise une soixantaine. Nous sommes accueillis avec spontanéité et gaité, de la bonne vieille hospitalité créole. Nous nous installons dehors, dans l'herbe, l'endroit est un brin bucolique, et il y fait frais ; des atouts certains malgré une trop grande proximité de la nationale, où, par ces dimanches de vacance, la circulation est assez dense.
La jeune demoiselle qui nous a reçu nous apporte la carte, et des publications touristiques sur la Réunion. Attention louable à l'égard de nos visiteurs l'outre-océan. La carte nous intéresse davantage. Elle présente plusieurs variantes de salades, toutes à base de palmiste, certaines d'entre elles mélangeant les ingrédients, légumes divers et viandes, comme de la saucisse ou du boucané pour l'une, ou des camarons pour une autre. Voilà certes une initiative originale.
Parmi les plats chauds, on retrouve notre trinité porcine de rougails péi : saucisse, andouillette et boucané, plus les mêmes cuisinés au chou de vacoa, crevettes en plus ; puis du porc, du poulet et du coq au palmiste, "le dimanche seulement ou sur réservation".
Un rôti de porc au palmiste est au menu du jour, ça tombe bien !  Nous lui adjoindrons des saucisses fumées au chou de vacoa, avec une salade de palmiste "simple" en entrée. C'est parti pour les hostilités.
Nous patientons en sirotant un bon petit punch maison, dans lequel nous détectons à la fois une acidité et une amertume rapellant le combava ou le citron-galet. Très rafraîchissant.
La salade de palmiste nous est déposée déjà assaisonnée. Plusieurs restaurants font cette erreur. Pensez à demander le palmiste avec l'assaisonnement à part. Souvent, et c'est encore le cas ici, le citron "tue" la saveur doucâtre du palmiste. Pour autant, la salade que nous dégustons donne de bonnes sensations en bouche, avec un croquant délicat, attestant le choix rigoureux des morceaux et une fraîcheur sans contestation possible.
Les plats chauds suivent assez rapidement. Nous constatons d'abord, à notre grand désappointement, que seuls deux morceaux de palmistes garnissent le plat. C'est peu. Dommage car ils sont  fort parfumés, souples en bouche et fondants à souhait. La viande est très équilibrée, ni trop grasse ni trop sèche. Sa texture révèle une cuisson maîtrisée, étant presque aussi fondante que son compagnon palmiste.
Les saucisses fumées au vacoa ne sont pas en reste. Juste dommage qu'elles soient coupées en lamelles trop fines, laissant l'impression qu'elles font de la figuration. Les sensations sous la dents sont limitées. Peut-être est-ce là une stratégie pour mettre en valeur le chou de vacoa, qui est savoureux : curcuma et thym relèvent son parfum inimitable, aussi fin que le palmiste, avec un croquant subtil équivalent à celui de la salade. Tout cela se mélange agréablement avec le riz et finit par exploser au palais grâce au petit (trop petit !) rougail mangue.  Un mot sur les lentilles : bien en crème, ils dégageaient comme une humeur de quatre-épice qui leur donnait du caractère, très appréciable avec le rôti.
Nous terminons, repus, avec le café, laissant les touristes apprécier le gâteau de patate douce ou le gâteau de manioc du dessert. Addition : 52 euros et des copeaux de vacoas pour deux apéritifs, une entrée, deux plats et deux cafés. Assez honnête au regard de la qualité globale.
Le Vieux port est ce genre de petit restaurant discret et charmant, qui cultive son attachement à la traditon culinaire créole en mettant en avant les produits du terroir. En l'occurence, le palmiste, et le vacoa. Un rapide coup d'oeil sur la fréquentation du lieu donne déjà une indication sur la qualité de ses plats. Cela fait huit ans que ça dure. Et la gouaille du patron, assez franco de (vieux) port, n'est certainement pas étrangère à ce succès. La qualité globale nous a paru très correcte, le travail des produits sus-nommés étant à l'évidence parfaitement exécuté, même si les quantités pourraient être sujettes à caution pour des "bons" mangeurs. 
Si d'aventure la météo promet du beau temps, nous vous conseillons fortement de réserver si vous désirez déjeuner “sur l'herbe”. Le Vieux port est une adresse que nous vous recommandons donc fort logiquement en lui octroyant une bien belle fourchette en argent.

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : passable
Service : bien • Qualité des plats : très bons
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent


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Le Zamalak
[Visite en septembre 2012]


Aujourd'hui, arrêt dans la bourgade en expansion de Saint-Gilles-les-Hauts. Suite à nos navigations sur le web, nous avions découvert le Zamalak, établissement tenu par un dénommé Doki-Thonon. Le patronyme, connu dans le milieu des gastronomes péi, nous a fait dresser le sourcil gauche, celui qui veut dire « tiens, intéressant ! ». Ça, et le fait que l'établissement soit crédité de commentaires élogieux par des internautes visiblement contents du voyage, a fait monter la pression dans notre jauge de curiosité, et, passez muscade, nous voilà déjà attablés au Zamalak, appréciant d'un œil humide l'antique sol ciré au rouge, à la brosse coco d'Ernestine, qui la jouait « Rock around the clock » sur les bords. Un peu à l'écart de la traversante du village, l'endroit est vaste. La salle étale pour l'heure une trentaine de couverts, très espacés, un bonheur pour les enrobés (dont nous sommes), et les familles aux enfants remuants (idem). Autant de places en terrasse, à côté du comptoir. Tout cela est pour le moins coloré. Le mélange de la tradition avec ce côté « snack de plage » donne au lieu une certaine personnalité, et l'on s'y sent bien. L'accueil est au diapason : courtois, sympathique, détendu. La carte affiche des salades, quelques plats d'inspiration métropolitaine et nos caris habituels, plus deux, que nous avons rarement vus jusqu'ici au menu des établissements que nous avons visités, et que nous nous faisons conséquemment un devoir de commander : un rôti de porc et une pintade à la vanille.
En guise d'apéritif, nous nous autorisons un ti'punch, avec la mère Modération qui ne nous quitte pas d'une semelle. Nous nous l'envoyons doucement derrière la cravate, et l'odeur sucrée du rhum citronné se mélange avec celle, ambiante, du bois de la case, nous catapultant dans un passé créole pas si lointain. Il ne manque plus que le père Dédé à la radio, avec un air des Jokarys ! Nostalgie quand tu nous tiens... Les salades, posées sur une table voisine sont conséquentes. Et nos assiettes ne le sont pas moins. Ce ne sont pas tout à fait des portions pour dockers, mais pas loin.
Riz, caris, nos bons vieux pois du Cap, parfaits pour la musique de chambre qui fera plaisir à madame, et trois rougails. Tout y est. Enfin... tout, non : toujours pas de brèdes à table mes enfants ! Un gros samedi forain à Saint-Paul, et avec un marchand de légumes à deux cent mètres de là, saperlipopette ! Il faudra un jour qu'on nous explique cet embargo quasi-général sur les brèdes dans nos restaurants ! Sont-ce les prix ? La conservation ? La demande insuffisante de la part des clients ? Nos colonnes sont ouvertes à qui voudra éclairer notre lanterne. Nous attaquons.
Avant de commencer, un point : nous ne courons pas derrière la pintade. D'abord parce que ça doit courir vite, ces machins-là, et surtout parce que la viande a un arrière-goût spécial qui ne nous sied guère, mais c'est très personnel ! Pourquoi donc le préciser ? Parce que la pintade s'est avérée sympathique. A l'aspect déjà, et surtout à l'odeur. Les effluves de sauce réduite, de caramel et de fumée de feu de bois entonnent un « alléluia » dans nos narines extasiées. Le palais est aussi satisfait : viande cuisinée à la perfection, pas trop sèche. Petit os imprégnés de sauce dont nous nous délectons lentement. Morceaux de gousses de vanille que nous croquons délicatement afin d'en extraire la fine pulpe et en mélanger la saveur avec celle, parcimonieusement sucrée, du cari. Flash-back. Ernestine, jupes retroussées dans la poussière de décembre, court derrière la pintade, grand couteau à la main.
Le charme retombe un peu avec le rôti. Il était bon, doré et tout, ce serait mentir de dire le contraire, mais sans attrait particulier. Pour le coup, nous avons trouvé qu'il manquait un peu de parfum, même le persil fané dessus était éteint. La viande, pas trop sèche et aux bords moelleux, était tout de même correcte, nous présentant sa petite amertume du fond de marmite. Une ou deux gousses d'ail piquées dedans auraient fait notre affaire.
Les rougails s'en sortent pas mal, le citron devant. Il s'est bien marié avec le sucré-salé de la pintade. Le rougail tomate était acceptable. Le rougail dakatine, lui, était fade. Bon point pour les pois en crème. Le riz était un tantinet collant. On aime ou pas, sans commentaire donc.
L'addition se monte à 28 euros pour deux plats et un apéritif. Un tarif très honnête, l'un des meilleurs rapports qualité-prix de cette rubrique. Voici donc une escale intéressante et pas chère, sur la route de l'Ouest et du Sud, au lieu de vous précipiter sur la route des Tamarins bille en tête à midi tapante. Quelques tournants et vous y êtes. L'occasion de faire une pause déjeuner sympa et conviviale. Le cadre est « roots » et ensoleillé. La cuisine y est perfectible mais déjà très correcte. Un effort serait peut-être à faire sur les accompagnements, mais pour le prix, il serait inconvenant d’être trop exigeant.
Le Jamalac est un de ces fruits rares et mal aimés qui ne s'apprécie vraiment qu'à complète maturité, quand sa couleur tutoie le rouge cramoisi, si bien entendu les oiseaux vous laissent quelque chose ! Question de maturité peut-être : ce ne sera pas la fourchette d'or cette fois-ci pour le Zamalac. Celle-ci demeure toutefois largement accessible, mais en attendant, c'est une bien belle fourchette en argent que nous décernons à ce resto-midi de Saint-Gilles-les-Hauts.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : perfectible
Service : bien • Qualité des plats : bons 
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

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Le Vieux Domaine (2)
[Visite en août 2012]


