JUSTE UNE BONNE TABLE
Avril 2011. Nous sortons du Franciscéa
passablement déçus. Service aléatoire, plats moyens. La fourchette
en inox était tombée. Précisons que le système de notation étant
à ses début, cette fourchette n'était pas encore considérée
comme une mauvaise note telle qu'elle l'est aujourd'hui. Une mise à
jour s'impose donc.
C'est en cette orée de décembre que nous
décidons d'aller remettre les pieds sous la table du Franciscéa,
dans ses murs de case créole, un peu plus défraîchis par endroit,
derrière l'église de Saint-André. L'intérieur est toujours aussi
confortable, sobrement mais gaiment décoré. L'accueil est souriant
et courtois. Nous nous installons et l'on nous apporte la carte.
Trois menus s'affichent : créole, métro et chinois. Neuf caris
créoles suivent cinq entrées. On pourra y trouver un rougail
zandouille, un cari de porc au palmiste frais, un cari de canard fumé
pays, un civet de cerf pays au whisky et aussi notre prisé cari
bichiques, signalés « selon saison » donc frais, quand
il y en a. Dix-huit plats chinois sont proposés, qui suivent six
snacks dont du calamar frit ou des beignets de songe, pour les
amateurs.
Le menu métro quant à lui affiche également six entrées
et pas moins de dix plats. Au programme : pâvé de biche, côte
de bœuf grillée avec accompagnements variés. Calculette :
37 plats et 17 entrées, sans compter les desserts et les (chers)
menus enfant. Beaucoup de choix donc, mais à moins qu'un bataillon
ne séjourne en cuisine, le surgelé est de rigueur à tous les
étages, menu du jour (peut-être) excepté.
Nous nous décidons pour
une salade et un gratin de palmiste, suivis d'un Coq massalé et d'un
pavé de saumon. Deux coktails sans alcool plus tard, les entrées
sont servies.
La salade est fatiguée. En effet les morceaux de
palmiste effilés présentent des traces brunes à leurs extrémités,
et leur couleur n'est pas le blanc-crème éclatant qui est censé
lui seoir. Au goût, rien de transcendant, la saveur lactée du cœur
se serait mieux exprimée avec davantage de croquant, donc une
découpe différente. Il faut arrêter de ne présenter que des
filasses de palmiste sous prétexte que ça fait joli : on ne
sent rien ! La vinaigrette, Dieu merci proposée à part, est à
utiliser en mode homéopathique, vu sa dose d'acidité, si on veut
sentir le palmiste. Mais il est vrai que certains préfèrent cette
salade bien relevée. Autant dire que le produit devient alors un
simple support pour mastiquer de la vinaigrette ! Nous terminons
l'assiette, mais tout cela semble un peu expédié.
Le gratin fait
bien mieux. Bon équilibre entre la quantité de palmiste et la
béchamel, un fromage qui nous dilate les narines mais ne s'impose
pas en bouche, et le tout, jaune curcuma, ne manque pas d'épices.
C'est presque à croire que l'affaire a été préparée dans un fond
de cari qui n'est pas sans rappeler, par certains côtés, la cuisine
des cousins mauriciens, avec leur curry entêtant. Cela donne un
gratin créole de caractère, très enlevé, que nous avons exterminé
avec plaisir.
Le coq massalé est bon dans l'ensemble. La viande est
assaisonnée d'un massalé équilibré, goûteux, complexe, et pas
trop agressif, qui laisse le caloupilé s'exprimer, à tel point que
ce dernier nous chante dans les sinus son refrain fumé et piquant.
Tout cela est bien mis en valeur par une jolie sauce épaisse, au
fond d'huile discret, et par un sel qui n'est pas très loin de
prendre ses aises, mais qui reste juste en deça de la ligne rouge.
Dommage en revanche que le gallinacé n'ait pas fréquenté de
basse-cour créole digne de ce nom. Il n'a pas le sang bleu,
palsembleu. Sa chair présente en effet l'avachissement ordinaire des
viandes de batterie. Frais, il l'était sans doute, comme indiqué
sur la carte (peut-on espérer) mais son goût typique est aux
abonnés absents tant est si bien qu'on pourrait douter de son yang.
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Le coin de l'assiette est ébréché... |
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... ainsi que la carafe d'eau ! Il y a du laisser-aller ! |
Le poisson a davantage d'envergure. La chair rosée du saumon nous
lance ses puissants atours gustatifs avec une certaine longueur en
bouche qui se termine sur des notes grillées. Le beurre au baies
roses nous semble presque trop velléitaire dans son besoin
d'exister, au détriment des saveurs de la belle chair du saumon. Les
accompagnements sont corrects, mais un peu bavards en sel surtout
dans la la tomate. Le riz safrané, façon pilaf, répond en écho au
gratin de palmiste, avec des revendications indiennes sous-jacentes.
Il accompagne bien le saumon. Pas grand chose à dire sur le riz
servi avec le coq, en grains longs indépendants, mais mention
spéciale pour les haricots blancs crémeux, très parfumés, avec un
velouté qui n'est pas sans rappeler la surface des dhall. Le rougail
tomate est pareillement ensoleillé. On retrouve le bon goût de
tomate au pilon, avec un piment présent mais respectueux, le tout
laissant cette sympathique petite acidité sur la langue qui appelle
d'autres cuillérées.
Nous prenons le dessert par pure conscience
professionnelle. Deux tranches de gâteau tison avec quelques
morceaux de papayes épars. Une petite crème anglaise ou une
chantilly auraient été les bienvenus en accompagnement, signant une
once de dressage de bon aloi, mais fort malheureusement inexistant
aujourd'hui. Tarif pour deux apéritifs, deux entrées, deux plats,
deux desserts, deux verres de vin, et deux cafés : plus de 90
euros. Soit la totale à 45 euros par tête. Un tarif peut-être
acceptable quand la qualité est au rendez-vous du début à la fin,
ce qui ne fut pas forcément le cas. Cher donc.
Et c'est bien le
dressage général qui pèche en premier lieu. Dans un cadre comme
celui-ci, et avec des tarifs tels que ceux-là, on est en droit
d'attendre des assiettes plus jolies à l'œil. Il faut bien le
dire : c'est basique. Le service, pour sa part, a fait un vrai
bon en avant. Mais attention quand même à vérifier la
vaisselle quand on la pose sur la table : le pichet d'eau
ébréché, c'est moyen. Enfin, la qualité de la cuisine a quelque
peu progressé, dirions-nous. Mais bien trop timidement. La faute
sans doute au sempiternel (mauvais ?) choix stratégique de vouloir
proposer pléthore de plats, et de céder un peu trop aux exigences
de rentabilité. Dommage, car il y a largement matière à faire
mieux, beaucoup mieux. Considérant la qualité globale
satisfaisante, bien qu'encore insuffisante, nous décernons au
Franciscéa une fourchette en argent d'encouragement.
Accueil : Très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
Service : bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : perfectible.
IMPRESSION GLOBALE : BONNE TABLE
Le Franciscéa 56, rue Payet (derrière l'église) Saint-André
Tél : 0262 46 26 55
La présente critique a été réalisée le 1er décembre 2015, à partir de midi, et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive. Notre point de vue est subjectif, par nature, mais parfaitement honnête. Nous certifions n'avoir aucun rapport de près ou de loin avec les propriétaires de ce restaurant et aucun intérêt à attribuer à ce dernier une bonne ou une mauvaise note. Dans tous les cas, le restaurant dispose d'un droit de réponse.