C'est à la fin du mois de juillet 2011 que nous avions testé le Vieux Domaine à Saint-Benoît. Nous avions été passablement déçus. Les plats étaient quelconques et nous avions eu une nette impression de laisser aller, à l'image des anciens bâtiments décrépis de feu l'hôtel Harmony.
Depuis  il y a eu un changement de propriétaire, plus un cuisinier en renfort. Des raisons suffisantes pour que nous y retournions y mettre le nez, histoire de voir si le contenu des assiettes avait évolué.
A la carte : plats métros dont des poissons, de l'aile de raie à la légine en passant par le saumon ; et les plats créoles traditionnels : civet zourite, massalé cabri, civet de patte cochon au vermouth, cari camarons et cari poisson rouge... Les entrées, appelées « mises en bouches » sur la carte, consistent en diverses préparations alléchantes, comme la salade de chèvre Takamaka, la « roulade de saumon fumé et sa crème parfumée aux agrumes », et le « mi-cuit de foie gras poêlé sur dès d'ananas et sa rosace de pommes fruit ». Les tarifs « des mise en bouches » s'étalent entre 9 et 19 euros. Nous les zappons, tout bonnement, et commandons direct le civet de patte cochon (18 euros), et la Légine (22 euros). Nous soupçonnons déjà une addition un peu raide.
Nous ne savons pas encore s'il y a eu du changement gustatif mais constatons une nette embellie des tables, certaines garnies de jolis bouquets. La vaisselle est toujours simple mais classe. Les napperons rouges apportent une touche de couleur vivifiante à l'ensemble. Des tableaux ornent les murs, accompagnant la grande fresque du Vieux domaine. L'ensemble, et le personnel, a l'air plus gai.
Le service se montre rapide et attentionné. La légine nous est servie sous cloche, et les caris en marmites traditionnelles. Il y a une nette amélioration au niveau de la présentation.
Les quantités sont correctes, hormis le riz, qui fera l'objet d'une demande de « rab ». En général, quand il manque du riz, c'est parce que les caris assurent ! La légine assure. Les fidèles lecteurs s'en rappellent : nous ne faisons pas folie de la légine. Nous allons quand même nous régaler : celle-ci est tendre et fondante. C'est du filet. Son arôme a gardé des arrières-goûts d'iode océanique des grands froids antarctiques, nous procurant un plaisir ineffable. C'est presque un crime de l'accompagner de cette sauce provençale, par ailleurs excellente aussi. En effet, le caractère franc des tomates rouges-coagulé, et des divers ingrédients qui les accompagnent et qui nous rappelle la ratatouille, semble jouer cavalier seul, éteignant la fragile légine au lieu de la porter et de l'élever comme une jeune fille délicate.
La patte cochon assure davantage. La première bouchée nous ramène au temps lointain de notre visite au QG, à la Plaine des Cafres, et du divin cari la patte que nous y avions dégusté : peau souple, légèrement collante, dorée et luisante. Chair abondante, ronde, tendre. Sauce épaisse, brune, se cachant dans les moindres recoins de cartilage, et nous avons une envie furieuse d'y mettre les doigts. C'est vrai, pourquoi les restaurants ne proposent-ils pas de rinces doigts citronnés avec ce genre de plat ?
Le civet, au vermouth préparé, est donc proprement sifflé. Rien d'étonnant : outre la texture, il est rare de voire un civet aussi courtois et fin pour les papilles, aussi généreux et subtil pour le nez. Les plats au vin rouge sont souvent plus francs du collier. Serait-ce le vermouth, qui, tel le dompteur maîtrisant son félin, laisse ainsi s'exprimer le girofle et le poivre, sans leur autoriser d'excès ?
Les accompagnements sont satisfaisants : des grains blancs en crème, fort goûteux, et des rougails, tomate et citron, équilibrés en piment. Le riz, grains longs, bien détachés, ne fait donc pas long feu.
L'enlèvement des plats peine un peu : il y a pas mal de monde, et deux personnes seulement pour s'en occuper. On s'embrouille à l'arrivée des desserts « faits maison ». Ce sera crème brulée et moelleux au chocolat accompagné d'un sorbet au tangor. Si la crème brûlée est tiède et banale, le sorbet a un goût de pas assez. Le mélange chocolat chaud et sorbet froid ne nous emballant pas, nous les dégustons l'un après l'autre, le chaud d'abord, le froid après... Ce sorbet est une pure merveille : sucré et acidulé dansent la ronde dans nos gencives accompagné de la saveur piquante de l'agrume péi. Une vraie explosion rafraîchissante. Addition : 57 euros pour deux personnes, hors boissons et entrées. Un « ti guine » cher.
Ne tournons pas autour du pot : le Vieux Domaine fait largement mieux que lors de notre première visite. Comme quoi, rien n'est définitif, surtout dans la restauration, soumise comme toutes les activités aux aléas humains. Un cuisinier a le droit d'être fatigué. Aujourd'hui, « ils » (puisqu'ils sont deux) étaient en pleine forme. Tout était très bon, et nous avons senti une motivation et une envie en nette progression, tant dans la qualité des plats que dans l'accueil et le service. Nous n'avons pas encore fait « wouah !» à la dégustation, mais ça y était presque. C'est donc logiquement une très belle fourchette en argent bien méritée que nous délivrons au Vieux domaine, avec nos moults encouragements.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : en progrès • Présentation des plats : très bien
Service : bien • Qualité des plats : très bons
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

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La Marmit' Kréol
[Visite en août 2012]


Aujourd'hui, nous nous arrêtons à la Montagne, dans un tout nouveau restaurant baptisé « La 
Marmit' Kréol », situé juste après la deuxième station service, sur la gauche en venant de Saint-Denis. L'accueil est sympathique et convivial dans une petite salle sans prétention de 28 couverts, un comptoir, des tables et des chaises simples dans le style typique des resto-midi créoles. 
Pas de carte, le menu consiste en cinq plats sur place ou à emporter . Nous nous installons et commandons le poulet au curry et le rougail morue du jour. Les assiettes arrivent : les quantités sont correctes pour un mangeur moyen. L'aspect des grains, peu habituel, nous interpelle. « J'ai cuisiné des vouèmes », nous fait le patron qui nous apprend aussitôt son challenge : préparer des plats avec des produits du terroir peu usités. « Et sans huile... » ajoute-t-il en nous tendant son prospectus où figure un slogan : « cuisine sans huile : adieu le cholestérol ! ».
Depuis que cette rubrique existe, c'est bien la première fois que nous rencontrons un restaurateur soucieux de la santé de ses clients. Pas d'entrées. Nous attaquons aussi sec. Les vouèmes sont délicieuses. Si leur aspect « en grain » nous fait d'abord tiquer, elles s'avèrent fondantes en bouche et exhalent leur saveur typique, entre le haricot rosé et la fève, pour le bonheur de notre palais. La morue en revanche est décevante. Si le poisson est bien émietté, son aspect un peu terne trahit déjà un manque de "croûtage" et de tomates mûres. Gustativement parlant, c'est un fantôme de morue. Nous avons assez vitupéré ici contre les excès de sel pour pardonner aujourd'hui ce cari pour le coup pas assez salé. Mais les autres épices sont aussi en souffrance. Thym, ail, gingembre... aux abonnés quasi-absents. Le poulet au curry est deux tons au dessus. Nous nous y attendions un petit peu : vu le tarif, ce n'est pas du poulet fermier. Il n'empêche qu'il s'en sort plutôt avantageusement. Si on oublie la texture un peu farineuse de la viande, la sauce aux saveurs indiennes se savoure sans faim avec le riz mélangé. Du cotomili frais haché par dessus n'aurait pas été de trop. Le petit rougail dakatine arrange tout cela à merveille, et nous finissons notre assiette sans difficultés.
Mais il reste de la morue. On vient s'en inquiéter. Nous faisons la remarque du manque de « punch » du plat. « J'accepte toutes les critiques constructives pour améliorer les plats » nous dit le patron, l'air décidé. Il est servi. Après le café, nous réglons la note : dix-sept euros avec un coca et une bière. Plutôt honnête.
C'est en famille que le sieur Maillot fait tourner son tout nouveau restaurant. Là où il est placé, juste en dessous des locaux de la police, il y a du potentiel. Si la cuisine est encore loin d'être au top, nous avons ressenti une vraie envie de bien faire, assortie d'idées intéressantes comme l'utilisation de produits frais sortant des sentiers battus et la préparation des plats sans huile. La concurrence étant à proximité, la Marmit' Kréol doit très vite faire la différence. Hélas, compte-tenu de ce que nous avons dégusté, impossible de lui donner autre chose qu'une fourchette en inox, pour le moment. Mais gageons que la volonté de notre chef saura sans tarder faire profiter les montagnards et touristes de passage d'une bonne cuisine créole traditionnelle. Certains plats se vendent déjà très bien. A suivre donc.

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : propre •Présentation des plats : minimale
Service : très bien •Qualité des plats : passables
Notre impression globale : très moyen
Fourchette en inox


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Note août 2013 : Difficile de noter un établissement ouvert depuis si peu de temps. Et en même temps peut-on se montrer indulgent au risque que le chef persiste dans ses erreurs ? Cette fourchette en inox était plus un encouragement qu'une note juste. Du reste nous ne savons pas si ce restaurant existe toujours. Il avait l'air mal parti. L'article a été le prétexte à un débat sur l'opportunité de mettre du safran dans le rougail morue. Les ayatollahs de la tradition crient à l'hérésie. Feu Monsieur Antou, sur son site, s'était montré plus consensuel. Un ancien restaurateur, une de nos "antennes", explique : "normalement on ne met pas de safran dans le rougail morue, sa couleur doit venir des tomates, que l'on doit choisir bien mûres (ce qui peut donner parfois un arrière goût sucré). En revanche, si les tomates ne sont pas assez mûres, il n'est pas interdit d'en mettre un peu pour donner de la couleur."
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Le Temps des Mets
[Visite en août 2012]


Aujourd'hui, nous mettons les pieds sous la table d'un restaurant gastronomique, ou en tout cas qui l'affiche comme tel  : «Le temps d'mets» à Saint-Denis, rue du Général de Gaulle. Installé en lieu et place d'un ancien restaurant chinois, et refait à neuf, il fait l'angle avec la rue Jules Auber. Sur sa devanture on peut y lire «  nouveau chef disciple d'Auguste Escoffier  » (vous m'en direz tant  !) et la formule du midi à 20 euros.
La salle, grande et parfaitement insonorisée – nous sommes très près de l'une des artères de Saint-Denis – est sobrement décorée, dans un style tendance dépouillé bleu caca d'oie. Nous sommes accueillis princièrement par un personnel souriant et très attentionné.
La carte fait la part belle... au vin  ! Amateurs de ce breuvage érigé en monument de la gastronomie française vous serez servis  : quatre pages vous proposent pas moins de 29 bouteilles, et pas du gros rouge qui tache, s'il vous plait... mais pour la modération, tout seul ou en couple, il faudra vous contenter d'un service au verre. Point de demi-bouteille à la carte (excepté une). Donc tarif plein pot quasi obligatoire. Pour ce qui est des plats, des entrées au dessert, on est clairement dans une tendance métropolitaine avec quelques plats locaux dans les suggestions du chef, sur lesquels nous fixons notre attention. L'ambiance est détendue. Les quelques clients déjà présents n'ont pas le petit doigt en l'air, mais nous croyons reconnaître un «  gros  » patron de la place aux entournures laissant présager d'un penchant certain pour la bonne chère. C'est encourageant.
Hum... (prendre la voix d'Edgar dans les «  Aristochats  ») nous commencerons par un «  croustillant d'espadon et légumes grillés à l'huile d'olive vanillée et tamarins  » (affiché «  dorade  » sur la note, allez comprendre) assorti d'un «  carpaccio de magret de canard au café, marmelade à l'orange et blinis  ». Tout le reste est dans le même genre. Ce n'est plus un menu, c'est une chanson de geste.
Plus sobrement, on poursuivra avec un civet de cerf pays, affiché à 21 euros  ! Du cerf de chez Escoffier... que voulez-vous  ! Plus un sauté de bœuf au palmiste frais, 22 euros quand même, oui madame. Il a fichtrement intérêt à être bon, le cerf  ! La chasse est ouverte.
Le temps que les entrées nous soient servies, nous dégustons un excellent et très rafraîchissant jus de fruits frais, où nous identifions de l'ananas et de l'orange, l'ananas ayant été mixé avec des feuilles de menthe. Un bonheur de cocktail. Puis, arrivée de l'espadon et du carpaccio. Ce ne sont plus des entrées, ce sont des œuvres d'art. La présentation en met plein la vue. Et nous comptons, parmi nos légumes plus sautés que grillés au final, trois petits cigares de croustillants. Comme dit le créole  :   «  ben mounoir, na point pou tuer  ». (traduction : ben mon vieux, c'est pas la quantité qui va nous tuer).
Mais n'oublions pas que nous déjeunons chez un disciple d'Escoffier... nous sommes là pour gastronomiser, nous gastronomisons  ! Et les croustillants sont à la hauteur. Croûte légère, poisson parfumé et moelleux et une petite surprise intéressante avec une touche de basilic. Les légumes, pour leur part sont bons  : ti brèdes, carotte, navet et des oignons verts en déco, mais rien d'extraordinaire à priori dans «  l'huile d'Olive vanillée et tamarins  » dont les saveurs jouent à cache-cache.
Le carpaccio est délicieux mais un peu salé, et la marmelade à l'orange présente des morceaux d'ananas. Les deux mélangés trouvent un équilibre convenable, et la saveur du café soutient tout cela élégamment. Heureusement que les blinis viennent nous remplir la bouche, histoire de nous donner l'impression que nous mangeons quelque-chose. Si savoureux soit-il, le carpaccio est tellement fin qu'il n'a qu'une face, et en bouche il s'évapore  ! Et son souvenir avec.
Pause. Plats enlevés. Questions sur notre appréciation. Nous devisons avec le personnel sans ronds de jambes ni mots ampoulés. Et voici le cerf et le bœuf, présentés dans de la vaisselle originale, accompagné de riz servi dans l'assiette et de rougails tomates dans des verres où on aurait plus tendance à mettre notre bon rhum local. Pour la quantité, cela paraît juste au niveau du riz, mais le service prend les devants en nous proposant du «  rab  » si nécessaire. Du riz standard, à vue de nez, soit-dit en passant, sans parfum ni saveur, accompagné de lentilles lambda. Le civet de cerf nous surprend d'abord car... un peu trop salé. Mais cela reste encore dans les limites du tolérable, surtout en le mélangeant au riz. La chair est tendre, moelleuse ou légèrement sèche selon les morceaux, bien imprégnée du vin, lequel est très efficace pour assagir et bonifier le côté un peu «  gibier  » du cerf. La sauce aurait été parfaite si ce n'était ce sel, trop dominant. Gageons que les amateurs de sel y trouveront leur compte, mais rappelons tout de même que le sel est un exhausteur de goût, qu'il est indispensable à l'organisme mais qu'en abuser finit par tuer la saveur de l'aliment, et tuer le mangeur aussi au bout du compte, car il favorise l'hypertension. Cette petite parenthèse diététique refermée, goûtons voir au bœuf.
Le bœuf sauté au palmiste est à l'image de l'entrée au croustillant  : il veut en mettre plein la vue. Mais c'est sur-vendu, limite attrape-couillon, sur les bords. En effet, si la viande, sautée à la chinoise, dans sa sauce épaisse qui l'entoure comme une deuxième peau, fleure bon les aromates asiatiques, siave, sauce d'huitre et autre condiments exotiques... le palmiste frais a moins de goût que des pousses de bambou qui auraient pu faire l'affaire. Déjà, le palmiste en lui-même a une saveur si délicate que pour vraiment l'apprécier, il faut le manger cru, juste après avoir été coupé si possible. On ressent alors son petit côté acidulé et légèrement lacté. Dans le sauté du disciple, le palmiste, bien que présent en quantité correcte, fait de la figuration gustative. Seul son croquant présente quelque intérêt, associé à la texture un peu collante de la viande. C'est juste pour dire que c'est un plat au palmiste, et justifier le prix.
Un mot sur le rougail  : à déconseiller aux mauviettes. Débouchage de sinus garanti. Mais là encore, un peu trop salé. Nous terminons par un café gourmand et un dessert aux fraises simplement appelé «  douceur de fraise combava  » avec des fraises, acides, de la crème, sucrée, et du combava, pas trop agressif et qui tire son épingle du jeu. La coupe terminée nous laisse avec le goût de fraise en bouche et l'odeur de combava dans les narines. Pas mal. L'addition chez le disciple d'Escoffier est sévère: 103 euros, de l'apéritif au dessert, hors boissons (le verre de vin est à 9 euros !). Autant dire qu'à la carte, c'est un peu chaud.
Si la qualité globale est correcte, de notre point de vue elle ne justifie pas les tarifs pratiqués. Certes, les emballages sont jolis  : la présentation des plats est soignée et le service est professionnel, mais tout cela n'est que poudre de perlimpinpin, esbroufe, et bluff, assez pour en mettre plein la vue à la bourgeoise au premier dîner (Le Temps d' mets, vous pensez!). C'est tout un art de faire passer de la bonne cuisine - car cest de la bonne cuisine - pour de la préparation de grand chef, tout en maitrisant les coûts pour optimiser les bénéfices. Bien sûr, c'est de bonne guerre, mais ici c'est tellement voyant que cela en devient grotesque. Point de fourchette d'or pour le Temps d' mets. Le disciple d'Escoffier se contentera de notre fourchette en argent, et c'est déjà bien. En toute humilité il va sans dire.

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : superbe
Service : très bien • Qualité des plats : bons
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

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Note août 2013 : Deuxième restaurant gastronomique testé après La Cour Grenad'inn, à Saint-Pierre. 
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Ti Resto Lontan
[Visite en août 2012]

Aujourd'hui, nous débarquons sans tambours ni trompettes à la Plaine des Cafres, au Ti resto longtemps, situé pile en face de la maison du volcan en plein travaux. La salle, d'une cinquantaine de couverts, est décorée très simplement. Les tables sont agrémentées de véritables orchidées en pot, pour la touche authentique. Nous arrivons au beau milieu d'une trouée de soleil, et la température, très supportable est tout de même assez fraîche pour nous fouetter les sangs et nous ouvrir l'appétit. Ça tombe bien, la carte, essentiellement créole, est assez engageante. Ainsi, parmi les entrées on nous propose divers gratins (pommes de terres, chouchou, palmiste, bois de songe...) et des salades variées, chaudes ou froides. La liste des plats, outre les classiques, affiche quelques préparations plus ou moins inédites comme le poulet au coco ou une poêlée de crevettes au palmiste. Le poisson n'est pas en reste avec divers plats à base d'espadon, et on y trouve du camaron cuisiné à toutes les sauces (ou presque). Nous entrons donc et sommes accueillis avec le sourire par une sympathique demoiselle, qui ramène aussitôt la carte, collée au fond de vanes. Présentation jamais vue. Un point pour l'originalité.
Notre choix se portera d'abord sur un gratin de bois de songe et un foie de volaille à la crème et au vinaigre de framboise, que suivront un poulet palmiste (précisés fermier et frais), et un cari boucané baba-figue. La salle se remplit doucement de locaux autant que de touristes, tandis que nous sirotons notre apéritif avec modération. Pour une fois nous avons choisi un porto, et nous ne le regretterons pas. Les entrées sont là au bout de dix minutes, la présentation est correcte.
Et plus que correct sera le foie de volaille ! L'affaire est chaude, délicatement parfumée (étrangement il y a comme une humeur de figue), et donne toute sa mesure en bouche : onctuosité au début, velouté à la fin. La crème où l'on devine une pointe de moutarde danse la valse avec la saveur délicate du foie sublimée par la légère acidité du vinaigre de framboise avec lequel, nous le supposons, l'abat été déglacé. Et c'est là que le fond de porto entre en scène : juste magnifique. Il s'entend avec le foie comme larron en foire. Une gorgée, une bouchée, un morceau de tomate frais à la fin pour « claquer » tout ça et nous voici souriant béatement en repoussant l'assiette proprement nettoyée.
Le gratin joue dans la même cour. La béchamel, moelleuse, délivre finement sa partition au fromage. Ce dernier n'est pas trop agressif et laisse le bâton de songe s'épanouir. On y retrouve, sur la fin, en pointillé, le goût de fumé un peu âcre du légume qui donne au plat toute sa personnalité.
Un peu d'eau (que nous devons réclamer) pour rincer tout ça et calmer les papilles, quelques minutes d'attente, puis les caris arrivent, servis à l'assiette, excepté le rougail de courgettes et les grains blancs. Les portions sont correctes. Quelques brèdes viennent donner une touche de vert, mais il semble qu'elles ne soient là que pour la couleur, car en trop petite quantité.
La couleur du poulet, elle, est satisfaisante, ainsi que son fumet. Le premier coup de dent confirme la qualité « fermière » annoncée sur la carte, mais révèle aussi une chair trop blanche et plutôt sèche dans l'ensemble. Fort heureusement, le cari est parfaitement exécuté, tant dans son aspect que par l'odeur qu'il dégage. Et si la texture pêche un peu, le plat reste très bon, avec ses morceaux de palmistes goûteux et d'une légère acidité.
Enfin, le boucané baba-figue fait merveille. Point d'acidité ici, dans les bouchées de baba : cool ! La fleur de bananier en fines lamelles s’emmêle et fond lentement sous la dent. Le boucané, très équilibré pour ce qui est du gras, a distribué généreusement son parfum au fond de la marmite pour ce mariage réussi avec le baba, tout à fait dans la grande lignée de la tradition créole. Sur ces hauteurs chantantes du Sud, on entendrait presque la mère Turpin, Ethève ou Dijoux hurler de la case : « Ernestiiine ! » « voui ma mèèère !» « allé rode baba dan' fond pou câri onze heeeure ! Et trap-lo-lave-riz-casse-bois-allume feuuuu ! » On se réveille. Les desserts. Finissons en beauté ce repas. Se sera crème brûlée et gâteau ti son. Une crème brulée flambée au vieux rhum, tiède, délicate, douce comme une fiancée de huit jours enchantera notre palais. Le gâteau ti son est dans la lignée du baba ci-dessus dégusté : conforme à la tradition, c'est à dire succulent mais étouffe-chrétien. Cela a été parfaitement atténué par la présence de crème et de chantilly : c'est bien vu ! Addition : 50 euros pour deux personnes, hors boissons. Nous repartons repus et satisfaits.
Le Ti'Resto Lontan affiche clairement son attachement à la tradition culinaire créole « au feu de bois » et ce n'est pas de la publicité mensongère. Même si tout n'est pas encore parfait, (une volaille « la cour » nourrie au maïs et autres produits naturels aurait été la bienvenue) le moins qu'on puisse dire est qu'on s'y régale. Le chef ne se contente pas de respecter ses classiques, il innove aussi, par légères touches, prudemment. Ouvert depuis un an et demi, Le Ti' Resto Lontant, s'il n'en a pas l'air extérieurement en revendique en tout cas l'esprit, et nous l'y encourageons fortement en lui décernant une jolie petite fourchette en or !

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
Notre impression globale : très bonne table
Fourchette en or 

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L'Etoile de Mer
[Visite en juillet 2012]

C’est un peu par accident que nous débarquons aujourd’hui à l’Etoile de Mer, au Cap méchant. En effet, notre destination d’origine était Vincendo, mais le restaurant que nous devions tester (recommandé par un fidèle lecteur)n’ayant aucun plat créole au menu ce jour, nous avons poussé un peu plus loin. On ne présente plus le Cap méchant : ses vacoas, sa pelouse épaisse, sa mer d’un bleu intense, ses pique-niqueurs du dimanche, ses balades sympa et sa dame exentrique bien connue des riverains et des visiteurs qui poursuit les gens en déblatérant des insanités bibliques, ce dont, visiblement, les autorités n’ont cure. On nous accueille aimablement dans une gigantesque salle toute de bois décorée où nous comptons pas moins d’une centaine de couverts. La grande baie vitrée permet de profiter du décor, qui nous invite déjà à une belle promenade digestive.
 A la carte : rougail saucisse, cari poulet et cari canard (au feu de bois), camarons, langoustes, bichiques (congelés bien sûr) et poisson rouge (tout frais) sont de la fête. Une très nette tendance maritime donc. Nous décidons de tester le cari de poulet, plus un civet zourite, qui est en plat du jour. Inutile de préciser que le poisson et les langoustes flirtent avec les 30 euros voire plus, et que les bichiques, vendus en double portion, tutoient presque les 50 euros.
Double portion obligatoire également pour la salade de palmiste de rigueur sous ces latitudes saint-philippoises. Nous resterons sages avec des entrées plus abordables : un gratin de palmistes et des beignets de poisson. Le temps de retourner des commodités (fatiguées, les toilettes), les beignets sont là, tout chauds. Et pas mauvais, en fait, même si nous nous attendions à quelque chose de plus proche des accras, on devine le goût de poisson sous la couche de mie de pain. Ils ne sont pas trop gras, ce qui n’est déjà pas si mal. Le gratin est beaucoup mieux. Béchamel onctueuse et bien veloutée, fromage gratiné doré comme il faut, et qui, malgré son arôme tyrannique, laisse quand même le palmiste s’exprimer. De douces lamelles fondantes au fumet délicat. Pas mauvais début, voyons voir ce que nous réserve la suite. Voici venir le poulet, jaune et la zourite, en rouge foncé. Et là...patatras !
Si le gallinacée est visiblement de la race des bouffeurs de vers de terre, nourri aux galets de la cour, (fermier, donc), si l’odeur qu’il dégage s’approche de la déontologie culinaire créole 100% pure tradition feu de bois, et s’il baigne dans une sauce en raisonnable quantité, de quoi colorer le riz juste ce qu’il faut, le plat, misère, s’avère épouvantablement salé. De quoi faire marcher un hypertendu au plafond. Même le riz ne parvient pas à faire « passer » le sel. Nous nous rabattons sur le zourite. Belote, et rebelote ! Salé itou, le mollusque, et pour le coup la saveur caractéristique du civet passe aux oubliettes, adieu girofle, vin, et autre laurier. Le seul goût qui persiste est celui, amer, des épices un peu attachées au fond, relevé, hélas, par le sel. Dommage car le zourite était bien tendre. L’excentrique iconoclaste citée plus haut vient juste à ce moment nous casser les oreilles avec ses boniments. Au lieu de la repousser gentiment et de fermer la porte, le personnel, blasé, nous sort un « on ne peut rien faire».
Seul le plat de lentilles, qui sent bon le thym et l’oignon roussi nous console un peu en atténuant ce couple de salaisons. Un maigre rougail fait de la figuration. Tomates trop mûres ou trois jours de frigo, ou les deux, l’accompagnement présenté comme « pimenté » ne ferait pas peur à un palais de marmaille zoreil tout juste sevré. Au traditionnel « ça c’est bien passé ? » de fin de service nous interrogeons l’employé au sujet des éventuels émois galants du cuistot. « C’était trop salé ? » , un peu ! « Il fallait nous le dire, on aurait renvoyé les plats et servi autre chose ». Oui, on aurait pu, mais c’est trop tard !
Une crème brûlée de ce matin ou d’hier, chaude dehors, froide dedans, vient clore toute cette affaire.
Addition : 50,50 euros pour deux personnes. Hors boissons (offertes par geste commercial). Bon tarif mais nous avions jadis mangé mieux dans cet établissement.
L’Etoile de mer n’est pas une mauvaise table en soi. Ce n’était sans doute pas son jour, mais il semble quand même que la qualité des plats soit un peu expédiée. Le côté cantine y est certainement pour quelque chose, pourtant, il n’y avait pas grand monde aujourd’hui. Aucune excuse donc pour ne pas prendre le temps de bichonner les mets. Un peu de persil sur le zourite, par exemple. Un tapis de salade sous les beignets. Un autre rougail. Des brèdes (là on en demande trop!). La présentation des plats est plus que minimaliste, c’est presque un manque de respect du client. Si en plus le sel avait été mieux dosé, on aurait même chanté un cantique avec l’autre phénomène qui voit le diable partout. Diablement moyen tout cela, oui. Ce qui explique, hélas, la fourchette en inox plantée dans la carte de l’Etoile de mer.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : nulle
Service : moyen • Qualité des plats : moyen
Notre impression globale : moyen

Fourchette en inox

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Le Luxor

[Visite en juin 2012]

Aujourd'hui, direction La Possession, au Luxor, situé presqu'à l'angle des rues Leconte Delisle et Sarda Garriga, au rez-de-chaussée d'un immeuble. L'extérieur est assez impersonnel. L'intérieur est assez chic, pas ostentatoire, mais un peu froid. La grande salle de plus de 80 couverts s'ouvre à l'arrière sur une terrasse au moins aussi vaste, pour les jours de grandes chaleurs. Nous sommes accueillis par un grand gaillard « tête prop », le sourire jusqu'aux oreilles, répondant au patronyme d'Etienne, qui nous propose derechef une place en face du bar. Un tableau à la craie nous indique qu'en semaine, entrées et plats sont à 20 euros. La carte est assez variée : entrées chaudes et froides, salades élaborées, des grillades en-veux-tu-en-voilà, légine et camarons pour les amateurs et même des pâtes fraîches. Six plats créoles sont au programme, rien que des classiques (civet canard, massalé cabri, rougail saucisse, etc.) sauf une originalité baptisée « rougail cousins », dont nous nous enquérons aussitôt de la composition. « C'est un rougail morue, snoek et hareng, les trois mélangés » nous informe le responsable de salle Etienne avec un hochement de tête révélateur. Bon, pourquoi donc hésiter encore ?
Nous choisissons un croustillant de chèvre pour commencer le repas, en nous rappelant le souvenir du sublime soufflet du Val Fleuri, testé l'année dernière. Les clients arrivent au fur et à mesure, reçus avec grande courtoisie par le personnel. Quelques minutes d'attente à apprécier les olives pimentées et voici notre entrée qui arrive. Les pavés de fromage panés reposent sur un lit de laitue et de tomates coupées en cube, avec des morceaux d'oignons dorés à la poêle par-ci-par-là. De but en blanc, le chèvre apparaît d'une consistance un peu épaisse, mais on s'habitue assez vite car le croustillant dont il est recouvert procure de belles sensations sous la dent. L'arôme de caractère du fromage nous emporte les papilles que nous rassérénont avec les quelques verdures assaisonnées raisonnablement, encore que nous aurions à redire au sujet des oignons un peu trop salés. Certaines rumeurs courent qu'il ne faut jamais manger la décoration d'un plat car certains cuisiniers peu scrupuleux, par paresse ou par économie, les utilisent plusieurs fois. Ici, quelques lamelles de poivrons font office de garniture, et nous avons non seulement constaté que celles-ci étaient parfaitement fraîches, mais aussi qu'il eût été un crime de les laisser pour compte. En effet le mariage du poivron et du chèvre s'est révélé particulièrement intéressant.
Notre assiette finit par se retrouver aussi lisse que le crâne de notre hôte. Nous avons certainement une haleine de bouc, mais le contentement nous envahit déjà.
Quelques minutes plus tard, les « cousins » se pointent, courage. N'importe quel Réunionnais saurait distinguer les yeux fermés un rougail morue et son pendant au snoek, comme sa femme et sa belle-mère. L'une douce, attentionnée et pimentée à l'occasion, l'autre plus acariâtre et franche. Imaginez un mélange des deux.
Dans le rougail « cousin » du Luxor, la morue mord, le hareng sort, et le snoek ressort. Peu de traces en effet du cousin hareng, tellement les deux autres partagent leurs saveurs pour notre plus grand plaisir. Le plat est sans sauce, comme l'orthodoxie l'exige ; les chairs sont émiettées très finement ; le parfum du fond de «croûtage » de marmite s'installe dans le nez ; la discrète acidité des rares tomates relève doucement la saveur unique de ce mariage réussi, où, nous le supposons, on a quand même privilégié la morue. A part égale, le snoek aurait tendance à la ramener un peu trop souvent, comme belle-maman. Tout cela est déjà très bien, mais imaginez notre surprise quand nous vîmes le condiment qui accompagnait les « cousins » : un rougail margoze !
En voilà un qui se fait très rare dans les restaurants, et pourtant... Le margoze, amer, on aime ou on déteste. C'est le genre de condiment à ne pas introduire dans une conversation, mais dans le rougail « cousins », nous l'y avons introduit intégra-lement. Signalons au passage qu'à notre grand désappointement, le margoze était présent en quantité ridicule. Cela ne l'a pas empêché de faire danser les cousins comme un DJ dans une boîte branchée. Mélange détonnant en bouche garanti. Les pois du Cap ne sont pas en reste. Bien crémeux, ils sentent aussi les épices roussies de la marmite, avec un soupçon de thym, sans conteste parmi les meilleurs que nous ayons mangé jusqu'ici.
La vaisselle vide est emportée. Nous terminons par un moelleux au chocolat, petit caprice cacaoté que nous jugeons à même de mettre un point final au repas. Armé d'une boule de glace à la vanille et d'amendes grillées, le moelleux s'acquitte de sa mission à la perfection, avec une mention spéciale pour ne pas être trop sucré. Peut-être manquait-il une feuille de menthe ou deux. Bon point pour le service qui a anticipé notre soif en nous proposant de l'eau bien fraîche avec ce dessert. Addition : 41 euros, entrée-plat-dessert pour une personne hors boissons. Un peu chaud quand même.
Le Luxor a réouvert récemment, et visiblement, il met le paquet. La cuisine est de haut niveau, le service est courtois et efficace, la présentation des plats est soignée. Qu'attendre de plus d'un restaurant? Vous y passerez un agréable moment à n'en pas douter. S'il y avait quelque chose à reprocher au Luxor, se serait son emplacement, et peut-être ses tarifs. Ce genre d'établissement aurait toute sa place au cœur d'un vaste jardin ombragé dans une case créole, et pas dans un bloc de béton impersonnel. C'est peut-être ce qui manque aussi au Luxor, un peu plus de tradition créole authentique y compris aux fourneaux (et un peu plus de plats typiques aussi) pour obtenir la fourchette en or, mais il n'en est pas loin. Nous gratifions donc ce restaurant possessionnais d'une très belle fourchette en argent.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons
Notre impression globale : bonne table

Fourchette en argent

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Chez Alice

[Visite en juin 2012]

Aujourd'hui, nous voilà partis dans le cirque de Salazie, berceau des chouchous, des cascades, du pisse-en-l'air et des Sisahayes. Et c'est à Hell Bourg que nous nous arrêtons pour déjeuner. Entre les restaurants, les snacks et autres tables d'hôtes alentours, ce n'est pas le choix qui manque pour satisfaire un appétit aiguisé par l'air vivifiant de ce charmant petit village lové au creux d'une végétation luxuriante. Nous choisissons d'aller tester la table de Chez Alice, établissement connu de la place qui propose aussi des chambres.
En passant, nous faisons connaissance avec le sieur Philippe, vendeur de légumes bon pied bon œil, qui se trouve avoir le verbe loquace en matière de chouchous ! «Comment ou aime mangé le chouchou ?»
« Ha ça ! Répond l'homme, Mi préfère le p'tit chouchou-cannette, bouilli, avec un ti grain d'sel, a là mon naffair ! Sinon vi peu mange a li avec sucre aussi. » 
« Bon, et en plat ? »
« Ah, ben en daube ! Vi met in tit peu zoignon, l'ail, thym,sel, avec un peu de quatre-épices » (tiens, ça c'est original ! On va essayer!).
Après cette conversation avec Philippe, not' bouche i fé d'l'eau. Alice, nous voici ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que le restaurant est agréable et confortable, divisé en deux grandes salles. Plantes vertes, bois, avec des tables aux napperons jaunes posent un décor accueillant.
La carte que l'on nous dépose présente les atouts touristiques du cirque, puis un menu à dix-neuf euros avec deux entrées et deux plats au choix. L'essentiel de l'offre à la carte est créole (du cari de poulet au civet de lapin en passant par le cari de poisson). Concernant les entrées : quatre salades, et trois préparations au chouchou : daube, tarte et gratin. Des samoussas et des bouchons, servis par quatre, sont aussi facturés comme des entrées, à 1,60euros ! Pas de petites économies chez Alice ! Des amuses-gueule ordinairement offerts ailleurs.
Notre choix est fait : ce sera gratin et daube de chouchou, puis cabri massalé et ti Jacques-boucané.
Le personnel s'active avec dextérité auprès des clients déjà arrivés. En attendant, nous sirotons un excellent jus de goyavier frais, qui sent encore la rosée du matin, et un « ti-punch » bien citronné qui nous rince les gencives avec modération, tutti et quanti.
Les entrées débarquent, et le bal commence...mal. La daube de chouchou, présentée à l'assiette avec quelques crudités qui font pitié est parfaitement quelconque. Nous avions pourtant levé un sourcil de satisfaction à la première bouchée, le morceau était frais et parfumé. C'était bien le seul. Les autres, coupés gros, sont un peu farineux... et sans autre saveur que celle de l'ail, et du persil haché dessus. L'ensemble est convenable mais nous nous attendions à beaucoup mieux.
Le gratin, pour sa part, est une catastrophe. C'était pas son jour il faut croire. Les morceaux de chouchous nagent le cent mètres dos dans de la flotte parsemée de béchamel sans goût. Le fromage lui-même est d'une pâleur de tuberculeux. La vague saveur de gratin est quasiment fantomatique. Y'a de la fourchette en inox dans l'air. Nous prions pour que la suite soit plus à la hauteur. Et les petites marmites arrivent (présentation pratique mais qui ne font plus s'extasier que les touristes tout frais).
Nous attaquons le cabri massalé. Première impression : nous sommes bien loin du cabri massalé pur malbar, celui qui transforme votre palais en piste de danse des épices, qui vous envahit les sinus du parfum de coriandre, de cumin, de graine de moutarde mélangées et qui vous arrachent des larmes qui sentent le piment. Non. Ici nous avons droit à la partition sage d'un massalé furtif, mais qui a gardé quand même assez de goût pour mériter son nom. Détail : une feuille de quatre-épices flotte dans l'abondante sauce en compagnie de rares feuilles de caloupilé. On repense à l'ami Philippe et sa recette. La viande est bien tendre, mais ils auraient dû nous fournir un égouttoir pour l'attraper dans la marmite ! Au final, le cari s'avère plutôt bon, mais pas extraordinaire.
Le Ti'jacques boucané arrive comme la cavalerie, John Wayne en tête, pour sauver la veuve gratin et l'orphelin massalé !
Comment dire ? Au premier humage, nous comprenons tout de suite que le plat est de haut niveau.
Notez que nous avion précisé vouloir déguster un Ti-jacques boucané et pas un boucané Ti-jacques ! On veut manger du Ti-Jacques, du vrai, du cueilli au tronc de l'arbre, du battu à la main par grand-mère avec sa bouteille d'huile de tournesol à côté « à cause de la colle ». Et là, les amis, on en a (enfin) eu pour notre argent. Les fines lamelles du fruit sont gouteuses, avec un léger arôme fumé, et fondent sous la dent. Le tout est sec comme un cari bichique, et pourtant juste assez gras pour glisser sous la langue et vous procurer un frisson de plaisir, tant et si bien que nous apprécions la dernière bouchée sans riz, « tel », en remerciant le ciel d'avoir exaucé notre prière.
La suite se résume à une tarte au coco, correcte, et accompagnée de fruits dont un quart de goyave rouge. Fin du bal : l'addition s'élève à 43 euros, hors boissons, pour deux personnes.
On n'est pas passé loin de la catastrophe chez Alice, victime, sans doute du « syndrome du touriste couillon » (l'étranger ignorant qui trouve un plat bon, quand le créole du terroir jugera le même plat moyen, parce qu'il a la culture et l'expérience nécessaires), syndrome dans lequel sont plongés jusqu'au cou nombre de restaurants ayant pignon sur rue, dont certains ont été testés ici il n'y a pas longtemps. Pas facile de recevoir tout ce monde et de garder la qualité et l'authenticité créole au fond de sa marmite. Même si certains nous trouvent un peu « durs » dans cette rubrique, nous restons conscients que le métier de restaurateur n'est pas de tout repos, quand on veut le faire bien, et avec passion. Il peut y avoir des couacs. Aujourd'hui l'excellent Ti-jacques boucané de chez Alice l'a sauvé de la fourchette en inox. Ce sera donc une fourchette en argent, pour ce sympathique restaurant de Hell Bourg.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : moyens/bons
Notre impression globale : bonne table

Fourchette en argent

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Le Champ-Borne

[Visite en mai 2012]

Aujourd’hui, nous allons déjeuner au Champ-Borne, situé dans la localité du même nom, à quelques encablures du Beau Rivage que nous avons testé au mois de février dernier. Le restaurant est au bord de la route, vous ne pourrez pas le manquer : un bâtiment avec des baies vitrées qui laissent tout le loisir aux convives de profiter du paysage côtier. Si on tient compte de la salle intérieure réservée en général pour les réceptions, le Champ-Borne peut accueillir 200 personnes.
A la carte, les spécialités créoles classiques, y compris le cari bichique, mais aussi quelques grillades (bœuf, agneau et canard) et des plats chinois, de quoi contenter tout le monde. Notre préférence va vers un civet de coq, et le gallinacé affiche tout de suite sa généalogie : «fermier !», et un cari de bourgeois. Un achard de chou de coco viendra nous ouvrir l’appétit. La salle extérieure, de 80 couverts, est propre mais mériterait un peu plus de décoration. L’endroit est assez vaste pour qu’on puisse déjeuner sans gêner les voisins.
L’accueil est prévenant. Nous commandons et pour patienter on nous propose le punch maison : jus de fruit et grenadine avec du rhum blanc. Un cocktail simple mais efficace car léger et pas trop sucré. L’achard est servi chaud. La température nous fait monter aux narines des effluves de safran et de cumin et nous attaquons aussi sec. Le chou de coco est très finement émincé mais reste croquant. Bien sûr, à part une légère acidité, son arôme est complètement masqué par les épices sus-citées. Il n’en demeure pas moins très agréable et rempli son office : réveiller nos papilles gustatives. C’est tant mieux, car voici venir sans tarder le civet de coq, qui a assez belle allure. Les morceaux, d’une couleur marron tirant sur le rouge baignent dans une sauce généreuse (trop peut-être à notre goût, mais certains aiment imbiber leur riz), qui nous envoie le parfum musqué du girofle.  
 Notre fourchette atteste le lignage du volatile : c’est effectivement du coq fermier. Il faut dire que nous avons semble-t-il hérité des parties charnues et la viande est un peu sèche sous la dent, mais sans exagération. La cuisse de l’animal est plus onctueuse, et son état révèle une cuisson qui a dû être longue, bien trempée dans le vin. Parlons-en justement, du vin : s’il n’est pas avare en goût, s’il a parfaitement imprégn é la viande, il demeure tout de même assez sage, laissant presque le girofle dominer. Une juste dose de sel vient équili brer le tout, et le fumet du coq nous reste dans le nez pour notre plus grand plaisir. Un plat à respirer autant qu’à manger. Une petite touche de persil aurait été appropriée.  
Pour sa part le poisson fait presque aussi bien. Les morceaux baignent dans une sauce rouge, abondante et veloutée, où chantent en canon le gingembre et le combava. Ces derniers ne parviennent toutefois pas à effacer totalement l’odeur sucrée des tomates en conserve. La chair du poisson est de bonne tenue, sa texture un peu râpeuse étant largement compensée par celle la sauce. On ne saurait trop vous conseiller d’y rajouter une petite cuillérée de piment vert «crasé» (fourni), histoire de «tuer» définitivement l’arrière-goût des tomates en boîte, sauf si, bien sûr, vous aimez ça.
Nous terminons par un dessert maison : de la confiture de pamplemousse, servie en minces lamelles, à capella. Une merveille. Les amateurs de l’agrume fermeront les yeux et apprécieront son amertume caractéristique, largement domestiquée (mais non dominée) par le sucre. Un réel plaisir physique, comme une décharge d’électricité dans la colonne vertébrale. Nous nous disons alors que l’affaire passerait bien avec un magret de canard saignant, disponible à la carte, mais accompagné de letchis. Faites-en donc l’expérience : laissez tomber l’accompagnement aux letchis (qui n’est pas de saison, en plus) et demandez plutôt le pamplemousse ! Une expérience intéressante, gageons-le ! Addition : 55 euros pour deux plats, avec une entrée et un dessert. Compte tenu de la qualité globale, c’est assez honnête.
Sur la route de Champ-Borne, voilà un restaurant sans prétention qui propose une cuisine de bonne facture. Il y aurait encore quelques progrès à faire pour atteindre la qualité de la cuisine créole authentique, telle que nous la recherchons dans cette rubrique, mais vous ressortirez du Champ-Borne relativement satisfaits, et la peau du ventre bien tendue. Libre à vous d’aller digérer avec une petite marche jusqu’à l’ancienne église en profitant de l’air marin. Conséquemment, nous attribuons à cet établissement une jolie fourchette en argent.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : moyen • Présentation des plats : moyen • Service : très bien
Qualité des plats : bons
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

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Chez Doudou

[Visite en mai 2012]


La Petite France, aux portes du Maïdo : son brouillard, ses bœufs, ses chevaux, ses cyprès, et ses restaurants au frais. Aujourd'hui nous décidons de tester l'un des plus connu : «Chez Doudou». L'établissement est constitué d'un bâtiment bas, en bois, qui semble avoir poussé au fur et à mesure et qui ne manque pas d'un certain charme champêtre, avec sa cheminée à proximité de laquelle les frileux aimeront se réfugier. C'est qu'il ne fait pas chaud, avec l'hiver qui pointe son nez, mais cela ouvre l’appétit. Nous nous installons et une charmante demoiselle, fort accorte par ailleurs, nous explique le déroulement des opérations. Celles-ci commencent avec une entrée de beignets de morue et de chou et se poursuivent avec un buffet chaud dont nous ne connaissons pas encore la teneur. Il est tôt, et ce dernier n'est pas prêt. Le temps de patienter, on nous propose à la dégustation un jus de fruit frais et un punch maison, tous les deux excellents, à base de bananes. Les beignets ne tardent pas. Ils sont servis accompagnés d'une sorte de sauce tartare rouge assez typée. Et tant mieux pour les beignets, pourrait-on dire, car ces derniers à part un vague parfum de morue ont surtout un goût de...beignet, à savoir une pâte salée cuite à l'huile. Elle a fait long feu cette mode du beignet à tout et n'importe quoi, qu'on pouvait trouver dans beaucoup de restos des hauts se revendiquant de la tradition créole, et qui au bout du compte avaient tous le même goût : celui de l'huile ! Une entrée bien pratique, nous verrons plus loin pourquoi. Est-ce la fraîcheur, l'ambiance, la faim ou la sauce ? Les beignets sont proprement exterminés. Nous passons aux choses sérieuses. Les marmites chaudes sont mise à la disposition des clients. Au menu : un poisson au gingembre, un cari de poulet au coco et un plat de cochonnailles diverses, sorte de « rougail » mélangé de saucisses, boucané et andouillettes, qui baignent dans une sauce uniforme. L'aspect de l'affaire nous intrigue, nous entamerons donc les hostilités par là, avec, en accompagnement des lentilles et une sauce de piment.
Surprenant. Cette sorte de rougail panaché nous laisse pantois. La sauce, avec un arrière goût de fumé, ne manque pas d'attrait, les morceaux de saucisses et d'andouillettes font bonne figure et, tout en étant ferme d'aspect, fondent en bouche. Quand à la qualité intrinsèque de l'affaire, c'est le cas de le dire : on ne sait pas si c'est du lard ou du cochon ! On est loin du rougail boucané ou du rougail saucisse de la pure tradition créole, sans aucun doute. Le plat est bon, mais il lui manque quelque chose : un peu plus de tonus gustatif. Le poulet est beaucoup plus goûteux. Il est ferme et a cette belle couleur jaune des bons caris au feu de bois. La sauce est parfaite et le tout exhale d'autant mieux les aromates avec la poignée de persil frais, hachés, et lâchés par dessus au dernier moment. Nous remarquons tout de même que le volatile a été, lui aussi, coupé en menus morceaux. Impossible de retrouver une cuisse entière, ou une hanche dans cette hécatombe, pas plus que de bons « morceaux à sucer ».
Le poisson, quant à lui, s'est fait buzzer à la première bouchée : du capitaine ou du brigadier congelé, à tout le moins, mais quelque soit son grade il diffuse une saveur forte qui a littéralement divorcé de l'aigre-doux de la sauce tomate en boite ! Tomate en boite, mes enfants ! Et si le gingembre est bien présent, on n'en voit pas traces, pas plus que celles des carottes du bon poisson gingembre chinois. Un plat métissé, sans doute, et certainement bon marché. Un bon point pour le riz, du grain long cuit ni trop sec ni trop en colle, et pour les lentilles, fort goûteuses et bien en crème où quelques lamelles de brèdes chou-de-Chine se promenaient. Nous terminons le repas avec des bananes « rôties », et un excellent gâteau de patate douce au franc goût d'anisette, comme on les aime. L'addition est sans surprise puisque clairement annoncée au début du repas : 20 euros par personne, tout compris. Notre portefeuille est content, mais nous pas vraiment, et pas vraiment surpris non plus. Dans le genre gargotte à touristes « zoreil tarmac », Chez Doudou fait fort. Il se fait fort aussi de passer les recettes traditionnelles créole à la moulinette de l'économie et utilise pour cela les vieilles ficelles du métier : couper le poulet en petits morceaux, pour faire quantité, donner des beignets en entrée pour que les estomacs soient bien remplis et les foies en surcharge, faire passer du poisson bas de gamme dans une sauce tape à l'oeil, mélanger les saucisses avec le boucané ultra-gras et utiliser tout le tremblement dans une formule buffet qui fait croire qu'on en a pour son argent. Bien entendu, nos amis touristes, déjà bronzés ou encore blancs comme neige (au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs!) n'y voient que du feu (qui a dit :  « au Maïdo, c'est normal? »). Le restaurant n'étant ouvert que le week-end, nous pensons sincèrement qu'il est inutile de se farcir les virages du Guillaume et de la petite France exprès pour Doudou. Maintenant, si vous passez par là, pourquoi pas. Vous pourrez y déguster la tambouille créole pour zoreil ignorants, ce qui vous contentera le fondement mais rend pour le moment inaccessible la fourchette en argent. Nous décernons donc au restaurant « Chez Doudou » une fourchette en inox, en attendant un peu mieux, pour le respect de la tradition culinaire créole.
  
Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : buffet • Service : bien
Qualité des plats : moyenne
Notre impression globale : moyen
Fourchette en inox

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Le Karambol
[Visite en avril 2012]

La jolie petite ville de Sainte-Marie (en travaux) ne compte que très peu de restaurants créoles. O Karambol resto étant l'un de ceux qui propose davantage de plats locaux, nous décidons donc d'y mettre les pieds sous la table. Vous n'aurez aucun mal à le trouver, il se situe à deux pas de l'église, sur l'ancienne nationale. La salle compte une quarantaine de couverts, avec une décoration simple et efficace. Il est encore tôt. Nous prenons le temps de consulter le menu, affiché sur des tableaux, au mur du fond. Les entrées consistent en un buffet froid, où l'on trouve diverses crudités, quelques charcuteries, de la macédoine et des œufs mimosas, avec vinaigrette et mayonnaise de rigueur. Les plats chauds sont relativement variés : cari de poisson, rougail de morue, civet de lapin, shop-suey poulet, bœuf en daube, curry d'agneau... L'accueil est courtois. Nous nous plaçons non loin du buffet et composons notre assiette de légumes : haricots verts, macédoine, œufs, et deux tranches de salami. Un ensemble rafraîchissant, malgré le fait qu'il n'y a rien de frais, excepté les carottes. Les haricots et la macédoine : surgelés et conserve. Cela aurait passé comme une lettre à la poste si, au moins, la mayonnaise était faite « maison ». Rien du tout. De la mayonnaise standard au parfum de citron qu'on trouve au supermarché. Notre assiette vide est enlevée et on nous apporte notre commande : du civet de lapin, et un rougail de morue. Service à l'assiette. Les quantités semblent correctes. Un joli « piton » de riz trône sur le plat à côté des lentilles. Et pas de piment en accompagnement ! Oubli réparé à notre demande. On nous dépose un rougail tomate direct sorti du frigo. Le civet est coupé en morceaux trop gros, et, s'il a une couleur bien foncée, ne dégage pas l'odeur si particulière de tout civet respectable, ce d'autant qu'il n'y a pas un brin de persil à l'horizon. Notre mauvaise impression se confirme en bouche : c'est sec et assez fade. Où donc est passé la saveur du vin ? Où est la force du girofle ? Rien. Le grand vide gustatif. Le plat est juste assez bon pour remplir un ventre affamé, mais guère plus. Cela ne s'arrange pas avec le rougail morue, bien au contraire. Déjà, la morue est grossièrement hachée (et dire qu'on avait critiqué, gentiment, l'aspect de celle de la Table Créole, au Port, il y a quelques semaines ! C'était du grand luxe à côté). Les morceaux de chair se disputent la place avec des morceau d'oignons, et... une forêt d'arêtes ! Le tout est « blême », bien loin de la belle couleur orangée du rougail morue bien né. Si le parfum est plutôt conforme aux attentes, le goût est significativement en-deça du minimum tolérable : une amertume vient gâcher le plat. Quelque chose a dû cramer au fond, le combava peut-être, ou le gingembre ajouté à la louche. Bref, appelons cela un sauté de morue aux oignons, pour être proche de la vérité. Un sauté raté. Il est 12h45. La salle est pleine. Le service semble un peu bousculé, mais reste efficace. Nous attendons un peu notre dessert, une tarte aux pommes. Celle-ci s'avère passable. Tiède et sans joie. C'est l'heure de l'addition et d'aller voir ailleurs si nous y sommes : 31 euros pour deux personnes, tout compris, avec un apéritif et un dessert. On ne peut pas dire que ce soit malhonnête. La formule « complète » hors boisson, c'est à dire le buffet plus un plat chaud est à 14 euros. Le rapport qualité prix est correct ! Effectivement les restaurants créoles ne pullulent pas à Sainte-Marie, et la plupart des établissements sont concentrés à Duparc et alentours. De plus, ô Karambol affiche des tarifs très raisonnables. Pour aller déjeuner pas cher le midi, à Sainte-Marie ville, si on a faim, et si on veut à tout prix manger des plats créoles, pourquoi pas... mais ce sont là des considérations purement alimentaires qui ne justifient en aucun cas l'obtention d'une fourchette de quelque métal que ce soit. Par conséquent, en souhaitant une amélioration substantielle de la qualité de ses plats, nous attribuons ô karambol, enfer et damnation, une pauvre fourchette en plastique.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien • Service : moyen
Qualité des plats : méciocre

Notre impression globale : médiocre
Fourchette en plastique

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Note août 2013 : Certains croient que nous jubilons quand nous attribuons une fourchette en plastique. C'est faux. Cette deuxième ne nous a pas fait plus plaisir que la première attribuée au Saint-Bernard à la Montagne. C'est réellement une déception pour nous. Quand un client entre dans un restaurant il n' a pas la possibilité d'essayer sa cuisine, qu'il ait aimé ou pas, il doit payer. Et si cette cuisine est médiocre, il faut payer quand même.
La gérante du Karambol a saisit son avocat. Réaction stupide et totalement anti-commerciale. Ceux et celles qui se sont vus critiquer et mal noter se contentent à chaque fois de riposter par la justice, par l'insulte ou la prise à partie. Et pourtant. Ils se privent ainsi d'une deuxième visite où ils peuvent avoir une meilleure note. Dommage.
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La Cour Grenad'inn
[Visite en avril 2012]

Cette semaine, nous sortons quelque peu des sentiers battus des traditionnels caris en allant déjeuner à la « Cour Grenade Inn », établissement installé en hauteur dans la rue Marius et Ary Leblond, à Saint-Pierre et qui prétend proposer de la « cuisine originale de La Réunion ». Les marches d'un étroit escalier nous mènent dans une vraie oasis où se côtoient plantes de jardin créole traditionnel et orchidées. Ambiance tonnelle et terrasse, tout de bois, avec le bruit apaisant d'une fontaine. Le restaurant propose plusieurs formules : menu du jour et une carte relativement riche, de la gastronomie d'inspiration métropolitaine pour l'essentiel, mais composée avec des produits locaux. Que des noms à rallonge du style :  « Craquant de Saint-Jacques à la vanille, œufs de songe de Salaze en nid de cresson », ou plus rigolo : « tagine de cabri au massalé pimenté et sa purée de citrouille au gros pois »... pour dire « massalé cabri ? ». L'accueil est aussi ensoleillé que cette journée et on nous installe dans un coin à l'ombre, d'où nous avons une vue sur toute la terrasse. Nous prenons un apéritif à base de fruits frais pour nous rafraîchir : du jus d'ananas et de Pitaya que nous sirotons en passant en revue les mets proposés. Au passage nous remarquons que l'établissement propose pas moins de cinq préparations à base de foie gras, dont les appellations laissent rêveur : « foie gras épicé et magret fumé en papillote de feuilles de bananes avec compotée de patates douces », entre autres. Nous finirons par nous arrêter sur le tartare de thon et d'espadon et le mille feuilles au Takamaka « et jambon cru séché » en entrée. Nous poursuivrons avec un « menu surprise » (viande ou poisson au choix, mais c'est le chef qui décide ce que vous aurez dans votre assiette) et une « rouelle croustillante de pied de porc farci aux champignons et son jus parfumé à la mignonnette de poivre ». Nous sommes bien curieux de voir à quoi ressemble ce plat arrangé à la sauce « gastronomique » autant que de savoir ce qu'il y aura dans l'autre assiette. Nous savons déjà que ce sera une viande. Si vous avez encore quelques doutes sur le genre de la maison, les entrées vous les ôterons tout de suite, ne serait-ce que par leur présentation, stylée, recherchée, originale. Le  tartare sort d'un demi coco comme d'une corde d'abondance, le mille feuilles ressemble à s'y méprendre à un rouleau de printemps allongé avec une tranche de jambon cru à côté. Le ramage va-t-il égaler le plumage ? Dans l'ensemble, oui. Le poisson cru fera le bonheur des amateurs du genre. Nous avons tout particulièrement apprécié le fait qu'il n'était pas noyé dans du jus de citron, mais qu'il se mariait parfaitement avec les quelques grains de poivre et les morceaux de goyavier et leur légère acidité si parfumée. Le mille feuilles de Takamaka est savoureux... bon, disons que le Takamaka (fromage local pour ceux qui ne savent pas) est savoureux. «Mille feuilles », en l’occurrence est un nom surfait. Nous nous étions attendus à un genre de plat style lasagnes, avec des « feuilles », eh non. Le jambon qui l'accompagne, lui, n'a pas volé son nom : « séché ». Bien séché même. Raide comme de l'écorce. Le service est rapide et attentionné. Les assiettes sont déjà parties et remplacées par les plats de résistance. Notre « surprise » arrive : c'est du magret de canard, coupé en lamelles, avec des légumes en accompagnement. Celui-ci est un peu trop cuit... (nous avions demandé la viande entre saignante et bleue), mais reste bien souple. La sauce, d'une couleur marron foncée, est sucrée-salée. Des morceaux de mangues confites y ont lâché leur saveur acidulée. Tout cela, ajouté à une humeur de cardamome nichée dans les accompagnements, est très riche en sensations gustatives. Le pied de porc est croustillant mais est-il farci ? Encore une tournure alambiquée, gageons-le. Si les champignons sont goûteux, si la sauce se défend, la viande elle-même est sèche et... « sent » un peu la vieille truie. Une odeur de viande de porc assez forte donc, mais heureusement pas assez pour nous empêcher de terminer la dégustation. Du riz, bon, accompagne le porc, mais en quantités « gastronomiques » (quelques grammes). Mention spéciale pour les chouchous, coupés très fins, qui apportent une certaine fraîcheur, un côté vraiment « créole », et dont la saveur et la consistance oscillent entre la daube et le achard. Un excellent crumble au fruits (des ananas et des pommes), bien chaud, vient clore ce repas. Addition : 56 euros pour deux personnes, avec un seul dessert. Un peu chaud, comme le crumble, mais le rapport qualité-prix reste acceptable. Nous ne regrettons pas d'être venus. La cour Grenade Inn est un établissement agréable et sympathique. Il fera sans aucun doute votre bonheur si vous passez par le centre ville de Saint-Pierre. C'est l'occasion de faire une pause détente gastronomique intéressante, pour peu que vous ayez le porte-monnaie averti (la formule du midi est la plus intéressante). Les mauvaises langues qui disent que cuisine « gastronomique » rime avec « prix astronomiques » et « quantités microscopiques » auront quand même presque tout faux. Les portions sont correctes. Nous notons toutefois, sur la base de ce que nous avons dégusté, que la qualité, déjà élevée, pourrait être encore améliorée. Les belles formules de grands restaurants peuvent prêter à sourire si le client n'a pas l'impression de « voyager » comme elles l'y invitent. Enfin, les produits réunionnais sont bien mis en valeur, et c'est surtout pour cela que nous sommes venus. La Cour Grenade Inn se voit donc gratifiée d'une belle fourchette en argent.

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Plats : bons • Rapport qualité prix : acceptable
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

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Note août 2013 : Première critique où nous dérogeons volontairement à notre règle de tester des restaurants créoles. Et ça fait du bien de temps en temps de changer de registre. Malgré tout, La Cour Grenad'inn cuisine avec des produits locaux traditionnels.
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Ti Coq
[Visite en mars 2012]

Aujourd'hui, nous déjeunons à Saint-Gilles, (encore) tête de pont du tourisme balnéaire de l'île, une petite ville ayant l'une des plus grosses concentrations de restaurants et de snacks au kilomètre-carré. Ce n'est donc pas le choix qui manque. Nous décidons d'aller tester Ti Coq, établissement situé à côté du forum, assez en retrait de la traversante de Saint-Gilles, donc préservé du bruit de fond de la circulation.
La salle est vaste (80 couverts), décorée de plantes, d'une collection de chapeaux traditionnels, et d'objet divers. Nous nous asseyons dans des fauteuils style ancien, bien rembourrés et très confortables, qui surprennent un peu dans le décor, mais lui donnent un certain cachet, complété par une musique d'ambiance séga/maloya. L'accueil est aimable et minimal. On nous apporte la carte, mais sans nous demander si l'on désire un apéritif. La carte est pléthorique. Outre les caris et rougails classiques, on y trouve quelques originalités, comme le poulet baba-figues et le riz « sofé », le cari crevette ti-jacques ou le civet de requin. Nous faisons l'impasse sur les entrées - des tartares de poisson, des gratins et une salade de palmiste - pour nous concentrer sur les plats de résistance. Ce sera poulet baba-figues et romazava, pour la petite touche exotique malgache. En attendant, l’apéritif , que nous avons réclamé, est servi avec quelques lamelles de bananes frites, légèrement salées. Moins de dix minutes plus tard, notre assiette est déposée. Au premier coup d'oeil, c'est très joli. L'assiette est posée dans un vanne, et recouverte d'une « feuille figue ». Un point pour la tradition. Les touristes doivent adorer. A y regarder de plus près, l'ensemble semble un peu « sec » . Les haricots rouges ont fait de la résistance dans la marmite, ils sont bien fermes ! Le baba-figue fait de la figuration (on aurait dû demander du baba-figues au poulet, plutôt). Le romazava est servi sans bouillon. On peut comprendre que dans la feuille de bananier, cela pourrait être techniquement délicat, mais un bol de bouillon à côté aurait fait l'affaire.
La portion de riz semble correcte. Nous attaquons. Première bouchée de poulet : saperlipopette, de la viande batterie. Farineuse. Sans saveur. Ennuyeuse comme un épisode de Derrick. Le baba-figues fait de son mieux pour relever le plat mais avec des quantités pareilles, c'est mission impossible. Dommage car il promettait : aucune amertume décelable et une légère acidité intéressante. Le goût typique du baba aurait pu être plus présent, mais c'est le fond de sauce du cari qui domine. Le romazava est bien meilleur gustativement parlant. La viande de bœuf est fondante, légèrement grasse, et la saveur des brèdes mafane enveloppe le tout de manière satisfaisante... pour les palais délicats. A la place de cette musique de chambre pour coincés de la luette, nous aurions tout de même préféré une partition fortissimo, plus en accord avec l'authentique puissance de ce plat emblématique de la cuisine malgache : des brèdes mafanes dont la saveur profonde soulève et accompagne la viande de bœuf qui s'est abandonnée totalement, chair et goût, dans cette sauce où baignent logiquement quelques fleurs qui vous anesthésient les lèvres comme si vous aviez avalé deux kilos de menthe super-forte d'un seul coup.
Sauce ? Quelle sauce ? Point de sauce, hélas, et c'est là qu'on se lasse. Un mot sur les accompagnements : des brèdes chouchous hachées, trop cuites, et en quantité homéopathique et des achards «jaunes», c'est à dire sans haricots verts et sans gros piments. Les rougails proposés tiennent la route, surtout le rougail bringelles qui est bien parfumé. Nous demandons les desserts. Des gâteaux créoles traditionnels, dont le prix, 10 euros, nous font écarquiller des yeux. Nous les attendons de pied ferme. Oui, « ferme » est le mot qui convient. Mais pas pour nos pieds, pour le gâteau patate. Pas mauvais du reste. Il sort du frigo. Ceci explique peut-être cela, mais créole i apèl sa « comblage ». Ca veut tout dire. Le gâteau chouchou est un peu mieux mais à peine. Disons plutôt un autre « comblage » parfumé au chouchou. Et tout ça pour 10 euros ! C'est certainement la présentation qui fait le prix. Nous trouvons cela un peu exagéré. L'addition : deux caris plus un dessert : 43 euros. Comptez entre 12 et 17 euros de plus pour une entrée. Sans l’apéritif. Bienvenue à Saint-Gilles. Il est plus avantageux de prendre la formule du jour, si les plats au menu vous conviennent. On ne discuterait pas le prix si la qualité globale du repas avait été au rendez-vous. Hélas, tout cela fut pour le moins moyen. Quand on prétend accueillir des touristes dans un endroit comme Saint-Gilles en leur proposant des plats traditionnels créole, d'abord on commence par y mettre les formes : un accueil plus jovial, et plus informatif n'est pas du luxe (le contenu exact des plats, la spécialité de la maison, du conseil...). Ensuite on essaie de respecter la tradition. On ne se contente pas de servir des ersatz dans un joli décor pour faire genre. Pourtant, il y a du potentiel. On sent très bien que cela pourrait être meilleur, bien meilleur. La fourchette en argent est largement accessible, mais c'est une petite fourchette en inox qui s'impose pour ce repas au Ti Coq.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : très bien
Service : moyen • Qualité des plats : moyen • Rapport qualité prix : perfectible
Notre impression globale : moyen
Fourchette en inox

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Le Beau Rivage
[Visite en février 2012]

C'est à Champ-Bornes que nous nous sommes arrêtés aujourd'hui pour goûter à la cuisine de l'un des plus vieux restaurants de l'Est : Le Beau Rivage, pile en face de la mairie annexe, à côté des ruines de l'ancienne église. Au moment où nous écrivons ces lignes, le Beau Rivage ne porte pas bien son nom : il y a des travaux en cours sur le littoral, semble-t-il,  et le rivage ne ressemble à rien. L'intérieur du restaurant est décoré à la chinoise, un peu kitch, avec des chaises en plastique recouvertes de tissus. La salle est grande et climatisée. Au milieu, trône une table à buffet, pour l'heure vide. L'accueil est sympathique et détendu. Nous nous plaçons près de la baie vitrée qui donne sur la mer. A la carte, des plats chinois et métros, et les grands classiques de la cuisine créole : du sempiternel rougail saucisse au cabri massalé en passant par le civet zourite et le cari bichiques. La seule entrée créole : une salade de palmiste. Pour une fois nous opterons donc pour des entrées chinoises : calamars frits pimentés et des nems au poulet. Suivront un rougail boucané, viande provenant d'un fameux charcutier de la région, et un cari de poisson rouge (local), servi pimenté, que nous espérons à la hauteur, vu son prix : 29 euros. Avant d'entamer les hostilités, nous testons le cocktail “maison”, avec “la touche finale“ du barman…qui pique notre curiosité. Le breuvage est très sucré, mais assez léger en alcool, et on y détecte des saveurs de banane, d'ananas, et de menthe. La touche finale s'avérerait être la déco du cocktail… dixit le barman lui-même, mais on a du mal à le croire ! Les entrées arrivent. Les morceaux de calamar coupés finement ont frit avec une légère pellicule de pâte parfumée. Très intéressant en bouche puisqu'on a tour à tour le croquant-souple de la chair du calamar et le croustillant de la pâte d'une épaisseur moléculaire. Le tout fleure bon l'ail et le piment, sans exagération. Les nems, en revanche, sont parfaitement quelconques. Voire moins. Elles nous ont été servies un peu brûlées sur les coins, et le goût entêtant du chou écrase ceux des autres ingrédients. Par dessus le marché, ni feuilles de salade, ni menthe fraîche en accompagnement. Dommage. Nous poursuivons par le boucané. La viande de chez le charcutier est ni trop sèche ni trop grasse, et cuite à point. La sauce du cari est peu abondante mais réalisée avec des bonnes tomates de chez nous, bien mûres, et pas celles qu'on trouve au rayon “tôles” des supermarchés. Etrangement, nous trouvons au boucané un arrière-goût de sarcives, mais sans que cela devienne désagréable. Une sauce de piment vert aux oignons vient relever un peu le plat. Les gros pois en crème complètent le tout avec bonheur. Le poisson rouge, de 25 centimètres environ et servi entier, est assez correct. Sa carte d'identité arômatique, olfactive et sensorielle est conforme à ce que l'on est en droit d'attendre. La chair est tendre et fondante, et la sauce, légèrement gluante comme de juste, a capté la majeur partie des saveurs, particulièrement dans la tête. Cette dernière a fait l'objet de notre attention particulière. Nous l'avons dépecée avec soin, en suçant avec délectation les moindres morceaux, aussi piquant fussent-ils. Nous avons terminé par les joues, minuscules mais goûteuses, avec une pensée émue pour tous nos ami(e)s gourmets créoles qui font de la dégustation de la tête de poisson rouge une véritable cérémonie durant laquelle il ne faut surtout pas les déranger ! Le poisson est nettoyé mais, nonobstant la tête, nous déplorons tout de même un léger manque de punch gustatif. Il fallait bien chercher le piment, et nous aurions apprécié que le gingembre donne plus de voix, en duo avec du combava dont nous n'avons pas trouvé trace. C'est l'heure du café, et de l'addition : 75 euros et des écailles de poisson pour deux personnes (apéritifs, entrées, plats et café). Un peu chaud quand même. Le Beau rivage est toujours considéré comme une étape gastronomique incontournable de la côte est, en dépit de la nombreuse concurrence alentour et du site qui a grand besoin d'un sérieux lifting. La cuisine créole mériterait également d'y être davantage honorée, avec des plats sortant des ordinaires et communs caris et rougails. Pour autant, sans être vraiment sensationnels, les plats proposés sont d'honnête facture, et à la fin des repas vous repartirez assez satisfaits. Nous ajoutons par conséquent une petite fourchette en argent à la carte de visite du Beau Rivage. C'est la troisième depuis le début de l'année, pourvu que ça dure !

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : moyen • Plats : bons
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

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Note août 2013 : Un restaurant créole tendance cuisine chinoise.
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La table créole
[Visite en février 2012]

Aujourd’hui nous mettons les pieds sous « La table créole », au Port. Vous trouverez ce restaurant sur l’ancienne route nationale, un peu avant le temple tamoul dans la direction Possession - Rivière-des-Galets, niché dans le décor de savane typique du coin (galets-tamarins-soleil qui pwak). Une vaste salle ouverte taillée pour les dîners dansants nous accueille. Le personnel est prévenant et nous propose un apétitif. La carte est au mur. Au menu du jour : rougail chevaquines, rougail morue, cuisse de poulet au four avec riz sauté, l’assortiment habituel des shop-suey (porc, bœuf, etc.) et quelques plats métros : entrecôte, magret de canard, rumsteak, salades. Ni une ni deux, nous salivons déjà pour le rougail chevaquines et son cousin le rougail morue et les commandons aussi sec. Comme nous sommes arrivés de bonne heure, nous patientons un peu le temps que le service se mette en place et que les autres clients arrivent. Des habitués, souvent, qui viennent chercher des plats à emporter (7 euros ! Pas donnée la morue en barquette !), et des em-ployés de la zone industrielle et commerciale voisine. Les plats arrivent portés à bout de bras par la souriante serveuse à laquelle nous avons demandé un piment « crasé » pour aller avec les chevaquines. Un piment la pâte vert en tient lieu, on lui fera son affaire (au piment, pas à la serveuse !). Les chevaquines ont une belle couleur marron, signe qu’elles ont été bien grillées comme il faut, et que la tomate a fondu et doré avec les petits morceaux de crevettes pilés dans les règles. Ces minuscules crevettes ont leurs amateurs et leurs détracteurs. Tout le monde n’aime pas. La faute, souvent, à une odeur assez forte et à leur goût prononcé. Le diable nous patafiole, mais ce qu’il y a dans nos assiettes n’a rien à voir avec cela. Le goût des chevaquines est toujours là, mais sage et domestiqué. De plus, elles ont été si bien pilées qu’en bouche aucune agression de gencive n’est à signaler. Un bonheur. Du coup, le riz teinté de la belle couleur de la sauce n’en est que plus goûteux. Le fameux piment la pâte, bien musclé, accompagne tout cela à merveille en nous mettant une claque ou deux. Au passage, il dira bonjour aussi à la morue. Cette dernière est excellente. Et ce n’est pas évident de trouver du bon rougail morue par les temps qui courent. D’une belle couleur orangée, habillée de paillettes d’oignons verts, elle nous chante ses saveurs lointaines des souvenirs de ses ancêtres qui parfumaient les boutiques chinois d’antan. La sauce est parfaite, ni trop grasse, ni envahissante et salée juste ce qu’il faut. Un bémol : les morceaux sont un peu gros. On aurait préféré le poisson un peu plus émietté. Ceci dit, on peut comprendre celui ou celle qui s’en est occupé, on imagine : “MAAA fiiy ! Tout’ sa la morue-là pou éclitééé, moin na poin rienk’sa pou fé ! Et puis vi koné, la morue koméla, lé pu pareil sa d’avant ! ” On redemande du riz, pour finir les caris (un peu juste pour des travailleurs qui transpirent, la dose de riz, surtout avec des caris comme ceux-là). On nous débarrasse avec la question rituelle : “vous avez terminé ?” La table, qui ressemble à Dunkerque un 5 juin 1940, répond d’elle-même. Nous terminons effectivement par des douceurs, une crème brulée et un fondant tiramisu qui réconcilierait n’importe quel candidat au suicide avec la vie. L’addition (apéros-repas, desserts et cafés) se monte à 46 euros pour deux personnes. Bien. On ne regrette pas d’être venus. “La Table créole” est un resto-midi qui propose de la bonne cuisine pour pas très cher et on y passe un bon moment. L’ambiance est conviviale, le personnel est disponible et très sympathique. Ceux qui travaillent aux alentours l’ont bien compris. Si vous êtes de passage pour affaire du côté du Port, n’hésitez pas. Un endroit idéal pour emmener un client et signer un contrat. Quelques points peut-être à améliorer : il y fait un peu chaud, des brumisateurs ne seraient pas du luxe. On aimerait aussi avoir une carte à table. Ceux qui sont assis loin ne peuvent pas forcément lire les tableaux. Nous décernons donc à la Table créole une magnifique fourchette en argent massif.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : bons / très bons • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

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Note août 2013 : L'un des établissements les plus sympas que nous ayons testé. Nous y sommes retournés de manière informelle un an plus tard, la qualité de la cuisine n'avait pas bougé. 
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La Plantation
[Visite en janvier 2012]

La rubrique entame l’année à l’Etang-Salé-les-Bains, où, dans un rayon de 200 mètres, vous avez le choix entre pas moins de 5 restaurants, qui proposent pour la plupart de la cuisine à dominante métropolitaine et des pizzas. Nous jetons notre dévolu sur « La Plantation », situé sur la gauche quand vous entrez dans le village, juste avant le rond-point. L’établissement affiche une carte assez fournie en pizzas et grillades, plus quelques plats créoles surtout basés sur les produits de la mer (camarons, poissons, noix de Saint-Jacques). L’endroit est coquet. Une grande salle ouverte de près de 80 couverts, agréable par ces chaleurs estivales, mais hélas un peu trop près de la route. On nous accueille poliment et avec le sourire et nous nous installons à proximité d’un bassin d’agrément où nagent quelques poissons multicolores.  La carte arrive, après un rapide coup d’œil nous optons pour un cari d’espadon et un massalé cabri (la seule viande parmis les plats créoles), avec une salade au camembert et un gratin au jambon comme entrées. Celles-ci ne tardent guère.  Le gratin exhale une agréable odeur de fromage et d’épices. Des champignons et des morceaux de palmiste accompagnent les petits bouts de jambon dans une sauce béchamel très légère et parfumée, rappelant un peu la sauce corail. Au palais, les quelques herbes de provence étalées sur le fromage gratiné font merveille en contre-point de la petite acidité dégagée par le palmiste en boite. Du gratin réalisé certes avec des produits en conserve, mais qui tient parfaitement la route.  La salade est idéale, et peut-être plus indiquée par les températures de saison. Les morceaux de camembers “rotis”, étalés sur leurs tranches de pain coustillantes sont accompagnés d’un coulis de goyavier. Le mariage camembert-coulis de goyavier avec le croustillant du pain est une réussite. Certains fromages s’entendent en effet très bien avec les confitures et autres produits à base de fruits (essayez vous allez voir). Les crudités en accompagnement sont dans le même registre sucré-salé : des morceaux de tomates et d’ananas qui, non contents de donner de la couleur à l’assiette, sont un véritable cadeau de fraîcheur.  Nous sommes plûtot satisfaits et attendons la suite avec impatience. Si ça continue comme ça, tombera au moins une fourchette en argent.  Les plats chauds sont servis à l’assiette, en quantités respectables. A l’œil, c’est très joli, en bouche c’est un peu mitigé. Le poisson, de l’espadon, est sec sous la dent. Il nage allègrement dans une sauce de cari à la tomate en boite, bien rouge. Pour autant la chair a conservé son goût caractéristique, malgré son passage au congélateur.  Le massalé n’est pas mauvais du tout. La sauce est sombre et dégage une belle odeur de coriandre, de cumin et de graine de moutarde qui ont largement profité de leur passage à l’huile chaude pour révéler leur petit caractère. Dommage que la viande elle-même soit un peu filandreuse et que les morceaux soient avachis dans l’assiette. Un vieux bouc un peu dur à cuire et qu’on a eu par la force, visiblement.  Quant au reste : bon point pour la sauce de piment vert. Cette dernière, mélangée à l’espadon, a clairement sauvé le plat. Mauvais point pour les haricots rouge en boite (aussi) car bien trop salés. Nous terminons nos plats quand même, avec une impression mitigée, et faisons l’impasse sur les desserts.  Au final, l’addition se monte à 57 euros et des poussières (entrées + plats), ce qui est un peu cher, tout de même, compte-tenu de la qualité globale. 
La Plantation est un restaurant sympatique, et vous ne regretterez pas d’y déjeuner lors d’un passage par l’Etang-Salé, mais il ne vous laissera pas non plus un souvenir impérissable, pour ce qui concerne la cuisine créole en tout cas. Nous saluons tout de même le chef qui réalise des plats honnêtes avec des produits pour le moins standards, plus quelques originalités.La qualité demeure dans la moyenne, mais, gustativement parlant, nous restons sur notre faim. Les espoirs fondés sur les entrées n'ont pas été complètement confirmés avec les caris, et c’est un peu frustrant. Nous décernons tout de même à la Plantation une gentille fourchette en argent (celle en inox n'est pas passé loin) avec nos encouragement a toujours rechercher l'excellence dans la réalisation des plats créoles qui sont les ambassadeurs de notre gastronomie auprès des touristes dans ce joli village de l'Etang-Salé.

Pour résumer
Accueil : bien• Cadre : très bien • Plats : bons / moyens • Rapport qualité/prix : perfectible
Notre impression globale : bonne table mais encore des progrès à faire
Fourchette en argent

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Note août 2013 : Dans la foulée du Grand Baie, testé en décembre 2011, encore un restaurant où la cuisine créole n'a pas vraiment la première place. Nous cherchions un établissement à l'Etang-salé, et c'est le seul qui proposait ce jour là quelque chose de créole. Nous découvriront une perle, plus tard, à l'Etang-salé-les-hauts...


Commentaire reçu sur l'ancien blog, signé "Teuk" :
La pire experience culinaire que nous avons vecu a la reunion, une salade a peu prés acceptable, une horreur de pizza surgelee, avec des rajouts, plat de tagliatelle quasi imangeable , vaisselle usagée, trés mauvaise experience BEURK!!!!!


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